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Sur la place Richebé, qui donne sur le Boulevard de la liberté, se dresse la statue du général Faidherbe.

Celui-ci, né à Lille en 1818, a fourni une très belle carrière notamment au Sénégal où il s’est révélé, à l’origine de cette colonie, administrateur et organisateur hors ligne.

Durant la malheureuse guerre de 1870 il a commandé l’armée du Nord qui s’est distinguée à Bapaume et à Pont-Noyelles.

Faidherbe avait fait ses études au Lycée de Lille, qui depuis lors porte son nom, et je sais d’un industriel lillois qui fut son condisciple pendant plusieurs années, que Faidherbe et lui-même ont tenu obstinément la queue de leur classe.

On aurait tort de préjuger de l’avenir d’un enfant par son classement au lycée ou au collège, car de ces deux élèves l’un est devenu un général renommé, l’autre un capitaine d’industrie qui a été à l’origine d’une des grandes activités industrielles de sa ville natale.

Faidherbe est mort à Paris en 1889 et, lorsque la ville de Lille résolut de lui élever une statue, la réalisation de ce projet n’alla pas sans quelques avatars. D’abord l’attribution de la commande à Mercié, au détriment des sculpteurs de la région du Nord qui se trouvaient évincés de la compétition, mit en révolution (assez légitimement, il faut le reconnaître) tous les artistes septentrionaux ; pétitions et protestations se succédèrent sans résultat. Mercié fut-il impressionné par ce tollé ? On ne sait. Toujours est-il que son projet mit deux ans à éclore et pendant ce temps la population lilloise, qui s'impatientait, manifestait sa mauvaise humeur. Les esprit s’échauffèrent, la presse s’empara de la controverse, on en fit des chansons et il me souvient de ce couplet :

On l’entoura d’une palissade

Qui s’couvrit d’aflich’s aussitôt ;

Pendant deux ans l’peuple en balade

Disait : ça va s’montrer bientôt,

Lorsqu'un beau jour un' grand’ tempête

Enl’va tout’s les planch’s d’un seul coup

L’peuple accourut et fit un' tête

Y avait quat’ briqu’s auprès d’un trou.

L’incident est véridique, à la suite de quoi la municipalité se fâcha et on obtint enfin l’œuvre de Mercié. Inutile de dire que les esprits excités étaient portés à la partialité et lui firent un accueil assez froid. On s’accorda à trouver très belle l’allure du petit cheval arabe qui était la monture habituelle de Faidherbe, mais on critiqua l’allure raide et figée du général représenté dans la posture du salut à l’épée ; ce n’était autre chose, disait-on, qu’un monumental soldat de plomb. Si on ajoute que le bronze de la statue toute neuve n’avait reçu aucune patine artificielle, mais était brut de fonderie, ce qui lui donnait au grand jour des aspects de bronze imparfaitement doré, on comprend le peu d’enthousiasme du public.

Aujourd’hui la statue a revêtu la patine naturelle que les ans et les intempéries lui ont donnée, et l’effet en est fort amélioré ; mais les générations actuelles, devant ce bicorne à plumes tellement démodé, ne peuvent s’empêcher de sourire et parlent de mascarade, car, bien que très exact, ce couvre-chef n’a rien de l’allure martiale des bicornes du Premier Empire.

Le sculpteur a sacrifié au goût de l’époque en ornant le socle monumental d’une allégorie qui représente la ville de Lille dictant à l’Histoire les hauts faits du vainqueur de Bapaume et de Pont-Noyelles, et, sur la face postérieure, une femme assise, coiffée d’une sorte de turban hétéroclite dont on ne comprend pas la raison d’être, élève gauchement une branche de laurier vers l'arrière-train du cheval.

Ces groupes sentent bien leur style 1900.

Quoi qu’il en soit, les passions se sont apaisées et le monument est entré dans le cadre familier aux Lillois d’aujourd’hui. Ils y tiennent d’autant plus qu’il a survécu aux deux occupations allemandes de 1914-1918 et 1940-1945.

Pourquoi l’ennemi qui a ravagé tant de statues l’a-t-il épargné ? Peut-être la difficulté de l’emporter en raison de sa masse l’a-t-elle sauvé. Nul ne sait. Faidherbe continue à passer chaque année, du haut de son socle, la revue des troupes de la garnison qui défilent à ses pieds sur la place de la République au 14 juillet.

 

publié en 1954

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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