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article publié le 16 juin 2006 :

 

L'humoriste belge Raymond Devos est mort hier à l’âge de 83 ans à son domicile de Saint-Rémy-lès-Chevreuse, près de Paris, a-t-on appris dans son entourage. Il avait été récemment hospitalisé pendant plusieurs mois à Paris pour une attaque cérébrale. Raymond Devos s’était imposé comme l’un des plus subtils manipulateurs de la langue française. Il avait inventé un style où images, malentendus, homonymies et figures de style se télescopaient pour débusquer l’absurde et faire éclater le rire.

 

Sa vocation de magicien des mots était née à l’âge de 33 ans dans un petit restaurant de Biarritz, lors d’une rencontre impromptue avec le rire qui allait bouleverser sa vie. Un jour de 1956, Devos demande dans un restaurant où se trouve la mer. "Vous ne pouvez pas la voir aujourd’hui, lui répond le garçon, elle est démontée". "Et vous la remontez quand?", rétorque-t-il. C’est le déclic. Il en tire aussitôt l’un de ses plus célèbres sketches et se découvre un style. Fabuliste merveilleux, clown sans maquillage et funambule du verbe, Devos a hanté les scènes pendant près de 60 ans, puisant avec une inépuisable imagination dans les surprises du quotidien.

 

Né à Mouscron (Belgique) en 1922, il n’a que deux ans quand sa famille s’installe à Tourcoing, dans le nord de la France. Mais la faillite du père plonge bientôt les Devos dans la pauvreté en région parisienne. "Je n’avais pas d’argent du tout. On crevait de faim", racontait-il. Premier boulot, "après l’école, chez un tailleur", dès l’âge de 11 ans. Viennent ensuite la guerre et la déportation au titre du Service du travail obligatoire (STO): "Quand j’ai été déporté en Allemagne, je me disais: "Si je m’en tire, je veux devenir ce que je veux être". Et Raymond Devos veut devenir comédien.

 

Après la libération, il prend des cours de théâtre, débute au "Sexy" de Pigalle entre deux uméros de strip-tease, se produit au Vieux-Colombier et dans les cabarets de Saint-Germain-des-Prés. "Je me suis fait tout seul, disait-il. D’ailleurs, je me suis raté". Devos rode son talent dans les années 1950. Il rejoint la compagnie de Jacques Fabbri et écrit ses premiers textes pendant les tournées. En 1956 il obtient son premier succès sur scène: "La mer est démontée". Amuseur, bouffon, clown, pitre, chanson- nier et musicien doué, il promène dès lors son quintal (et plus) de finesse et d’humour et joue du trombone – offert par Brassens – ou du violon sur scène avec des gants de boxe. La salle explose aux premiers mots de textes devenus des classiques de l’absurde: "Objets inanimés", "Le flux et le reflux" ou "Je hais les haies".

 

Mais le clown n’était jamais aussi efficace qu’en scène, lui le géant débonnaire, l’ogre bon enfant, soufflant et sifflant à chaque geste, dopé par son propre plaisir et prêt à toutes les singeries pour appuyer un charisme et une diction tout acquis à la cause du verbe. Sans égal dans le calembour, le non-sens et la contrepèterie, Devos rechignait en revanche à se frotter à la politique et à l’actualité. "Pas de politique, pas d’engagement en quoi que ce soit". Peut-être aussi parce qu’au-delà de son talent d’écrivain, il se refusait obstinément à toute vulgarité. Parce que, disait-il, "la politesse, ça aide au comique populaire".

 

Depuis dix ans, de graves problèmes cardiaques l’avaient obligé à lever le pied. Les derniers mois de sa vie auront été entachés par une sombre bataille judiciaire autour de son hospitalisation pour une attaque cérébrale: une femme disant être sa compagne avait demandé à lui rendre visite alors que, selon sa famille et l’hôpital, l’humoriste refusait de la voir.

 

 

Funérailles de Raymond Devos

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Arrivé sous une salve d’applaudissements alors que les orgues égrenaient le "Canon" de Pachelbel, le cercueil de Raymond Devos a été installé dans le chœur de l’église parmi de nombreuses gerbes de fleurs, dont une signée de Guy Bedos et une autre d’Aznavour.

 

Très riche sur le plan liturgique, la cérémonie religieuse menée par le curé de la paroisse a fait plusieurs fois référence à la foi de Raymond Devos: le défunt était un grand croyant, même s’il cherchait toujours Dieu, a rappelé le curé. "L’espoir, c’est de savoir qu’il y a peut-être quelqu’un là-haut à vous attendre", disait Devos à propos de sa foi. "Beaucoup de gens croient en Dieu et n’osent pasledire, de peurd’être ridicules". Dans son homélie, le père Péteul s’est souvenu "d’un homme tout simple, au contact direct et chaleureux, d’un homme au rire jamais vulgaire et toujours aimant".

 

Particulièrement apprécié dans la petite commune où il s’était installé dans les années 1960, Raymond Devos s’était associé à de nombreuses manifestations culturelles et avait notamment fondé son théâtre, la salle Jean-Racine.

 

Un témoignage de l’humoriste Dany Boon a été lu au pupitre: "Tu nous a montré la lumière des mots", a-t-il déclaré les larmes aux yeux, après avoir repris le sketch "J’me suis fait tout seul".

 

Les comédiens André Gaillard, Pierre Douglas, Jean-Claude Brialy, Jean Rochefort, Michel Boujenah ou les frères Taloche faisaient partie des nombreux amis de scène présents à la cérémonie.

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Dany Boon (précédé par Michel Legrand) aux funérailles de Raymond Devos

 

 

 

Morceaux choisis

 

Jeux de mots et calembours, parfois proches du non-sens, caractérisent l’œuvre de Raymond Devos. Voici un florilège extrait de ses plus célèbres sketches:

 

- Quand on s’est connu, ma femme et moi, on était tellement timides tous les deux qu’on n’osait pas se regarder. Maintenant, on ne peut plus se voir.

 

– Si ma femme doit être veuve un jour, j’aimerais mieux que ce soit de mon vivant.

 

– Qui prête à rire n’est jamais sûr d’être remboursé.

 

– Le rire est une chose sérieuse avec laquelle il ne faut pas plaisanter.

 

– Quand j’ai tort, j’ai mes raisons, que je ne donne pas. Ce serait reconnaître mes torts.

 

– On a toujours tort d’essayer d’avoir raison devant des gens qui ont toutes les bonnes raisons de croire qu’ils n’ont pas tort.

 

– Je n’aime pas être chez moi. A tel point que lorsque je vais chez quelqu’un et qu’il me dit: Vous êtes ici chez vous, je rentre chez moi!

 

– Même avec Dieu, il ne faut pas tenter le Diable.

 

– Un croyant, c’est un antiseptique.

 

 

 

Pierre Tchernia et Raymond Devos au "Devos Circus" en 1973

 

 

émission diffusée le 24 décmbre 1973 sur la 1ère chaïne

 

 

 

en 1999 à l’Olympia

 

 

il reçoit un Molière d’honneur en l'an 2000

 

 

 

OS OU DEVOS ,

 

Incroyable, mais vrai: j 'ai rencontré Raymond Devos. A Paris, très exactement à l'Hôtel Georges V, qui a X étoiles. Un hôtel chic pour types bien, surtout Raymond. Mais je n'ai pas tout de suite su que j'allais le rencontrer. Pur hasard. Je suis allé au bar. Pas une chatte, pas un chat, sinon une sorte d'armoire vue de dos, un bloc erratique, celtique, enfin un vrai monument.Il me semble le reconnaître, de dos. Je me dis: "Est-ce lui? C'estRaymond Devos? Et si c'était son sosie? Eh bien mince, je serais tombé sur un os et non sur un Devos!".Je me dis: «Vas-y. Après tout, ce n'est pas un ogre".

 

Ce Devos est évidemment impressionnant. D'abord, il prend de la place et déplace de l'air. Et je pense qu'avec un type pareil, le dialogue va être délicat, parce qu'il a l'air un peu brut avec ses... combien?... disons 130 kilos. Une brute fabriquée tout en finesse. Elle est là, cette sorte de contradiction. D'habitude on dit: une brute épaisse. Ce n'est pas de mise pour Devos. Mais je ne peux pas dire: une brute mince... C'est décidé, je m'approche du monstre. Je m'assieds au bar, à sa droite, laissant entre lui et moi un tabouret vide. Ainsi, je serai à la droite de Dieu! Me voilà tout à coup timide, complexé et déjà distancé. Je me risque.

- Bonsoir, Monsieur!

- Bonsoirl Un grand silence, lourd, pesant, d'éternité.

- Mais je vous connais!

- En êtes-vous sûr? C'est parfois mon double qu'on reconnaît.

- Mais vous êtes bien Raymond Devos?

- Ma foi oui. Et vous? Qui êtes-vous?

- Jean Sax.

- Sax comme saxophone?

- Oui.

- Mais vous êtes célèbre.

- Oh, pas tant que vous. Un Devos, c'est pas un os. C'est fait d'esprit et de chair, aussi.

- Ma parole, vous avez de l'esprit!

- Pas tant que vous, avec tous ces personnages qui vous habitent.

- Je le sais, mais Raymond domine tous les autres. Il est en vacances. Soyez gentil: allez le remplacer sur scène!

 

article de Jean Sax publié dans un quotidien suisse (1992)

 

 

 

 

 

 

RAYMOND DEVOS, CLOWN DE GENIE

 

Devos, on aime ou on n'aime pas. Mais cet artiste hors du commun est un spécialiste du rire. Personne, comme lui, ne jongle avec les mots ou les situations: "il s'invente des labyrinthes où il se perd, mais dans lesquels il ne lâche jamais le fil d'Ariane de la poésie; c'est un ahuri de génie". Avec Raymond Devos, on rit sans rougir. Son comique naît du quo-tidien, de malentendus de vocabulaire, de quiproquos. Dans l'esprit, chacun de ses sketches fait penser aux bons vieux vaudevilles de MM. Labiche et Feydeau, sans parler des autres. Mais Devos dépasse le simple divertissement. Il masque sous la farce, le clin d'oeil, la drôlerie, la méprise marrante, une angoisse qui dort en nous d'un sommeil parfois menaçant de projectile. Il possède ce talisman qui permet de dire simplement des choses essentielles. Son visage exprime le rire et l'impassibilité, la stupéfaction et le désespoir. Devos, c'est tout simplement un clown de génie. Il est de ceux que l'on écoutera toujours. "Comme Brassens, son talent surmonte la précarité des modes; il évince l'anecdote d'une époque pour se prolonger dans le temps".

 

extrait d'un article publié dans un quotidien suisse (1985)

 

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Raymond Devos est né le 9 novembre 1922 à Mouscron (Belgique). En 1924, sa famille s'installe à Tourcoing. Il est mort le 15 juin 2006 à Saint-Rémy-lès-Chevreuse (France)

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