ACCUEIL | LE NORD ET UN PEU DE BELGIQUE | FRANCOIS COTTIGNIES DIT BRULE-MAISON |
C'est en 1678 que naquit à Lille, François Cottignies (Cottigny ou Decottignies), dit Brûle-Maison. Si l'on en croit les anciennes chroniques, il était mercier de son état. Il déserta bientôt sa boutique pour fréquenter les marchés et foires où il vendait pour "eune doupe" (un sou) les chansons en langue vulgaire que lui dictaient son esprit caustique et narquois et son humeur joviale. A l'instar des forains, quand il arrivait sur une place publique, il montait sur un tréteau vêtu d'un costume de parade et coiffé d'un chapeau à plumes, cependant que pour attirer les badauds, il mettait le feu à une petite maison de papier, ce qui lui valut son surnom.
Inimitiés...
Brûle-Maison n'aimait pas les Tourquennois. Que lui avaient-ils fait ? Nul ne le sait, mais il vivait au temps des rancunes séculaires qui divisaient entre elles les villes et bourgades voisines. C'est donc aux dépens des habitants de Tourcoing, qui était un joli bourg de la Châtellerie de Lille, que Cottigny exerçait sa verve maligne. Le boulevard moderne qui relie aujourd'hui Lille à Roubaix-Tourcoing et que sillonne un monde de véhicules : autos, tramways, bicyclettes, n'existait pas en 1700 et les Tourquennois déambulaient par des chemins modestes en poussant une brouette qui était leur véhicule préféré.
Brûle-Maison traitait, bien à tort, d'ailleurs, le Tourquennois, dont la simplicité et l'honnêteté étaient proverbiales, en Béotien qui va porter une lettre à la poste sur sa brouette ou qui manifeste son désespoir parce que son baudet a bu la lune dans un seau d'eau.
Cette procédure valut à notre chansonnier l'inimitié des braves Tourquennois.
Il nous dit lui-même !
Non, jamais je n' délaiche.
Les Tourquennois de renom
Temps en temps ont font de fraîches
Qui font vivre Brûle-Maison.
Un original
On attribue à Cottigny bon nombre d'excentricités. Un Jour il part à Dijon chercher de la moutarde pour manger son jambon ou , bien s'en va à Rome en attendant que sa soupe refroidisse. A peine rentré de son voyage un ami lui demande de quel côté la statue de Saint-Pierre a la face tournée et Brûle-Maison repart incontinent pour se renseigner sur cette particularité. Une fois, il fit annoncer partout et notamment à Tourcoing, qu'arrêté comme espion il devait être pendu à Tournai. Les Tourquennois se rendirent nombreux dans cette ville pour assister à la mort de leur joyeux ennemi, mais ne l'y trouvèrent pas. Ce n'était qu’une mystification de plus, que Cottigny ne manqua pas de chansonner.
Le Poète
Brûle-Maison n'eut pas l'heur d'être édité de son vivant. Ses chansons parurent en feuilles volantes et d'autres copiées à la main circulaient de même. Ce n'est qu'au début du XIX° siècle que M. Vanackère Père, imprimeur à Lille, les produisit sous le titre d'Étrennes Tourquennoises, en une douzaine de recueils, in-24, avec airs et frontispices gravés par Merché. Brûle-Maison, chanteur ambulant, si on ne doit pas exagérer son mérite littéraire est un chansonnier dont l'originalité et l'humour qui nous plaisent encore aujourd'hui, suffisent à sauver son nom de l'oubli.
Il mourut en 1740, voulant se singulariser jusque dans la mort. A son logis accédait un escalier tellement étroit qu'on dut passer son cercueil, qu'il avait fait confectionner lui-même sur son lit d'agonie, par la fenêtre, au grand étonnement de l'assistance. Son fils lui composa l'épitaphe suivante :
Ci-gît, un faiseur de chansons,.
Qu'on appelait Brûle-Maison.
Mort à soixante-douze ans d'âge
Faute de vivre davantage :
La terreur des Tourquennois
Et le délice des Lillois.
Sa renommée passa par l'Amérique
Et de son propre ouvrage il était le comique.
S'il règne chez les Morts avec le même goût.
Sa réputation aura gagné partout.
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Il existe à Lille, une rue Brûle-Maison, en souvenir du plus grand chansonnier lillois du XVIIIe siècle.
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un autre article publié en 1919
Mais qu’étaiti-ce que ce "Brûle-Maison" dont le nom bizarre a été donné à l’une des rues de notre ville, et dont le souvenir se perpétue à travers les âges. Ah ! certes !... c’était ce qui s’appelle communément un joyeux drille qui devait descendre en droite ligne du fameux poète-étudiant François-Villon, à l’humeur Babelaisienne.
C’était un gaillard, polisson émérite, qui riait uniquement, pour le plaisir de rire, un "enfant terrible", quoi!... Nous avons comparé Desrousseaux à François Watteau, à Téniers et à Van Ostade. Brûle-Maison, lui, s’apparente plutôt par sa malice et sa rosserie, à Jean Steen, à Brackenburg et à A. de Brauwer. Pour tout dire, c’était un "garnement" ami des plaisanteries épicées. Ses chansons, certes, n’ont pas la moralité de celles de Desrousseaux. Mais elles contiennent un humour malicieux et mordant, une rosserie et une gaîté débordantes qui les rendirent populaires très longtemps encore après la mort de leur auteur.
François Cotigny était né à L,ille le 16 janvier 1678. Son sobriquet de "Brûle-Maison" lui vient de ceci : Lorsque Cotigny arrivait sur une place publique et qu’il était désireux d’attirer l’attention du populaire, il plaçait une petite maison de papier au bout d’un bâton et y mettait le feu. Ce qu’il brûla de petites maisons de ce genre est inimaginable. Brûle-Maison après avoir été "escamoteur", dans son jeune âge, se fit ensuite chansonnier. Sa verve satyrique s’exerçait surtout aux dépens des "Tourquennois" qu’il avait pris en grippe à cause "de leur bêtise", disait-il constamment. Ayant fait rire pendant toute sa vie, ce gai luron voulut faire rire encore après sa mort.
Voici ce qu’il imagina !... Ayant fait faire de son vivant un cercueil fort large, et très grand, il le fit introduire dans sa chambre, tout démonté. Quand il mourut, — le 1er février 1740 —, son testament formulait le désir d’être enterré dans ce cercueil. Sans penser à mal, la famille, fit remonter le cercueil dans l’appartement même, et y enferma le défunt. Un peu plus tard, — au moment de l’enterrement, — on s’aperçut que l’escalier était trop étroit pour y faire passer le cercueil. On dut le descendre par une fenêtre, au grand ébahissement de la foule qui ne se fit pas faute de rire et de faire des gorges chaudes avec ce curieux incident funéraire. On en parla longtemps, à Lille.
En une chanson fort réussie, Desrousseaux a célébré comme il convient, les mérites de son "père spirituel" :
Ch’ l’homm’ fameu, arrivan’ au monde
N’a rien fait, rien dit d’étonnant.
Lui qui d’vot fair’ rire à la ronde,
Il a bré comme un aute infant,
Plus loin, le chansonnier nous décrit le caractère du joyeux Brûle-Maison :
In’ pinsot qu’à rire eun’ bonn’ fos,
Dins sin vieux jargon qui nous charme,
A plein’ main, il a mis dTesprit.
Oui l’esprit satyrique et mordant, voilà bien ce qui distingue Cotigny. Ce gaillard est un ancêtre des chansonniers Montmartrois. Son œuvre n’est pas pénétrée de cette sensibilité émue et de cette observation profondre qu’on trouve en Desrousseaux. Lui, Brûle-Maison, ne songe qu’à rire, au détriment d’autrui, de tout, de tous, et de lui-même.
un autre article publié également en 1919
L’éminent professeur de la Faculté des Lettres, de Lille. M. Henri Potez a retracé, naguère, la mirobolante légende qu’est la vie de ce joyeux drille. Avec une documentation précise, finement littéraire ,il rappelait, entre autres faits, mille traits illustres de naïvetés, attribués autrefois aux habitants de Tourcoing et que ces derniers devaient bien, on l’a vu plus haut, au parti pris de notre "Brûle-Maison". L’œuvre de Brûle-Maison forme dix volumes qui furent publiés sous le titre d'Etrennes Tourquennoises.
"Ils ne sont pas entièrement consacrés au Tourquennois, mais il s’en faut de bien peu, et il n’est pas d’inepties dont il ne les déclare auteurs." Les Tourquennois étaient-ils donc vraiment si "balous", ou une autre raison inspira-t-elle cet acharnement au chansonnier ? Il est probable que Brûle-Maison ne fut pas sans rencontrer quelque habitant de Tourcoing gobeur, nigaud et de jugement simple. On trouve partout des gens de cette sorte; mais un motif personnel poussa l’auteur des Etrennes Tourquennoises à généraliser l’exception au point de l’ériger en type local. Il est très humain, ce motif : "Brûle-Maison se piquait de ne jamais rester dans l’embarras, quelque question qu’on voulût lui poser. Un jour, dit-on, un villageois, qui avait peut-être rencontré le Satyre de La Fontaine, lui demanda pourquoi on souffle sur la soupe pour la refroidir et sur le feu pour l’allumer. La physique de Brûle-Maison n’allait point jusqu’à expliquer ce fait étrange. Le rustre malencontreux était de Tourcoing. Brûle-Maison, très mortifié, jura qu’il se vengerait des Tourquennois."
Il tint parole, d’une façon aussi gaie que persistante. On en jugera à la lecture des principaux traits de sottises que Brûle-Maison attribue aux Tourquennois dans ses pasquilles, et que M. Potez s’est plu à rechercher :
Un Tourquennois voit à Lille un enfant qui vend des hannetons à un liard la pièce. Bon moyen de faire fortune; si un hanneton vaut un liard, que ne rapportera pas un tonneau de hanneton. Et notre homme se met en campagne avec sa femme et ses enfants. Malheureusement, sa chasse terminée, il passe devant les gabelous de Pont-à-Marcq qui ont l’indiscrétion d’ouvrir son baril et font évader sa marchandise.
Un marchand, qui a fait emplette d’étoffe et de chandelles, est pris de pluie : le tout est mouillé; puisque la chaleur d’un four sèche le drap, elle séchera bien aussi le suif.
Un jocrisse imagine de mettre en rapport son pigeon et un matou, pour obtenir d’étranges animaux et les montrer au son du tambourin. Le résultat c’est que le matou étrangle le pigeon.
Voulez-vous obtenir des carpes ? Ecoutez cette recette mirifique :
Tu n'as mie qu'à r'tirer les croques
D'eun' carpe, tout comme i faut
Mets-les dins l'iau
Rien qu'un grain rapporte
Un pichon fort grand et biau
Quand y fait caud.
Une dernière aventure achèvera de dépeindre le Tourquennois de la légende :
Pierre-Joseph, fils d’un ménager, devait aller à Lille payer le "rendage" de son père au propriétaire, M. Herreng (en Français "hareng"). Il oublie le nom en route, le retrouve au marché aux poissons, met habit bas pour sonner à la porte du riche Lillois comme pour ébranler une cloche d’église, aligne une glissoire sur le parquet ciré du salon, et s’enivre à table avec du vin blanc, croyant boire de l’eau. Il passe la nuit à Lille; le lendemain le valet de son père le ramène en char à Tourcoing, toujours endormi.
Fac-Similé de l’en-tête d’un journal en patois de Lille, qui paraissait en 1888
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