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Qu’est-ce que le sucre ? Comment le fabrique-t-on ? Par quelle bizarre alchimie passe la plante de betterave, que nous voyons croitre dans nos champs du Nord, pour devenir le morceau d’une blancheur éclatante qui fondra dans notre tasse de café ? Ce sont la les questions que nous sommes allés poser aux grands industriels, MM. Béghin, dont les usines de Thumeries, fondées en 1821 (neuf ans après la création de l’industrie sucrière en France), sont les plus anciennes sucreries du monde.

 

Les immenses et multiples bâtiments  de la Raffinerie et de la Sucrerie de Thumeries s’étendent sur plus de 50 hectares de terres (dont 12 couverts) et occupent près de 1.000 ouvriers et ouvrières, venant de tous les coins du Douaisis et de la Pévèle, par trains spéciaux, services privés d’autocars, etc… Les usines de Thumeries forment avec les établissements de Corbehem (Pas-de-Calais), ceux de Beauchamps (Somme) et la distillerie de Marquillies (Nord), l’exploitation connue dans le monde entier sous le nom de Béghin. Nous parlerons ici uniquement des usines de Thumeries.

 

Nous commençons par suivre, dès l’arrivée des betteraves dans les silos de lavage, la série de métamorphoses que devront subir les racines avant d’être transformées en sucre. Entassées en masses énormes sur les wagons emplissant les profondeurs des grosses péniches qui descendent le long des canaux du Nord, chargées par des véhicules de toutes sortes, les betteraves parviennent à Thumeries, sont déchargées, emmagasinées, lavées dans de vastes cylindres où un agitateur puissant les secoue, les frotte l’une contre l’autre. Propres et ruisselantes, elles sont transportées par un élévateur dans l’atelier, où pressées, elles sont coupées en petits copeaux, en cossettes, et forment une espèce de pâte monstre.
De ce hachis de betteraves, il faut maintenant extraire le jus…, le sucre, opération est celle des batteries de diffusion. Le jus sucré, noirâtre, est prélevé, expédié dans l’usine où, après analyse chimique et sous l’action de chaux et de flots d’acide carbonique, on le débarrasse, une fois, deux fois, trois fois, de ses impuretés et la pulpe de betterave – car rien ne se perd – est renvoyée à l’agriculture comme nourriture des bestiaux.

Après toute une série de minutieuses opérations à travers les filtres-presses (cadres tendus de toile très fine sur laquelle les impuretés et le carbonate de chaux restent attachés), le liquide qui s’en échappe en forme une coulée de couleur topaze où s’allument des paillettes d’or.

Il faut maintenant éliminer l’eau du jus sucre. Les chaudières dans lesquelles on verse la "liqueur" s’en chargeront. Bientôt, en effet, quand la "cuite" est achevée, le sirop présente un aspect singulier. C’est un liquide doré dans lequel nagent des milliers de cristaux que des turbines centrifuges (à une vitesse de 800 à 1.000 tours/minute) vont séparer, laissant d’un côté les cristaux de sucre, de l’autre la mélasse. Ces cristaux de sucre sont encore plus ou moins impurs. Pour en faire du beau sucre blanc, il faut maintenant les raffiner et l’opération se fait par passage sur du "noir animal" dans des filtres géants de 9 mètres de haut.

Il ne reste plus, ensuite, qu’à faire évaporer le sirop, dans lequel se forment, cette fois, de beaux cristaux blancs, qu’il y a lieu alors d’agglomérer et de mouler par compression, soit en pains coniques de 1 à 6 kilos, particulièrement goûtés des pays étrangers, soit en plaquettes qu’on débite à la scie mécanique. Ce travail très curieux se fait dans le vaste atelier de casserie où plus de 400 jeunes filles ou femmes coupent, pèsent, vérifient, emboitent, étiquettent, emballent, soit à la main, soit mécaniquement, la quantité formidable de 54 millions de morceaux de sucre par jour, utilisant pour cela 140 kilomètres de ficelle ainsi qu’une quantité de cartons et de papier qui couvrirait plus de 7 hectares !

 

Partout, dans ces ateliers gigantesques, règnent une chaleur lourde, moite, tempérée dans la casserie par de puissants ventilateurs, un air à la fois acide et doux. Partout, en dehors de la casserie, ce ne sont que des bassins, des cuves aux formes bizarres, des chaudières tubulées, des alambics ventrus des tuyaux contournés qui se tordent comme les tentacules d’un monstre marin. Une activité fébrile, continuelle, règne parmi le personnel. Les uns poussent des wagonnets, les autres surveillent la formation des cristaux dans les appareils à cuire (opération la plus délicate de la raffinerie), d’autres, enfin, chargent, déchargent, surveillent les turbines centrifuges.


Et le soir, après une journée bien remplie, l’ouvrier, l’ouvrier sucrier rentre au logis, dans sa petite maison entourée d’un jardin, dont le loyer varie entre 10 et 25 francs et souvent il consacre ses loisirs à l’élevage des lapins, des poules et des pigeons. Aimant la vie de famille, simple te modeste, fier de son usine où son père a travaillé, où travaillent ses frères et tous ses enfants. Il parait satisfait de son sort car, lui, ne connait pas le chômage et est toujours assuré du lendemain.

 

D'après un article paru dans un quotidien régional de juin 1932.

 

beghisucre thumeries

 

photos du journal : La salle d’emballage des pains de sucre – L’atelier de casserie et de mise en boite, où plus de 400 femmes sont employées.

 

 

 

publicité presse de 1914

 

fait divers en juin 1937

 

 

 

 

 

 

 

 

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