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Dans un village feuillu des environs d’Avesnes se célébrait le lundi 25 août 1930, en l’humble église verdie de mousse, les modestes funérailles d’une jeune fille emportée, au printemps de sa vie, par la cruelle phtisie (1).


A l’âge de seize ans, la petite Suzanne, comme on l’appelait familièrement, avait perdu sa mère, tuée au travail par une batteuse de blé. Depuis, elle restait avec son père infirme, tombé d’une échelle en réparant la toiture de sa chaumière. La fillette était devenue une ménagère active, économe, assidue au tissage de la ville voisine, où elle gagnait un salaire de 12 francs par jours.


Une circonstance imprévue ayant entrainé la fermeture de cet établissement industriel, Suzanne s’appliqua, avec ardeur et courage, à des travaux de couture à domicile, pour une maison de confections. Dès l’aube jusqu’à la nuit, elle se courbait sur son labeur ingrat, prenant à peine le temps de manger une tartine avec un verre d’eau puisée à l’étang voisin. A ce régime débilitant (2), sa santé rapidement s’altéra. Ses traits se tirèrent, sa figure aux lignes fines et régulières, animée par des yeux bleus profonds, s’assombrit et s’émacia (3). Ses beaux cheveux blonds, jadis bouclés, se plaquaient sur ses tempes. Sa grêle poitrine était secouée par une toux aiguë et sifflante.  Ses doigts blancs et décharnés couraient sur sa couture, humides d’une sueur de fièvre.  

 

Suzanne se minait d’une maladie épuisante, combinée de typhoïde et de tuberculose causées par l’eau stagnante et malsaine de l’étang, dont elle faisait sa boisson habituelle. De plus, un lourd chagrin intime l’accablait et la torturait durant ses longues insomnies.  La pauvrette avait un secret, avoué seulement à une amie d’enfance. Elle était amoureuse d’un homme de son âge et se croyait aimée. De tendres serments et des promesses de mariage  avaient été échangés. Abandonnée par son fiancé aux première atteintes du mal implacable qui la tenaillait, elle lui garda sa flamme jusqu’à son dernier souffle et murmura son nom en expirant.

 

Son convoi se déroula dans les roues boueuses du village, par une pluie fine et drue. Sous un ciel gris et bas, s’harmonisant avec la poignante impression  et l’émotion recueillie des assistants, la cloche de l’église tintait en notes lentes, tristes et lugubres, comme des larmes tombant dans les cœurs. Tous les habitants de la commune et beaucoup des localités voisines avaient voulu, en suprême hommage, faire cortège, jusqu’à sa tombe, de sympathie et d’estime à la petite Suzanne morte, à vingt ans, de sacrifices, de privations, de dévouement et d’amour.

 

Ce simple récit de la vie et de la fin prématurée d’une ouvrière de l’Avesnois, à l’existence de souffrances et de misère, semblable à celle de trop d’enfants du peuple, n’est pas d’un ordre sentimental. Il comporte un enseignement pratique : La nécessité d’amener dans nos villages encore dépourvus de cet indispensable élément d’hygiène, de salubrité et de santé publiques, l’eau potable, l’eau pure, pour juguler la typhoïde, la tuberculose et réduire le nombre sans cesse croissant de leurs victimes, fauchées surtout parmi les fleurs de jeunesse.

 

Article d'un quotidien régional.

 

1 - tuberculose pulmonaire
2 – qui diminue la force physique, qui affaiblit
3 – s’amaigrit

 

Note personnelle : C'était en 1930... et il fallut attendre encore logtemps aavant que l'eau ne coule du robinet. Dans mon village, ce sera au début des années 1960, soit un peu plus de 30 ans après.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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