ACCUEIL | LA MUSIQUE | SNOB'S (1987) |
Disque réf SNO. 002 (pressage d'auteur) - , Maxi-Single 12", 45 T
Scénario
Sans Incidence
S'oublier
Encore
article publié dans un quotidien suisse (1987)
Bourreaux des cœurs, terrez-vous ! Le nouveau "Snob's" est arrivé! "Scénario", un maxi quatre titres propulse les Neuchâtelois à la tête de l'avant-garde d'un féminisme exacerbé des plus sauvages. Compte à rebours pour "number one". Ultimatum pour "Casanova" en herbe: entre tendresse et mort subite, il faut choisir. Les "Snob's" ne font pas de quartier chez les mâles brutaux."Scénario", un succès damné pour les machos.
Essayez de voler un baiser aux "Snob's", ils ne le vous pardonneront pas. C'est à coups de parapluie gros calibre qu'ils vous écorcheront. Chez eux, le larcin d'amour mérite la peine capitale. Pour preuve, la pochette de "Scénario", leur deuxième péché musical, représente les fantasmes meurtriers d'une ménagère new-wave plutôt vieux jeu. Véritable appel au crime. Sus aux machos ! Mais "Promise", leur premier 45 tours, aurait dû nous mettre la puce à l'oreille: la pochette était un remake oriental de la couverture du célèbre "Ainsi soit-elle" de Benoîte Groult, la bible du féminisme.
Comment expliquer cette violence ? Ilne s'agit pas d'un puritanisme anachronique. Les "Snob's" ne répudient pas la libération sexuelle. Pour eux, elle a été déviée, récupérée au profit des mâles : de délivrance, elle est devenue soumission, à tous les vices. Leur quête est un appel à la douceur. Ils ont "mal de douceur". Le "mal du siècle, c'est le mal de douceur". Avec des textes photogéniques, ils dénoncent la volupté blessée, ternie, effilochée, méprisée par le sordide de la drague avide de corps, le harcèlement sexuel permanent dont souffre le sexe dit faible. La drague est vue du côté de la proie. Femme persécutée par ce regard honni, sale, souillé, salace et salissant des grands méchants machos assoiffés de corps à corps au clair de lune. Femme qui n'a d'autre défense que sa candeur.Si au contact de la vinylite glaciale, le râle voluptueux de Tina, la chanteuse, perd un brin de chaleur, cette baisse de température accentue le pathétique du cri de l'angoisse d'être femme. Benoîte Groult clamait "il faut se guérir d'être femme". Les «Snob's» revendiquent la différence et sont prêts à la conquérir à "coup de balai" si nécessaire».
Fleur coupée à la recherche d'un vase, la femme des «Snob's» se désespère dans sa solitude, regrette ses racines perdues le jour où elle a été réduite à un objet de consommation à prix variable qu'on achète parfois avec un verre. Et l'âme alors? Elle n'est plus à vendre, les "Snob's" ont déjà donné à bien plus tendre. Il faut débarrasser la gent féminine de ce carcan papier glacé qui lui empoisonne la vie, oublier cette angoisse de miroir magique, briser l'image maquillage. Chercher l'essence et la décence. L'élu, le prince charmant existe. Il est douceur... et douleur. Douceur, dernière bouée de sauvetage dans un monde de vitesse et de fuite en avant sans repères. Douleur, car s'il n'y a pas de mal à se faire du bien, l'apprentissage de la lenteur de la caresse voluptueuse et lascive de la tendresse ravive les blessures mal cicatrisées des amours vécues sans discernement.
Côté look, les "Snob's" affectionnent le noir monacal à la mode victorienne. "La blancheur des mains et du visage n'en est que plus éclatante". Justification esthétique qui cache une éthique qui refuse le corps: négation charnelle. Pourtant comme le rappelle Teilhard de Chardin "les amours spirituels ont toujours fini dans la boue... l'homme est fait pour marcher. A-t-on jamais eu l'idée de voler!..." Ces Neuchâtelois répliquent qu'on convole bien en justes noces. Et tel l'albatros, l'âme ne saurait boîter sur terre. Baudelaire définissait l'amour comme un "matelas d'aiguilles". Qui s'y frotte, s'y pique. Le mal de douceur ne connaît pas d'"after-love"pour juguler l'hémorragie des sens et du sens.
Giuseppe Melillo
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