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Article publié en 2003:
La vie d Edith Piaf, c est un parcours jalonné de souffrances et de joies associées. Enfant démunie, elle naît d'une mère gouailleuse et d'un père acrobate. Elle sera élevée par ses grands-mères dont l'une tenait un hôtel de passe. A huit ans, elle est aveugle. Survient un miracle: elle recouvre la vue. Dès l'âge de 15 ans, livrée à elle-même, elle chante dans la rue. Deux ans plus tard , elle met au monde une petite fille qu' elle perdra. Traînant avec la faune de Pigalle, elle rencontre Louis Leplée qui la fait chanter dans son cabaret. C'est le début de la chance pour la même Piaf. Elle rencontre un peu plus tard Raymond Asso et c'est "Mon légionnaire". Puis survient Michel Emer, l'auteur de "L'accordéoniste", et enfin Henri Contet et "Padam Padam" ...
Pour Piaf, côté professionnel, le succès et la gloire sont bien là et ne la quitteront plus. Une grande, une immense chanteuse est née. Mais côté vie privée , la vie est moins rose: après avoir connu le grand amour de sa vie avec Marcel Cerdan, qui meurt dans un accident d'avion, Piaf retrouve les années de malheur et une souffrance qui la tue. Elle se drogue pour oublier et mène une existence superficielle qui lui donne l'impression de vivre. Charles Dumont prolonge sans doute sa volonté de survivre en lui offrant, en 1960, "Non, je ne regrette rien". Dans sa quête d'un nouveau bonheur, elle épouse le jeune Théo Sarapo et remonte sur scène. Une dernière fois. Elle meurt le 11 octobre 1963, mais sa petite silhouette vêtue de noir restera immortelle.
juin 1941
Edith Piaf et Marcel Cerdan
Article de Jean-Baptiste Béguin publié en 1988 dans un quotidien suisse:
Edith Piaf est une légende et tout a été dit, écrit sur cette légende, depuis sa mort il y a un quart de siècle. La naissance, en 1915, à Paris rue de Belleville, (la mère a accouché sur le trottoir parce que la petite s'était faite pressante); l'enfance à la fois délaissée et misérable: à trois ans le père la confie à la grand-mère qui tient en Normandie un hôtel dont Gilles Costaz dit que c'était bel et bien un bordel (on imagine Edith tirant les jupes de ces braves putains...); et soudain l'inexplicable cécité qui dure trois ans, et l'inexplicable ou miraculeuse guérison: la légende dit que ces dames firent des neuvaines à sainte Thérèse de l'Enfant Jésus. Il est vrai que jusqu'à sa mort, Piaf vénéra au plus intime d'elle la sainte de Lisieux. Ô laïcs, voilez-vous la face!
Et ce sont les débuts de chanteuse de rue, dans les cours des immeubles, les cabarets et les premiers succès. Les premières amours aussi, et ce bébé à dix-sept ans qui, vite, quitta cette terre. C'est l'époque du Légionnaire qui sent bon le sable chaud, que Piaf faillit créer; la guerre, l'Occupation, contrainte par les Allemands, elle alla chanter dans les camps de prisonniers; la liaison avec Marcel Cerdan en 1948-49, qui tourna à la tragédie; la gloire sans cesse grandissante, et ce public toujours plus nombreux à venir l'acclamer; l'amitié avec Cocteau (qui lui fit la galanterie de la suivre quelques heures après sa mort); la lente chute dans la maladie que l'alcool et la drogue accentuèrent; enfin le dernier coup de cœur — qui soulevatant d'indignation inutile - avec ce jeune Grec (coiffeur) qu'elle poussa sur scène dans un fameux duo A quoi çasert l'amour; et la mort à 48 ans (oui, elle en paraissait 20 de plus) à l'automne de 1963. Pouvait-elle s'en aller à une autre saison que celle où tout s'efface? La légende naissait.
Ce ne sont que quelques repères, quelques dates d'une vie toute vouée à la déchirure. Ce scénario qui fleure par trop le feuilleton et que certaine plume cousine de Carco ou de Mac Orlan aurait pu écrire - il prêterait à sourire si les choses du cœur ne finissaient par l'emporter dans le cœur des hommes — pourquoi continue-t-il à émouvoir ? Il y a chez Piaf un côté fleur bleue, guimauve vieillie et vieillotte, larmes faciles, film en noir et blanc plein de décor artificiel, de ciels bas, de fumée, de macs et de femmes esseulées qui pleurent un amoureux ingrat. Qu'importe si Piaf fut bien de son temps, qui n'est plus tout à fait le nôtre, et qu'émane d'elle une sensibilité qui date. Piaf émeut encore. Certes, des Raymond Asso, des Michel Rivgauche, des Charles Dumont, des Marguerite Monnot, des Moustaki (et combien d'autres...) étaient là, qui savaient si bien la restituer en paroles et en notes. Mais ces textes, ces musiques, il n'y avait que cette femme qui pût, les porter à tant d'émotion: qu'on l'entende une seule fois dans Les blouses blanches chanter la folie d'une femme qui a perdu son homme, et l'on comprendra le mystère Piaf. Une grande traductrice des sentiments.
Piaf, c'était une image, une présence. Là aussi on a tout dit. La fragilité de ce corps, les marques de la vie qui, année après année, s'incrustaient dans son visage, les douleurs que le rimmel masquait mal. Elle ne fut pas vraiment jolie ni belle. Ou plutôt sa beauté d'avant-guerre fana vite et la gloire accompagna sa déchéance physique. Elle fut capable de séduction: elle le devait à la magie de son jeu - elle avait la trempe d'une tragédienne - non à une silhouette charmeuse: elle n'eut pas la grâce un peu affectée d'une Créco, la sensibilité frêle et timide d'une Barbara, la pose féline d'une Birkin, le sfumato sensuel d'une Marilyn. Oh! non. Elle s'imposait en quelque sorte d'elle-même. Si elle fut aimée, et assurément l'est-elle encore, c'est qu'elle rendait aux gens ce qu'ils n'osent s'avouer: la vérité. Le monde de ces chansons est celui des mal-aimés, des échecs, des drames. Bref, le monde du grand ratage. On ne reconnaît guère qu'on est un raté, qu'on a aimé médiocrement, qu'on a dit non quand il fallait dire oui; alors, quand une vieille femme apparaît sous les feux de la rampe et dévide son écheveau de sentiments, le miracle se produit. Une troublante communion s'établit entre la prêtresse et les fidèles. Illusion? Peut-être.
Semblable à cette Vierge médiévale que l'on voit dans certaines peintures prendre sous son manteau le genre humain, ô Vierge protectrice, Edith a emporté dans ses chansons les malheurs des hommes et des femmes. Ce fut sa vocation.
EDITH ET MARCEL - Autrement dit Piaf et Cerdan. Son grand amour. La fin tragique du champion de boxe, dans un accident d'avion en octobre 1949, marqua profondément la chanteuse.
FRAGILE — Dans sa sempiternelle robe noire, émouvante et pleine de sentiments
LE DERNIER AMOUR — Edith Piaf avec Théo Sarapo. Sarapo est un pseudonyme qu'Edith donna au jeune chanteur qu'elle révéla au public. Il signifie "je t'aime en grec". Elle l'épousa le 9 octobre 1962. Elle avait encore un an à vivre.
AVEC UN LAPIN EN PELUCHE - Début des années soixante. C'est le temps des amours avec Théo Sarapo. Sa santé se dégrade de plus en plus. Elle a déjà eu plusieurs défaillances sur scène. En 1951, premier accident de voiture: dès lors alcool et drogue l'accompagneront. Pente fatale. Elle a eu un autre accident de voiture 1958. Assez grave. Hospitalisée plusieurs semaines, elle continue à recourir à la drogue pour calmer la douleur et multiplie les piqûres et les pilules pour tenir. Une infirmière la suit partout. Sur cette photo, elle s'efforce de sourire, mais elle a de la peine à cacher le masque qui se dessinne sur son visage. Il lui faudra une énorme volonté pour chanter. De nouveaux amis l'entourent: Aznavour, Moustaki, Dumont, et Cocteau n'est jamais loin, qui sait la consoler.
GEORGES MOUSTAKI - En 1957, elle rencontre l'artiste grec qui devient son guitariste. Il lui composera la fameuse chanson Milord, qui sera l'une des plus grandes. Lui aussi s'imposera plus tard comme interprète de ses propres chansons.
CHARLES DUMONT - En 1960, jeune compositeur, il vient lui présenter une chanson, Non, je ne regrette rien qu'il a écrite avec Michel Vaucaire. Il lui écrira aussi Mon Dieu, Les mots d'amour, La ville inconnue, etc. Une grande amitié devait les unir. Depuis, Dumont est passé à la scène, où il fait une belle carrière.
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Le 11 octobre 1963, Edith Piaf mourait. Elle avait 48 ans.
Article de Véronique Châtel publié en fin janvier 1993 dans un quotidien suisse. Arte* lui rendait hommage en diffusant deux documentaires réalisés par Claude-Jean Philippe.
EDITH PIAF : UN OISEAU DE PARIS
"Regardez cette petite personne,dont les mains sont celles d'un lézard en ruines. Regardez son front de Bonaparte, ses yeux de retrouver la vue. (... ) Comment sortira-t-elle de sa poitrine étroite les grandes plaintes de la nuit?" notait avec sa verve habituelle Jean Cocteau, au sujet d'Edith Piaf. (Qui, ironie de la vie, s'est éteinte le même jour que lui, il y aura trente ans en octobre). Comment y parvenait-elle, la petite Edith, à se transformer en "rossignol d'avril" (autre définition de Jean Cocteau)? "Cela confine au génie", affirme Claude-Jean Philippe, Monsieur Ciné-club, grand admirateur d'Edith Piaf.
- J'ai une petite théorie sur le génie: on est tous contradictoires, mais les grands personnages sont ceux dont les contradictions sont les plus avouées. Edith Piaf était ainsi: elle pouvait passer du rire aux larmes d'une seconde à l'autre. Et pour nous prouver à quel point il a raison, Claude-Jean Philippe de nous proposer deux documentaires racontant la même histoire, celle d'Edith, mais l'un axé sur la grande interprète de "L'hymne à l'amour", "Manuel", "L'homme à la moto", "Je ne regrette rien", "L'accordéoniste", pour ne citer que quelques-uns de ses succès, et l'autre centré sur sa vie.
- Pour le premier, le "Récital de toute une vie", je me suis servi presque exclusivement des chansons; j 'ai utilisé tous les éléments disponibles existants, longs métrages ou émissions de télévision, de 1935 à 1962, en particulier les émissions "La joie de vivre», de Jacqueline Joubert et Henri Spad, explique Claude-Jean Philippe. On (re)découvre ainsi la puissance que pouvait dégager Edith Piaf sur scène. Sa gestuelle si particulière (ah, le mouvement de ses mains dans "L'accordéoniste"; oh, ses doigts effleurant son corps dans "La vie en rose". Son humour, et sa gouaille de titi parisien. Son acharnement à chanter jusqu'au bout, même percluse de rhumatisme déformant, même mal remise de la mort de Marcel Cerdan.
- Dans le "Roman d'une existence", je montre les neuf grandes étapes de sa vie, poursuit Claude-Jean Philippe. Qui en connaît un rayon sur la question, vu qu'il a déjà consacré à Edith Piaf un "Dossier-souvenir" pourla télévision dans les années 70, et une biographie, parue chez Carrère/Kan en 1988. Alors, ces neuf étapes? D'abord, il ya l'enfance. Une étape aux relents de Zola. Edith est née le 19 décembre 1915 sur les marches d'un immeuble. Son père est contorsionniste, sa mère chanteuse. Mais ce sont les grands-parents, tenanciers d'une maison close, qui l'élèvent. La grand-mère est sévère et l'enfant sensible. Entre trois et quatre ans environ, Edith perd la vue et la fable dit que c'est en se rendant à Lisieux qu'elle la retrouve. Ensuite, il y a les forains, la vie avec son père contorsionniste. La période fait penser aux "Enfants du paradis"et au "Boulevard du crime". Vient la rue, passage digne des "Misérables" de Victor Hugo: la môme Piaf joue les Gavroche, chante dans les rues, fait la manche, dort où elle peut, attrape des fous rires avec son amie Simone, tombe amoureuse de Louis, met au monde une petite fille qui mourra deux ans plus tard des suites d'une méningite. Mais le pire est encore à venir. Avec la période "la vie en noir", qui fait penser à une nouvelle de Léo Malet. Edith est engagée dans un cabaret, le Gerny's. Tout irait bien, si ce n'était que six mois plus tard, le patron est assassiné. Edith, suspectée à cause de ses mauvaises fréquentations, est mise en garde à vue et fait la une de tous les journaux. C'est là qu'intervient Raymond Asso, un vrai Zorro. Il prend Edith en main, lui apprend à se laver, à s'habiller, à travailler, à chanter. Le rossignol prend son envol et le succès arrive.
Durant les périodes "Rencontres" et "Edith et Marcel", Edith Piaf quitte enfin le registre de la tragédie. Elle vole de tube en tube, "enjambe les hommes" (pour reprendre l'expression d'un de ses amis, Charles Aznavour), chante sur toutes les grandes scènes et force même l'admiration de Marlene Dietrich qui devient son amie. (Et plus que cela, si l'on en croit la biographie de Maria Riva, la fille de Dietrich). Mais la tragédie rattrape la dame Piaf: Cerdan meurt dans un accident d'avion. La maladie, due à toutes sortes d'excès, s'en mêle, et Edith aborde la période "La survivante". Comme son credo c'est "chanter ou mourir" (nom de la dernière période), Edith affrontera son public jusqu'à son dernier souffle. Quand elle meurt, à l'âge de 48 ans, on lui en donnerait soixante.
Pour illustrer ces neuf étapes, Claude-Jean Philippe s'est servi de témoignages archivés ou récents (Simone, l'amie de la rue, Montand, l'amour de jeunesse, Bruno Coquatrix, directeur de l'Olympia, Charles Dumont, parolier de "Je ne regrette rien", etc). Il a en outre puisé dans un trésor: les films tournés en super-huit de Marc Bonel, l'accordéoniste attitré d'Edith entre 1943 et 1963, montrant Edith au quotidien. Pourrons-nous, après ces deux documentaires, prétendre connaître Edith Piaf?
- Je crois avoir approché la vraie Edith, capable tout à la fois de canulars et de grandes émotions, répond Claude-Jean Philippe. Le témoignage de la gardienne de l'immeuble où Edith Piaf a vécu un temps, qui raconte que les voisins d'en faces s'étaient plaint de voir Edith s'exhiber nue à la fenêtre en se moquant des passants est très caractéristique de Piaf: bien que devenue vedette internationale de la chanson, elle n'a jamais perdu son sens de la provocation, qui lui venait de la misère et de la rue.
"Histoire de ne pas savoir pour qui, histoire de ne pas savoir pourquoi, j'vivais ma vie, je me suis raconté, raconté, raconté des histoires".
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* Edith Piaf, soirée thématique sur Arte le dimanche 31 janvier 1993 à 20 h 45.
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PIAF ET CONSTANTINE UN SOIR DE FETE...
Edith Piaf chantait aux Arènes de Collioures, le soir où fut lancée la nouvelle de son prochain mariage avec Eddy Constantantine*. Il avait suffi d'entendre la grande vedette présenter au public ce jeune chanteur américain pour lui prêter l'intention de l'épouser. mais elle a aussitôt démenti : Eddy est le traducteur de mes chansons, et je partirai avec lui en septembre, pour l'Amérique, mais je ne songe pas à me marier". Puis Edith et Eddy sont allés faire un tour à la fête, et l'on fredonnait, en les voyant passer, le refrain triste qu'elle sait si bien chanter.
publié en septembre 1950
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* sera connu sous le nom d'Eddie Constantine
sorti en 1950
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Edith Piaf et Simone Berteaut
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