Les admirateurs de Brassens ont découvert Le Forestier. Parce que l'auteur du Petit Cheval a voulu donner sa chance à l'auteur de San Francisco. C'était à Bobino, il y a quelques mois... Depuis, la chance ne quitte plus Maxime Le Forestier auquel vient d'être attribuée pour son premier 30 cm la plus haute distinction musicale : le grand prix de l'Académie Charles Cros.

De Georges Brassens - son idole - il a la franchise des formules, l'impertinente lucidité et le souci des choses bien faites. De Georges Moustaki - son ami - il a la nonchalance du geste et de la parole, le sourire charmeur, l'aspect chevelu-barbu. Les comparaisons s'arrêtent là, car ses chansons n'appartiennent qu'à lui: tendres, douces, gorgées de poésie et d'amitié, d'inquiétudes parfois. Elles vont, elles viennent ... elles doivent naître toutes seules. Je ne suis pas un technicien, un expert de la chanson. Il m'est difficile, sinon impossible d'écrire sur commande. Et 'on se dit en l'écoutant parler de son enfance qu'il était fatal qu'il devienne compositeur comme d'autres sont médecins ou agriculteurs parce que chez les enfants Le Forestier la musique était devenue une affaire de famille.

C'est dans une grande maison grise et laide de la banlieue parisienne que Maxime, benjamin d'une famille de trois enfants, voit le jour le 10 février 1949. Cette maison avait quelque chose d'anachronique. Elle résistait à l'invasion des H.L.M. de Saint Ouen. Autour, des grues quadrillaient le ciel, à l'intérieur, c'était la vie de bohême. Une vie en dehors du temps, faite de copains qui partagent les repas et ne savent où dormir. Cette maison, lieu préservé de bonheur, remplie de roses, parsemée de tables basses et d'instrument de musique, Maxime ne peut aujourd'hui s'empêcher de la chanter : Entre béton et bitume, on m'arrachera des rues, pour bâtir où j'ai vécu, des parkings d'honneurs posthumes.

LE PREMIER DISQUE

Les trois enfants ont appris la musique en même temps que la lecture. A 7 ans, Maxime déchiffre et récite les notes par jeu. Quelques années plus tard, sa mère lui offrira un disque, et ce cadeau décidera de sa voie. Elle aurait pu me donner un disque de Sheila ! C'était un 33 tours de Brassens. J'avais 15 ans, j'étais dans la musique classique jusqu'aux oreilles (sa soeur aînée est devenue professeur de conservatoire), j'étais prêt à avaler n'importe quoi à condition que ce ne soit pas classique ! Brassens s'accompagnait à la guitare, il en achète une et apprend par coeur toutes ses chansons. L'admiration qu'il voue à Brassens sera durable et déterminante. Bob Dylan, Joan Baez et le folk song prendront la relève sans réussir à prendre sa place dans le coeur de Maxime. En 1966, Maxime et Catherine Le Forestier (la plus jeune soeur) sillonnent, guitare en bandoulière, les boîtes du Quartier Latin. On était propre et mignon, le public aimait nos adaptations de Petre, Paul and Mary... Cette vie de baladin, ils la mèneront pendant deux ans et demi. Un jour, l'indépendante Catherine met fin à l'association des Le Forestier par amour des voyages...

SAN FRANCISCO

Après avoir emprunté trois chansons à Georges Moustaki imberbe et inconnu pour réaliser des premiers 45 tours (pas très bons, remarque-t-il sans fausse modestie), il compose Ballade pour un traître. Cette première chanson écrite, Maxime ne pourra pas l'enregistrer. Appelé sous les drapeaux, il la soumet à Serge Reggiani, déjà à l'affiche de Bobino, et celui-ci accepte de l'interpréter. A mes yeux, c'est ce jour-là que je suis vraiment entré dans le monde des artistes professionnels. Il aura pendant cette période une triple vie. Militaire de 8h à 18h, il accompagne chaque soir à la guitare sa soeur Catherine à Bobino et ailleurs. Il affûte aussi sa plume puisque l'expérience militaire donne naissance à plusieurs compositions. Autre expérience qui marquera Maxime: son séjour aux Etats-Unis où, pendant un an, il partagera la vie d'une communauté installée à San Francisco. Cette vie faite d'amitiés, de rencontres, de gentillesse et de partage lui inspire une chanson qui fait brusquement de Maxime, selon sa propre expression: une valeur commerciale ! Ce fut San Francisco.

 

Quand on entre dans le monde du show business, on a au départ surtout envie que ça marche, sans se douter de ce qu'on va exiger de vous en échange. Je voulais que mon premier 30 cm soit un disque démocratique. En réduisant la pochette au strict minimum - du papier blanc avec mon nom dessus -, je pense qu'on aurait pu le vendre 10 F Il m'a été répondu que c'était impossible et impensable. Pourtant, de la même façon, j'ai réussi à donner en Belgique des galas à 10 F la place. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas obtenir le même résultat en France ! Dans la mesure où je suis devenu une valeur commerciale, je commence à me méfier de tout ce qui m'entoure pour ne pas devenir un objet de consommation. Le drame de ce métier, c'est de s'être transformé en une véritable industrie. Nous sommes purement et simplement considéré comme des matières premières; mais je n'ai pas pour autant renoncé à dire ce que je pense et à faire ce que je veux. *

Parmi les choses que Maxime Le Forestier veut préserver à tout prix, il y a sa passion pour le cheval. Quoiqu'il arrive, elle l'entraîne chaque année vers le Portugal. Là, privilège inouï, le plus grand écuyer du monde Nuno Oliveira, l'admet dans son cercle d'élèves. Parce que ma seule ambition, c'est de monter correctement à cheval, et que le rêve d'Oliveira c'est de chanter !

article de MARTINE GRAPAS

 

Note personnelle : * Maxime était encore jeune, il ressemblait aux étudiants d'après mai 1968. Ses idées et ses propos ont bien changé depuis l'époque où il prononçait ces paroles...

 

 

MAXIME LE FORESTIER - 33 tours Polydor - 2393040

 

Face A

1. Mon frère
2. Éducation sentimentale
3. La Rouille
4. Mourir pour une nuit
5. Marie, Pierre et Charlemagne

Face B

1. Comme un arbre
2. Fontenay-aux-Roses
3. Parachutiste
4. Je ne sais rien faire
5. San Francisco
6. Ça sert à quoi