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Disque POLYDOR
Hey Joe
Stone Free
article d'Alexandre Chatton publié en 1990
Papa Hendrix a la peau noire et une grande passion: la danse jazz. Maman Hendrix, indienne Cherokee (comme maman Tina Turner), a la santé fragile et une grande passion: son mari. Lequel, quand le petit James "Jimi Hendrix" Marshall voit le jour, en novembre 1942, fait la guerre en Europe. Trois ans plus tard, au retour du père, Jimi a justel e temps de le connaître qu'il se voit trimballer de droite à gauche, atterrissant pour plusieurs années chez la tante X à Vancouver (Canada). Parce que ses parents, pas vraiment riches, préfèrent aussi le savoir au chaud et ailleurs pendant qu'ils se donnent en spectacle dans les boîtes de Seattle. L'enfant Jimi, totalement introverti, ne parle pratiquement pas. Jusqu'à la mort de sa mère, devenue alcoolique et tuberculeuse, quand Jimi commençait d'avoir du poil au menton. Il ne s'en remettra jamais vraiment. Sa mère, il la vénérait ("Mon ambition dans la vie ? Revoir ma mère", déclarait ce mystique invétéré en 1967). En tout cas, à la mort de maman, "la guitare devint une nouvelle partie de son anatomie", se souvient papa Hendrix en parlant, fièrement, de son rejeton.
Reste que l'atmosphère familiale pèse lourdement sur le moral - déjà atteint - de Jimi. Qui décide de précéder la convocation et de s'enrôler dans l'armée. Le voici parachutiste au début des sixties. Pas longtemps: un accident aérien lui passe provisoirement l'envie de voler. Provisoirement, parce que, une dizaine d'années plus tard, Jimi sera peut-être mort d'avoir trop plané. La musique est maintenant toute sa vie. Il trouve des engagements avec Sam Cooke, Ike & Tina Turner, Little Richard... Ce dernier le virant d'ailleurs bien vite, estimant qu'on le remarque trop sur scène. Au milieu des sixties, il s'installe à New York, joue encore avec les Isley Brothers et Curtis Knight, entre autres, avant de fonder son premier groupe pro, Jimmy James & the Blue Flames (avec Randy California). Il écume les troquets enfumés de Harlem, où sa propension à déformer les sons et sa technique surprenante lui valent de plus en plus d'illustres visites, dont celle de Mick Jagger (ce même lippu stonien qui "découvrit" le groupe Living Colour et son guitariste hendrixien Vernon Reid il y a trois ans). Mais c'est Chas Chandler, bassiste des Animals, qui prend le virtuose noir sous son aile et qui l'installe à Londres en lui présentant les musiciens avec lesquels Jimi fonde son Expérience.
Premier disque: "Hey Joe" (16 décembre 1966). Le mythe Hendrix est né. Mondial, cette fois, puisqu'enfin reconnu outre-Atlantique. Sauf par ses frères de races, qui - de son vivant — ne lui pardonnent pas de jouer avec des visages pâles, de ne pas mettre sa guitare au profit de la cause black et de pervertir le... blues. Un comble! Eric Clapton - un de ses meilleurs amis —, Jimmy Page, Jeff Beck et consorts, eux, ne jurent plus que par lui. Il faut dire qu'Hendrix ne joue pas de la guitare: il en parle, il en hurle! Et qu'avec lui, le rock cesse d'être sage (se référer, par exemple, à sa version destroy de l'hymne national américain. Jimi brûle sa Stratocaster, la casse sur les amplis, se roule par terre, se déhanche lascivement. Il pousse la distorsion à fond, fait surchauffer sa pédale wah-wah, traumatise son vibrato, joue avec les dents, derrière la tête... En pleine folie psychédélique, le monde a trouvé son maître, son gourou. D'autant qu'avec son impressionnante chevelure en "nid d'abeilles", ses pendeloques et ses foulards multicolores, il a, en plus, un charisme fou, extra-terrestre.
Les disques se suivent sans se ressembler - réécouter le sous-estimé "Band of Gipsy", où il évolue cette fois avec un groupe noir -, les concerts également, dont celui de Woodstock (Hendrix a également fait la première partie, à l'Olympia, de son copain... Johnny Hallyday!). Mais Jimi semble de plus en plus absent. Il a conscience que, dans le public, ils sont toujours plus nombreux à ne venir voir que la bête de scène, et qu'en fait, on écoute moins sa musique. Il voit également poindre le business et ses requins. Aussi, il renonce à ses "Sex-Acts" d'antan, il devient moins accessible. Sa musique aussi, qui se dirige allègrement vers une sorte de fusion jazzy. Il se cloître dans son studio d'enregistrement new-yorkais (l'Electric Lady). Il abuse du LSD. Pas pour oublier quoi que ce soit, mais pour se transporter dans une plus haute dimension qui lui fera atteindre, croit-il, des nirvanas musicaux.
Le 18 septembre 1970, peu après son apparition à l'île de Wight, il meurt étouffé dans son vomi (il avait ingurgité une dizaine de barbituriques). Quatre ans de carrière à peine. Qui lui ont permis de réinventer la guitare, de sortir un des plus beaux albums rock de l'histoire ("Electric Ladyland", double live) tout en refusant le plus petit des compromis. Il est parti comme il est venu, comme une comète. Les comètes sont d'autant plus belles et inoubliables qu'elles ne reviennent pas souvent.
The Jimi Hendrix Experience – Electric Ladyland / Barclay – 920 060/61 FRANCE
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JIMI HENDRIX (1942 -1970)
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Un autre article publié en 2005
Jimi Hendrix a allégué des tendances homosexuelles pour quitter l'armée et était un anticommuniste peu critique de la guerre du Vietnam. Une nouvelle biographie de la rock star noire au destin tragique sort cet été aux Eiats- Unis, esquissant un portrait surtout psychologique du guitar hero des années 1960.
Attendue fin août aux Etats-Unis, la publication de "Room Full of Mirrors" ("Une pièce pleine de miroirs", titre d' un morceau d'Hendrix) coïncide avec le 35e anniversaire de la mort du musicien, décédé le 18 septembre 1970 à l'âge de 27 ans d'une surdose de somnifères. L'auteur, Charles Cross, a étudié pendant quatre ans les lettres et journaux intimes ainsi que le dossier militaire d'Hendrix, fourni par un collectionneur.
On apprend ainsi que Jimi Hendrix, qui disait avoir dû quitter l'armée en 1962 à cause d' une blessure occasionnée par un saut en parachute, aurait pu rester dans la célèbre 101e division aéroportée et partir au Vietnam... s'il n'avait prétendu être homosexuel. Son dossier médical ne mentionne aucune blessure mais évoque ses rendez-vous avec le psychiatre de la base de Fort Camp bell (Kentucky), auquel la future star confie être amoureuse de l'un de ses camarades et ne pouvoir s'emp êcher de se masturber. Le capitaine John Halbert recommande qu 'il soit libéré de ses obligations militaires.
Charles Cross ne remet pas en question l'hétérosexualité de son sujet, complétant même la longue liste des conquêtes féminines de son sujet avec le nom de BB, d'après lui rencontrée par hasard dans un aéroport de Paris. Il ne cite toutefois aucune source et écrit que l'actrice française a refusé de lui parler.
La contestation politique n'expliquerait pas non plus le départ d'Hendrix: contrairement au mytite, le jeune homme, engagé afin d'éviter la prison pour vols de voitures à Seattle, s'accommodait de l'action américaine au Vietnam. Simplement, il voulait se consacrer à la musique. Il réinventera la guitare et entrera dans la légende à Woodstock en 1969 avec son interprétation hallucinée de l'hymne national américain, "Star-Spangled Banner". Par bien des aspects, la vie de Jimi Hendrix ressemble à celle de Kurt Cobain, vedette du groupe de rock Nirvana et sujet d'une biographie du même Charles Cross ("Plus lourd que le ciel") en 2001: ils sont morts au même âge, ont grandi pauvres dans l' Etat de Washington (côte nord-ouest), ont été déstabilisés par la gloire et ont sombré dans la drogue.
Les parents du "Voodoo Child", Al et Lucille Hendrix, sont alcooliques. Le père, paysagiste, trouve rarement du travail et se sépare régulièrement de la mère. Jimi quitte l'école au lycée. Mais à 16 ans , son père lui offre une guitare électrique. Jusque-là , l'adolescent "jouait" au guitariste avec un balai, puis avec un morceau de bois pourvu d'une seule corde. Gaucher, Jimi recorde l'instrument et se lance. Après l' armée, il forme un groupe avec un ancien camarade, Buddy Cox, et entame le "Chitlin' Circuit" (littéralement "circuit de I'andouillette"). De 1963 à 65 , Hendrix et les King Casuals jouent pour la clientèle noire de petits clubs parfois glauques du Sud ou assurent la première partie de pointures telles que Otis Redding, Curtis Mayfield et Little Richard.
Faute de pouvoir gagner sa vie aux Etats-Unis, à cause de sa couleur de peau mais aussi de sa tendance à jouer les premiers rôles sur scène, Jimi Hendrix débarque en Grande-Bretagne en 1966. Son mélange de soûl, blues et rock envoûte Londres. Huit jours plus tard, il joue déjà pour des guitaristes comme Eric Clapton ou Jeff Beck. De retour aux Etats-Unis, il subjugue les spectateurs du festival de Monterey à l'été 1967. Mais à l'hôtel à New York, alors qu 'il se rend au concert, écrit Charles Cross, une femme le prend pour le groom... Dans cette Amérique encore ségrégationniste dans les faits, la couleur a touj ours posé problème à Hendrix, selon son biographe: s'il est l'une des premières stars noires à séduire un public blanc, il voudrait bien recevoir le même accueil des Noirs. Or des amis le taquinent parce qu 'il prend du LSD, considéré comme une drogue de Blanc. Après son triomphe à Woodstock, des connaissances veulent le faire jouer à l'Apollo d'Harlem , le quartier noir de New York. La direction refusera, craignant que le concert n'attire trop de Blancs.
Jimi à Monterey
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