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Disque CHRYSALIS 6307 515 (LP)

 

Face A

 

Aqualung

Cross-Eyed Mary

Cheap Day Return         

Mother Goose                

Wond'ring Aloud            

Up To Me

 

Face B

 

My God              
Hymn 43             
Slipstream         
Locomotive Breath        
Wind-Up

 

 

 

 

Ci-dessous, un article paru dans un quotidien suisse (1971) :

 

Jethro Tull : Aqualung

 

1. Au commencement, l'homme créa Dieu, et il le créa à l'image de l'homme ; 2. Et l'homme donna à Dieu une multitude de noms, entre autres celui de Seigneur de toute la terre, alors que cela convenait à l'homme. 3. Et au sept millionième jour, l'homme se reposa et s'appuya lourdement sur son Dieu, et il vit que cela était bon ; 4. Et l'homme forma Aqualung de la poussière du sol, et un grand nombre d'autres à sa ressemblance ; 5. Et ces hommes inférieurs furent lancés par lui sur le chemin. Certains brûlèrent et certains furent isolés de leurs semblables ; 6. Ainsi l'homme devint semblable au Dieu qu'il avait créé et régla toute la terre de ses miracles ; 7. Mais comme ses choses arrivaient, l'Esprit qui incita l'homme à créer Dieu vivait dans tous les hommes, même dans Aqualung ; 8. Et l'homme ne le vit pas ; 9. Mais aujourd'hui, pour le salut du Christ, il ferait mieux de le voir !

 

En exergue au dernier disque de Jethro Tull, cette nouvelle vision de la Genèse contient l'essentiel de ce que Ian Anderson et ses acolytes vont chanter sur des tons différents tout au long des dix thèmes : l'amertume devant le sort qu'une moitié de l'humanité réserve à l'autre. Toujours dans le ton parodique, il trace les signes de la déchéance de l'homme, d'une écriture nerveuse, sauvage, moins charmante que celle de ses ballades intimistes ou de ses joies franches du passé.

 

Aqualung, personnage à la Dickens guette les petites filles et ramasse les bouts de cigares, il sent la misère sordide et la suite des jours sans espoir. Cross eyed Mary, son pendant féminin, témoigne d'un réalisme dans la vision qui effleure le cynisme. Londres recèle toujours ses monstres, mais ils ont changé de nom, ils sont illusions, mensonges, interrogations sans réponse. Jethro Tull suit Ian Anderson dans son inspiration : sauvage ou romantique, les harmonies sont toujours déconcertantes, le rythme est devenu plus souple. Parfois violent dans le romantisme, souvent plus carré dans les thèmes proches du rock traditionnel (avec quelques résonances de spirituals) insinuant dans certaines chansons qui ne sont pas sans ressembler aux thèmes désabusés des Beatles.


Dans la seconde face,  Ian Anderson en appelle directement à Dieu, et pour cerner la déchéance de l'homme il retrouve des accents proches de ceux de Dylan, mais plus modulés, plus complexes. Moins flûtiste que poète complet aux nombreux moyens d'expressions, (tous les textes et la musique sont de lui, il ne néglige pas de prendre parfois la guitare) il jongle autour d'une vérité profonde qui confère à son œuvre une rare authenticité dans la contestation sous forme musicale. Il retrouve dans Locomotive Bréath le souffle qui fit de Sixteen Tons, un des refrains les plus populaires de ces vingt dernières années. La confiance dans la valeur de la recherche personnelle de Dieu culmine dans Wind Up où l'ascèse des moyens rappelle encore une fois Bob Dylan. La ligne du chant s'y apparente par sa simplicité et son évidence harmonique à celle des cantiques populaires de n'importe quelle latitude, tant ces attachesprofondes s'avèrent chères à Anderson aussitôt qu'il s'exprime avec quelque gravité.


Du passé, auquel il se réfère constamment - John Long Silver, Mother Goose, Johnny Scarecrow - il puise le relent puissant, monstrueux, parfois démoniaque que Victor Hugo utilisa dans Notre-Dame de Paris ou mieux encore dans L'Homme qui rit. Par-là, il se révèle le plus authentiquement romantique des chanteurs pop.

 

 

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Jethro Tull est un groupe anglais formé en 1967. Son leader est Ian Anderson.

 

 

 

 

 

 

 

 

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