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25 décembre 1977 - "Les Rendez-vous du dimanche"

 

 

Le 25 décembre 1977, plateau des "Rendez-vous du dimanche", sur la première chaîne d’un petit écran qui n’en compte alors que trois: deux enfants blonds, coupe au bol, sont assis face à un piano à queue imma- culé. Le présentateur, Michel Drucker, leur demande ce qu’ils aimeraient faire plus tard. Marc, 8 ans, veut être conducteur de train. Claude, surnommé Coco, de quinze mois son aîné, aimerait "faire à peu près le genre de métier de Guy Bedos" (sic). Voilà une semaine, dans "Vivement dimanche" sur France2, on les retrouvait face à ce même Drucker pour assurer la promotion de "Cloclo", le film de Florent Emilio Siri. Car, 34 ans après la mort de leur père, le 11 mars 1978, ils exercent finalement toujours la même profession: fils de Claude François.

 

Leur petite entreprise, dont l’activité majeure consiste à faire fructifier l’exceptionnelle carrière posthume de leur père, ne connaît pas la crise. Sur les 67,5 millions de disques écoulés entre 1962 et aujourd’hui, plus de la moitié l’ont été après la mort de l’artiste. "My Way", version internationale de "Comme d’habitude", rapporte à leurs ayants droit, au premier rang desquels ils figurent, la somme de 1 million d’euros par an. Selon la Sacem, "Alexandrie, Alexandra" occupe la troisième place des chansons les plus diffusées en France. "Pendant dix ans, nous étions en lutte avec le Boléro de Ravel, mais cette année David Guetta a placé deux de ses morceaux devant tout le monde", s’amuse Claude François junior, héritier d’un artiste qui vend encore 250 000 albums et 100 000 DVD par an. On comprend mieux pourquoi les Clodettes – elles furent pas moins de 45 entre 1966 et 1978 – viennent tout récemment de réclamer leur part du gâteau, au nom d’un droit à l’image que la loi ne reconnaît pas pour les artistes de complément.

 

 

Marc François et Claude François Junior

 

 

Il est vrai que la succession du chanteur fait toujours fantasmer. Elle n’a pourtant pas toujours été une sinécure pour les fils François. Parce qu’ils n’ont commencé à gagner de l’argent qu’à partir de 1989, lorsque la publicité pour les compilations musicales a été autorisée à la télé. Car, légende oblige, on oublie souvent de préciser qu’à sa mort leur père était ruiné. "Il était en faillite avec un endettement fiscal de 1,2 million d’euros", explique Alain Dominique Perrin, qui fut désigné exécuteur testamentaire par le juge des tutelles du 16e arrondissement de Paris. "J’ai accepté la succession, mais il fallait se bouger. Surtout, je devais entretenir une famille où personne ne travaillait à l’époque", poursuit l’ancien PDG de Cartier, aujourd’hui vice-président du holding Richemont. Pour redresser la barre, il cède alors le Moulin de Dannemois, demeure des Yvelines où ont grandi Coco et Marc, mais "où plus personne ne veut aller", et d’autres actifs du chanteur, comme "Podium", le magazine qu’il a fondé, mais aussi sa cave à vin, ses costumes de scène ou son agence de mannequins. Il engage aussi à l’époque deux avocats pour récupérer les droits de "My Way". Le crooner Paul Anka se les est appropriés pour les revendre à Elvis Presley, Sinatra et Nina Simone. Si l’œuvre de Claude François va connaître un second souffle, elle le doit aussi à l’incroyable succès posthume d’un titre, "Alexandrie, Alexandra", sorti quelques jours avant sa mort. "Vendu dix-huit mois non-stop, ce titre nous a sauvés", reconnaît Alain Dominique Perrin, dont les rapports avec la famille de l’artiste vont cependant se détériorer. Les fils François lui reprochent d’avoir laissé filer l’assurance-décès de leur père, une perte de plus de 512 000 francs. "J’ignorais que Claude n’avait pas réglé ses primes. Mais, surtout, j’étais désolé de cette bagarre téléguidée par la famille", soupire l’homme d’affaires. Pour Claude François junior, qui a perdu son procès contre son ex-tuteur, la hache de guerre est bel et bien enterrée. Il évacue l’épisode d’un "on ne peut pas lui faire que des reproches"...

 

 

Claude François et "Les Claudettes"

 

 

Curieux destin néanmoins que celui des fils François, propulsés dès leur plus jeune âge gardiens d’un temple bâti par un père dont ils ne gardent que des souvenirs flous. "C’est d’autant plus paradoxal qu’au départ ils n’étaient vraiment pas passionnés par son histoire", pré- cise Jean-Pierre Pasqualini, rédacteur en chef du magazine "Platine", et qui a connu Coco au début des années 1990. A l’époque, ce dernier vient d’effectuer un passage éclair à la télé. Il renonce à être "speakerine", selon ses mots, mais commence sinon à s’intéresser à la carrière paternelle, du moins à en gérer les retombées. Parallèlement, il se lance dans la production de spectacles. Et enregistre un succès, un seul, diront les mauvaises langues, avec l’humoriste Patrick Bosso. "Au départ, son père, c’est un peu le Magicien d’Oz, pour lui. Mais il va peu à peu recueillir des témoignages pour en devenir le premier promoteur", explique Fabien Lecœuvre, spécialiste de la chanson française qui deviendra le chargé de communication des fils François. Si Coco a compris les règles du business et de la communication, Marc, le cadet, lui, préfère rester dans l’ombre. Installé dans les bureaux de son père, au 122, boulevard Exelmans, à Paris, il tente un temps de percer dans la musique. "Son effacement tient à son histoire. Son père l’a caché jusqu’à ses 4-5 ans de peur de déplaire à ses fans", avance Pasqualini, reconnaissant que l’exploitation de l’entreprise Claude François a connu de nombreux ratés en vingt ans d’exercice.

 

 

Jérémie Renier dans le film "Cloclo"

 

 

Le dernier en date s’intitule "Cloclo Night Fever". On peut encore en trouver la mention sur internet, avec notamment une date en avril au Zénith de Strasbourg. La billetterie de ce spectacle avec strass et paillettes, qui devait être présenté par Nikos Aliagas et Agathe Baron, a été ouverte avant que le projet ne soit finalement abandonné. "Des partenaires m’ont lâché dans l’affaire et le risque était trop grand", admet Claude François junior. Selon Fabien Lecœuvre, la cible était mal étudiée dès le départ: "On ne savait pas s’il fallait faire chanter des Patrick Juvet, Michelle Torr, ou des vedettes de R’n’B, ou Bénabar, qui reprennent aussi Claude." "C’est clair", estime un proche, "Coco n’a pas fait Sup de co (réd: grande école de commerce). Depuis 20 ans que je le connais, il m’a parlé de tas de projets qui n’ont jamais vu le jour et qui lui ont coûté de l’argent. Finalement, sa gestion est un peu bancale, comme celle de son père."

 

article publié en mars 2012

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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