ACCUEIL | LA MUSIQUE | ISABELLE AUBRET (1962) |
Disque PHILIPS 432.730 BE
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Un quart de siècle déjà qu'elle chante et, tant physiquement qu'en profondeur, elle n'a pas vraiment changé. Elle possède toujours la même voix tendre et modulée qui met en valeur chaque mot comme s'il s'agissait d'une pierre précieuse; la même fragilité presque enfantine qui donne à chaque spectateur l'envie de la protéger; le même goût pour les mélodies pressantes et élaborées et pour les textes de qualité... A peine si le temps passé lui a donné un peu plus de métier: on le sait, on ne s'en aperçoit guère; sa spontanéité, sa fraîcheur demeurent entières. Bref, par son charme et son talent, Isabelle Aubret semble immuable. Aussi séduisante pour les spectateurs de l'Olympia d'aujourd'hui qu'elle le fut pour ceux de Bobino. Elle est totalement sincère et elle trompe son monde. Sans le vouloir. Simplement à cause du déphasage qui existe entre ce qu'elle est et ce qu'elle a dû faire pour survivre et pour gagner.
Une enfance prolétarienne dans les cités ouvrières du Nord de la France; à 14 ans, elle entre comme bobineuse dans l'usine de textile où son père travaille comme contremaître. Mais déjà, elle fait montre d'une volonté farouche de s'en sortir. Par les exercices physiques d'abord et elle devient championne de France de gymnastique. Mais surtout par la chanson. Pas derelations, aucune attache avec lemétier. Elle emprunte la voie ardue,la voie rude des chanteurs d'orches-tres de bals. Petits orchestres, petitsbals, un public qui n'est pas là pour écouter mais pour danser. A la chanteuse, on demande surtout d'oublier sa personnalité et de se couler dans le moule de l'interprète qui a créé l'œuvre. Autrement dit d'imiter ses intonations, de copier les astuces et les trucs de la fille dont on n'est que l'ombre. Une dure école. Dont il faut absolument se tirer si l'on veut simplement exister. Elle y parvient, trouve des engagements, commence à se bâtir un répertoire et, très vite, à collectionner les récompenses: Grand Prix du Festival d'Enghien, Grand Prix Eurovision de la chanson, plus tard Grand Prix du disque de l'Académie Charles Gros, etc.
'est bien parti, tout va se casser. Un accident de voiture la cloue pour de longs mois à l'hôpital. Plusieurs fois, elle doit passer sur la table d'opération. Elle souffre, serre les dents, tend son énergie pour réapprendre à bouger, à marcher, retrouver sa silhouette. Des heures durant, elle effectue des vocalises pour conserver à sa voix la souplesse que son corps a perdue. "Isabelle, c'est un petit mec", dit d'elle Jacques Brel dont elle devait faire la tournée. Ses tourments d'alors, elle les retrouvera vingt ans plus tard lorsque, au Gala de l'Union, un autre accident la renverra à l'hôpital, membres brisés. De la malchance, tout cela, évidemment. Mais que son courage permet de surmonter. Par bonheur, elle n'est pas seule. Elle a des amis fidèles. Son producteur, Gérard Meys, et des grands de la chanson comme Brel ou Jean Ferrat. Brel l'aide, la soutient et lui confie "la Fanette". Ferrat, pour l'encourager, lui offre sa chanson fétiche, celle qui donne un sens à son existence: "C'est beau la vie". D'autres grands écriront pour elle, Charles Aznavour et Serge Gainsbourg, Barbara la sublime. Même Francis Cabrel, d'une autre génération, lui donnera des chansons.
Aujourd'hui, elle s'appuie sur deux auteurs-compositeurs-interprètes, encore peu connus mais déjà solides: Romain Didier et Alain Lepestre. Elle se bat pour elle, pour simple-ment tenir. Elle se bat pour les autres. Sa chanson, souvent liée à l'amour et à la tendresse, emprunte parfois les mots de la révolte. Elle n'admet pas l'injustice. Ni l'oppression. Ni la misère. Ni la guerre. ELle le dit, elle le clame. Elle n'oublie pas ses origines. Elle n'a pas fui sa classe, elle essaie de la représenter. Elle se veut toujours du côté des pauvres, de ceux que l'iniquité frappe, de ceux auxquels l'espérance est refusée. Agir autrement serait pour elle trahir. La voilà à nouveau sur scène. Heureuse d'avoir retrouvé son public. Pour lui, elle ne fait pas que chanter. Généreuse, elle se donne. Et ce cadeau qu'elle fait est reçu avec passion. Et avec joie: un cadeau de ce genre, rares parmi les interprètes d'aujourd'hui sont ceux capables de l'offrir.
article de Lucien Rioux publié en 1990
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Isabelle Aubret, née Thérèse Coquerelle le 27 juillet 1938 à Lille, est une chanteuse française. En 1962, elle remporte le Concours Eurovision de la chanson pour la France, avec la chanson Un premier amour.
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Eurovision - 18 mars 1962
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