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Le facteur traite et distribue le courrier (lettres, colis, télégrammes, mandats ...) aux particuliers et aux entreprises. Chaque année il passe pour les étrennes en proposant son calendrier (almanach). C'est un métier de contact avec la population; en cela, il est apprécié par les personnes âgées ou seules.

 

Le facteur assure le factage (distribution). Au féminin, on emploie le terme factrice.

 

 

Journée du timbre 1972 - Le facteur à bicyclette en 1894

 

 

Charles Obin, le facteur de mon enfance à Bachy (Nord)

 

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LE CENTENAIRE DU FACTEUR RURAL (1830 - 1930)

 

L'année qui s'achève est incontestablement celle où l'on fêta le plus de centenaires. Ces feux d'artifice presque ininterrompus en l'honneur de 1830 se justifiant pa~ sa splendeur historique : centenaire d'une expédition glorieuse et féconde, entreprise avec crânerie, conduite avec maîtrise. Centenaire d'une Révolution qu'un peu de clairvoyance généreuse aurait pu éviter. Centenaire du romantisme en bloc, cette éblouissante libération. Centenaire des grandes figures et des plus célèbres œuvres de ce temps-là, etc.

Pourtant, malgré cette brillante débauche de commémorations, il en est une qu'on semble avoir oubliée. Ingrats ou, plutôt, hypnotisés par la politique, la littérature et l'art qui, reconnaissons-le, offrent des occasions plus enivrantes et plus agréables de réjouissances, les organisateurs de ces fêtes ne se sont pas souvenus de notre bon, cordial, pittoresque et serviable facteur rural !

Voilà cependant tout juste un siècle qu'il parcourt nos routes nationales, nos chemins vicinaux, ceux plus modestes de nos communes. Voilà cent années que, diligent, allègre, familier, il trotte de village en village, de bourg en hameau, d'écart en ferme isolée. C'est exactement depuis 1830 que son amusante silhouette de bonhomme jovial et complaisant, ayant le mot pour rire, de philosophe vagabond au visage brûlé par le soleil, couperosé par le gel, le vent, la pluie cinglante et parfois aussi — jadis surtout — par les petits verres avalés au passage, se dessine sur les bois, les vergers, les guérets, les moissons, sur les rocs bordant les sentiers de la montagne, le long des étangs et des rivières.

Alors, avant 1830, il n'y avait pas de facteurs ruraux ? Les gens des campagnes n'étaient pas "desservis" par la poste ? Mais comment faisaient-ils pour avoir leurs lettres et leur journal ?

Placides, pas pressés, peu exigeants, ils venaient tout bonnement les chercher ou profitaient de quelque commissionnaire bénévole en course au village voisin, pour les faire prendre au bureau de poste dont ils dépendaient. Et comme, en ce temps-là, ils étaient fort peu nombreux — en 1830, 35.587 communes, dont 1.300 chefs-lieux de cantons, en étaient encore dépourvues — on imagine les trottes que les habitants des campagnes devaient faire pour, tardivement, entrer en possession de leurs correspondances.

Seules, les villes avaient leurs facteurs réguliers que les enfants et les jeunes hommes des premières années de la République ont encore connus — en attendant le képi et la vareuse d'aujourd'hui — avec leur petit shako en cuir bouilli et leur longue tunique à boutons de cuivre. Et ce fut seulement dans les toutes dernières années d'avant 1830 qu'on étendit la distribution quotidienne des lettres à certaines communes suburbaines de Paris — le village de Passy par exemple — et de quelques très grandes villes, parce que, très peuplées et contiguës à ces importantes cités, elles en étaient tenues, bien que non encore annexées, pour une prolongation.

Et voici qu'en 1830, par application d'une ordonnance de 1829, une armée de facteurs ruraux s'élance sur les routes, les chemins et les sentiers de France. Vêtus d'une blouse, ils sont, l'été comme l'hiver, coiffés d'un haut de forme en feutre verni qui ne tardera pas à devenir une casquette à visière, pour se transformer finalement en képi. C'est une véritable révolution que le lancement, sur tout le territoire, de cette fourmilière en quotidienne rumeur, qui, dans le profond bissac de cuir, apporte jusqu'aux métairies les plus lointaines la vie, les nouvelles, la pensée de l'époque.

Le facteur rural — qui pénètre dans toutes les maisons, cause avec les paysans, leur rend volontiers des services, s'assied à leur table et au coin de l'âtre, les interpelle à la lisière de leurs champs — est vite populaire.

Ceux que les hommes de mon âge connurent au début de la République ne différaient guère sans doute, quarante-cinq ans après, de leurs aînés du temps de Charles X et de Louis-Philippe.

Les bureaux de poste étant toujours rares, ils faisaient encore de longues et rudes tournées. Se mettant en route dès 7 heures du matin, après s'être levés vers 4 ou 5 heures pour faire, au bureau, le tri de leurs lettres, ils n'y rentraient que vers 5 ou 6 heures du soir, ayant parcouru trente, trente-cinq, quarante kilomètres par tous les temps, sous la pluie ou le soleil torride, dans la neige ou la boue. Et jamais de congé. Pas même, de loin en loin, un jour de repos. Ils n'avaient d'autre manteau que celui qu'ils pouvaient s'offrir, et le plus ordinairement, c'est un gilet de laine qui, sous leur blouse, en tenait lieu. Leurs chaussures, c'est eux-mêmes qui les payaient — et Dieu sait si, malgré leurs gros clous, ils laissaient des semelles sur les grandes routes ! — jusqu'au jour où l'on se dit qu'il serait juste de leur offrir une indemnité pour l'usure de leurs croquenauds ferrés.

Tous ceux qui, comme moi, ont passé, après 1870-71, leur enfance et leur jeunesse en province, se rappellent en souriant leur aspect sympathique et pittoresque. Comme aujourd'hui beaucoup d'entre eux étaient des mutilés de la guerre. Privés d'un bras, de plusieurs doigts, d'une main, ils faisaient vaille que vaille leur service, mais avec conscience et dévouement.

Mal payés, ils augmentaient tant soit peu leur salaire en se surchargeant de commissions pour la campagne. Aussi, chaque matin, les voyait-on sortir de la ville avec des colis, des boites et des pains en bandoulière, alourdis de paquets amarrés par des ficelles à leur dos, à leurs flancs.

Dans toutes les régions de France, mais surtout dans les affables et joyeux pays de vigne, ou la tradition séculaire est de bavarder le verre, en main et de ne jamais laisser quelqu'un sortir d'une maison sans lui avoir fait boire un verre de vin ou de liqueur, ou offert de "casser une croûte", que d'arrêts au coin de la table ou près du feu ! En ces heureux temps de vie facile, les privilégiés parmi ces avaleurs de kilomètres, qui avaient dans leur tournée une "maison bourgeoise" ou un château accueillants, s'arrangeaient pour y arriver à l'heure du déjeuner où, à la cuisine, ils trouvaient toujours leur couvert mis.

Ravitaillement substantiel et régulier qui ne leur faisait pas mépriser sur leur parcours les menues aubaines du matin et du soir. Aussi, parfois, certains d'entre eux, les plus choyés et les plus portés sur leur bouche, augmentaient-ils les kilomètres de leur tournée par les nombreux zigzags, fortement accentués, qu'il leur arrivait de faire sur le chemin du retour !

En comparaison avec leurs aînés, les facteurs d'aujourd'hui, bien vêtus, mieux payés, faisant des tournées beaucoup plus courtes que l'usage de la bicyclette raccourcit encore, bénéficiant — comme il est juste — de congés annuels, ont une heureuse vie. Le petit verre, la "giclée" de blanc ou de rouge jaillie, en leur honneur, du tonneau dans la tasse à vin sont peut-être moins fréquents. Mais la plupart d'entre eux n'y tiennent plus guère.

Toutefois, les mêmes traditions de bonhomie, de cordialité, de complaisance, se sont perpétuées. Le facteur rural, qu'on voit chaque jour, avec lequel on échange des propos, qui rend service à l'occasion, finit par être, s'il fait depuis longtemps la même tournée, du village et presque de la famille. Ah ! les braves gens si cordialement mêlés à la vie des campagnards ! On en a connu, pendant les quatre années de la dernière guerre, qui étaient bouleversés sous le regard des mères, des épouses, des sœurs, lorsque, après des jours et des semaines d'attente anxieuse, ils n'apportaient, toujours pas la lettre espérée et qui plus tard, quand la triste certitude avait été notifiée à ces malheureuses, évitaient par compassion leurs pauvres yeux tristes où ne luisait plus, même torturée, l'espérance.

Si, pour fêter le centenaire de ces bons types de facteurs ruraux qui marchent sans cesse, le ministre des P.T.T. leur accordait un jour d'immobilité et de repos ? Une fois par siècle, ce ne serait pas un "précédent" bien grave ni bien dangereux. La France des villages et des champs, qui aime ses alertes visiteurs quotidiens, ne s'en plaindrait certainement pas.

 

article de Georges Lecomte de l'Académie française, publié en 1930

 

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Joseph Ferdinand Cheval, plus connu sous le nom du Facteur Cheval, davant son "Palais"

 

 

un autre facteur célèbre : Jacques Tati dans son film Jour de Fête (1949)

 

 

et Maurice Baquet (Ribouldingue dans les "Pieds Nickelés" en 1949)

 

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le facteur aime les "bonnes" étrennes !

 

 

 

le facteur vu par Plonk & Replonk

 

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