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1940 : la France a capitulé... mais beaucoup de soldats sont encore prisonniers. L'alimentation est rationnée, les jouets pour Noël seront rares en cette fin d'année. Beaucoup d'enfants n'auront rien...

 

 

publication de 1940 (Mais qui se fait passer pour le Père Noël ?)

 

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publication de 1940

 

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Les semaines précédant Noël n'ont pas connu, cette année, la féerie des étalages animés sous les lumières multicolores. Toute la ville défilait devant des paysages merveilleux où grouillait un peuple de nains. Les vitrines offraient à l'admiration des enfants le Symbole de l'abondance qui régnait sur le monde. L'infinie variété des jouets créait, à fond de rue et par étages entiers dans les grands magasins, l'image d'un univers heureux dans le travail et dans les jeux, d'un univers de profusion, de lumière et de joie.

Noël 1940 ! Noël sans illuminations, Noël pauvre d'un pays pauvre...

 

Figés dans l'immobilité des choses inertes, les étalages sont indigents. Aux rayons des jouets il n'y a plus d'abondance ni de variété. Toute la misère du temps se relète ici. Voici les restrictions étendues jusqu'aux joies des enfants. Et pourtant, quand on s'arrête devant ces étalages, quand on circule entre les rayons presque dépeuplés, on épreuve une profonde émotion. Ces poupées humblement vêtues, ces animaux de bois, ces mécaniques simplistes, ce petit monde qui naît pour le premier Noël après la défaite, c'est le premier sourire de la France blessée. Un sourire pâle encore, hésitant, douloureux, mais un sourire que des millions d’enfants accueillent comme une grande espérance...

 

Autrefois dans !a forêt de Thurînge

 

Pour la première fois les enfants de France fêteront Noël avec des jouets de fabrication exclusivement française.

L'arrêt des importations prive les magasins des fournitures japonaises et allemandes qui, avant la guerre, inondaient notre marché. Depuis quelques années, les produits japonais à bas prix, ajoutaient leur concurrence à celle des jouets de Nuremberg et de Thuringe, et certains articles de fabrication nationale se voyaient privés de tout débouché. Cette année, les grands magasins n'ont pas vendu de jouets étrangers. Et la fabrication française, dans la mesure du possible où elle n'a pas été gênée par le manque de matières premières, a retrouvé une grande activité.

L'Allemagne était avant la guerre, le grand fournisseur de jouets, de poupées et d'accessoires d'arbre de Noël. Ses exportations s'étendaient à tous les pays d'Europe et à l'Amérique. Une très ancienne tradition avait fait de la forêt de Thuringe, le centre universel de cette production.

Sonneberg, une petite ville de 20.000 habitants dans la vallée du Steinach, sur le versant sud de la forêt de Thuringe, voyait affluer les courtiers du monde entier. Les Américains y ont construit un gratte-ciel. Son Musée du Jouet réunit de nombreux chefs-d'œuvre d'art populaire. Cent cinquante firmes y rassemblent la production de nombreux villages perdus dans les montagnes, où les familles entières, jour et nuit, quand les commandes sont urgentes, tournent le bois, pressent le papier-mâché, soufflent et colorent le verre. Plus de 20.000 ateliers d'artisans se partagent la production. Dans les villages, les lampes ne s'éteîanent qu'à la grande lumière du matin, et l’on ne voit point d'enfants jouer dans la rue : les enfants de Thuringe travaillent pour la joie des autres. Plusieurs villages ont leur spécialité : les uns soufflent ces légères boules de verre coloré que l'on accroche aux arbres de Noël, les autres tournent et sculptent des personnages, des animaux ou des objets en bois ; il en est qui font la poupée, ou des jouets divers. L'outiilage est rudimentaire : un tour et des ciseaux à bois, un bec de gaz pour souffler le verre. A la fin de la semaine, l'homme porte son travail au fabricant : il descend à pied le chemin de montagne avec une charge énorme de petites boîtes sur sa hotte.

La Thuringe fabrique ainsi près de la moitié de la production allemande de jouets, le reste étant fait en usine. Tout ce qui n’est pas mécanique reste du domaine de l'artisanat qui conserve ses vieilles traditions de métier. Une école professionnelle moderne attire à Sonneberg les jeunes campagnards qui retournent au village avec une connaissance parfaite de leur travail. Et parmi eux naissent encore aujourd'hui de beaux artistes populaires qui en dehors de la banale production courante, réalisent de vrais chefs-d'œuvre de sculpture sur bois ou de verre soufflé. Certains travaux exigent d'ailleurs des qualités professionnelles extraordinaires : les souffleurs d'yeux de poupée doivent donner de la vie à un regard de verre.

 

Forte de sa réputation séculaire, l'Allemagne garda longtemps le monopole de la fabrication des jouets et des accessoires d'arbres de Noël. Puis vint la concurrence japonaise, alliant le travail à domicile à la fabrication d'usine. Le bois, le celluloïd, le métal léger, travaillés par les doigts orientaux avec une inépuisable fantaisie, entreprirent la conquête des marchés du monde. Au "Made in Germany" s'ajouta le "Made in Japan". Il restait peu de place, trop peu de place pour la fabrication française, qui luttait difficilement pour ne pas être complètement éliminée.

 

La production des artisans du Jura

 

Aujourd'hui, plus de concurrence étrangère. Le jouet français s'impose. S'il le veut, il peut reprendre tout le terrain que l'article d’importation avait gagné.

Certes, comme les autres, cette branche d'industrie éprouve de grandes difficultés. Pour le jouet mécanique fabriqué en usine, on manque de métal et d'accessoires. Tant que durera la situation actuelle, la crise du jouet mécanique sera une réduction de la crise de l'industrie en général. Actuellement cette crise est d'autant plus sensible en zone non occupée que les usines de jouets se trouvent dans la région parisienne, ou à Brïare sur la Loire. L'article de celluoîd ne manque pas encore : Oyonnax, cependant a des inquiétudes pour ses approvisionnements en matières premières.

Mais le jouet de bois triomphe. Le simple jouet de bois naïf et gauche, un peu lourd mais solide, tout éclatant de couleurs fraîches. Ce jouet de nos pères avait perdu sa vogue, il avait cédé la place à des objets plus compliqués. Voici que par la force des choses, il retrouve la première place. Et nous pouvons saluer sa réapparition comme un retour à la vieille tradition folklorique, comme le prélude aussi d'une renaissance de l'artisanat montagnard.

Car le jouet de bois est l’œuvre de nos tourneurs du Jura. Depuis des siècles, autour de Saint-Claude, les artisans travaillent le bois avec un art parfait. Dans ces dernières années, la galalith a remplacé le bois dans beaucoup d'ateliers, mais Moîrans et les villages des environs sont restés fidèles au bois. Avant 1914, Moirans, bourg de 1.500 habitants, était le seul endroit du monde sachant fabriquer le "bïbî", cette petite embouchure des ballons à musique : il en partait des millions dans tous les pays d'Europe et d'Amérique.

Avec leur simple outillage, la matière première qu'ils trouvent sur place, une main-d'œuvre qui n’a rien perdu de son habileté les fabricants peuvent faire naître dans le Jura une grande et belle industrie française du jouet populaire.

Dans le domaine du jouet comme dans beaucoup d'autres, notre pauvreté d'aujourd’hui est salutaire, car nous étions riches surtout de camelote et de laideur.

 

Georges Fleurigny

 

- publication de fin décembre 1940... N'oublions pas que nous étions sous l'occupation.

 

 

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publication de 1940

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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