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Que pouvaient souhaiter les enfants comme cadeau de Noël en 1931 ?

 

 

 

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certains enfants ne pouvaient que rêver !

 

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JOUETS DE NOËL

 

Sur le fond de la nuit, voici que se sont ranimées, une à une, les fantasmagories multicolores que les jours proches de Noël rallument aux quatre coins de Paris.

"Comme l'année a vite passé", se disent ceux auxquels la vie n'apporte plus de jouets, en regardant ceux-ci, qui, dans un décor de rêve, s'éveillent soudain dans un éclaboussement d'étoiles, et, sautant, bondissant, culbutant, répètent pour toute une foule qui, le nez en l'air, s'extasie, les gestes habituels de la vie !. Quant aux petits, pour qui, en définitive, tous ces personnages d'une autre comédie "aux cent actes divers" font leurs tours et leurs grimaces, on les voit, serrés dans les jupes d'une maman, qui tend le dos pour résister à la bousculade, ou joue du coude pour que "lui" ou "elle" puisse aller, à son tour, regarder le plus près possible — que ne peut-on toucher ! — toutes ces merveilles, annonciatrices de celles que le père Noël, dont la barbe doit être démesurément longue, jettera, un peu après minuit, le 25 décembre prochain, dans les cheminées.

Ah ! ils n'auront pas à se plaindre ! Que de trésors d'invention, d'ingéniosité, de goût on aura dépensés pour eux ! Dessinateurs, modélistes, couturières, mécaniciens, enlumineurs, des centaines et des centaines d'ouvriers et d'artistes qui, en travaillant, rêvaient sans doute, eux aussi, à leurs gosses, ont créé, habillé ou ajusté de leurs mains ces poupées, plus belles que des princesses de légende, ces trains électriques qui tournent avec un chuintement doux sur un réseau d'acier occellé de feux changeants, ces sous-marins qui plongent dans l'eau claire d'un bassin, remontent et entr'ouvrent leur capot pour laisset apparaître deux matelots au col bleu de France.

Les vieux enfants que nous sommes ouvrent de grands yeux en comparant — mentalement — les jouets qui furent les nôtres et ceux de maintenant. Non que ceux-là n'eussent point de charme — ils ont déjà celui d'être parmi nos plus beaux souvenirs — mais ils étaient différents; ils appartenaient davantage au domaine du rêve qu'à la vie; il leur demeurait attaché un peu de l'attrait mystérieux et poétique des beaux contes et des histoires féçriques.

Ceux d'aujourd'hui sont autres. La vie moderne s'y réfléchit; ils sont à l'image des temps, et ce n'est pas l'un des côtés le moins curieux de cette époque qu'elle puisse s'y refléter ainsi avec sa précision, sa netteté, son goût du réel, son sens du pratique et du confortable.

Offrez donc un cabriolet attelé d'un poney, bien jaune et bien harnaché, à votre fils. Il sera ravi, mais il eût préféré cette torpédo qu'on me montrait hier et qui, lorsqu'on lui a redonné la vie en tendant d'un coup de clef son ressort, fonctionne comme une voiture véritable, ses pistons se levant et s'abaissant en cadence.

— On dirait que c'est vrai !

Voilà ce à quoi rêvent garçonnets et fillettes et, pour leur plaire, le jouet s'est peu à peu façonné selon leur désir. Sans doute, les vieux sont encore là; mais, à côté des poupées de caractère de jadis aux longues boucles, au visage stéréotypé, aux articulations roides, qui ne savent qu'ouvrir et fermer l'œil, regardez toutes ces jolies filles vivantes et remuantes, vêtues et chapeautées à la mode d'hier, que l'on peut déshabiller en un tournemain et pour lesquelles des trousseaux, où foisonnent des pyjamas, des douillettes, des Imperméables et même des bottes en caoutchouc, sont à la disposition de leurs futures propriétaires. Ces reines, faut-il le dire, ont tous les suffrages, et qui les leur refuserait à les voir si étonnamment évocatrices de la femme et de la plus élégante de toutes : la Parisienne ! Et ces bébés, en celluloïd, emmaillotés dans des langes et qui dorment, enveloppés dans des couvertures de laine, à la manière des véritables, si bien que, s'ils étaient plus grands, on s'y tromperait !

Mais c'est partout et dans tout que se retrouve cette imitation si proche de la vie : dans cette salle de bain pour poupée, où rien ne manque : lavabo, baignoire. et chasse d'eau, et où se mesure, sous un angle un peu inattendu, mais néanmoins certain, l'influence profonde de l'hydrothérapie et de la puériculture; dans ces panoplies, où l'uniforme du receveur — avec perforeur automatique, s'il vous plaît — voisine avec la tenue de l'agent casqué de blanc comme on n'en voit plus à Paris, ou celle de l'alpiniste ou de l'explorateur, un des effets de l'Exposition coloniale qui a influencé la couleur des jeux de massacre et jeux de boules et jusqu'à celle des bataillons de bébés qui paraissent s'accommoder fort bien de leurs nouveaux petits frères au teint foncé.

Faut-il parler des mobiliers, qu'un de nos décorateurs les plus en vue signerait volontiers, et qui en disent long sur les volontés de confort de nos arrières-petits-neveux ; des jouets sportifs qui ont un succès fou, m'a-t-on dit, et qui nous assurent que, dans une quinzaine d'années, nos équipes nationales auront des champions à en revendre ?

— Ce n'est pas nous, m'a dit ce chef de rayon d'un grand magasin, qui faisons le jouet. C'est l'enfant. Et c'est lui qui veut quelque chose qui ressemble à ce que "papa et maman ont". Pas de littérature. Des faits. Des jouets qui marchent, qui vivent surtout. Et, vous voyez, cela vit."

Et il me montra, de la main, la rangée des charmants visages de poupées merveilleuses qui souriaient avec mille grâces, les trains qui tournaient, les autos qui roulaient, enfin tout ce petit monde du paradis des ènfants qui, endormi pendant onze mois, se réveille pourtant chaque année assez tôt pour être à la page.

— Tour de force ? lui ai-je dit.

Il a souri.

— Mais non ! nous obéissons à nos jeunes clients. Voyez-vous, on veut bien toujours croire au père Noël, mais on ne lui pardonnerait pas de retarder. Une seule ombre dans tout cela, ajouta-t-il. Beaucoup de ces jouets ne sont pas de chez nous. Savez-vous que, depuis le traité franco-allemand de 1927, où il était entré en France pour 12 millions de jouets, leur chiffre est passé, l'an dernier, à 45 millions ? Et celui de cette année — le marché anglais venant d'être fermé — ne sera pas moins élevé. Mais c'est évidemment là un des à-côtés de la question, qui ne regarde que les grandes personnes.

Que les petits Parisiens se rassurent ! Cette année, comme les autres; la hotte qui traversera le ciel de la capitale, en cette nuit qui est la plus douce à leur cœur et au cœur de ceux qui les aiment, sera encore pleine jusqu'au bord !

 

article de Jean Pédron publié en 1931

 

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