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Note : deux articles publiés dans la presse régionale en 1937

 

I - LES MEMES CAUSES PRODUISENT TOUJOURS LES MEMES EFFETS


Si l'on consulte l'histoire économique du monde, il est curieux de constater que des périodes identiques à la notre - toutes proportions gardées - ont secoué !a quiétude des temps passés. D'où Ion voit que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. Sans vouloir remonter trop haut dans le passé, atteignons le XVe siècle et comparons les prix de ces cinq cents dernières années.

 

Quarante et une dévaluations en 18 mois
Les immenses besoins de la guerre de Cent Ans avaient obligé les rois de France a diminuer la quantité de métal fin contenu dans les monnaies, tout en leur conservant leur valeur nominale. Ce furent les premières dévaluations. Charles VII n'en fit pas moins de quarante et une en dix-huit mois. De quoi faire pâlir les ministres des finances de nos jours. Inévitablement les prix montèrent. Et comme les salaires ne suivaient pas, le mécontentement éclata sous forme de petites émeutes. "Pensez, écrivait alors un chroniqueur de qui nous tirons ces renseignements, qu'on avoit une bonne pinte de bon vin sain et net, blanc et vermeil pour un denier parisis en 1414, lorsque ladie pinte cousta l'année ensuivante, une somme de trois deniers, et sic en 1417". Quelle cherté ! Surtout lorsqu'on sait que le dernier parisis était la douzième partie du "sol parisis" soit un peu moins d'un demi centime de maintenant..


Les premières grèves
Le stère de bois passa de 9 sous à 20 ; la livre de beurre de 2 sous à 10, puis à 15. Et les œufs qui se vendaient 4 deniers les trois en 1417 atteignirent 25 deniers en 1419. En 1450, "fut la chair si chère que un bœuf qu'on avait vu donner maintes fois pour huit francs ou pour dix francs tout au plus, coustait 25 francs" Vingt-cinq francs un bœuf entier !... Au XVIe siècle, les mêmes ennuis se produisirent. Les premières inventions industrielles (poudre à canon, artillerie, imprimerie, etc…),. les grandes découvertes maritimes et l'afflux d'or qu'elles provoquèrent en Europe fomentèrent une véritable révolution économique. Les prix montèrent mais les salaires restant très bas, les ouvriers s'agitèrent. La première grève éclata en 1539 à Lyon. Le mouvement gagna Paris : des bagarres firent couler le sang et les compagnons demandèrent au Parlement, la fixation d'un salaire minimum. Ils n'obtinrent satisfaction qu'en 1572 par l’édit du 10 Septembre. Et leurs payes étant augmentées, le coût de la vie haussa.


Un écu d'or pour 65 sous

Le Trésor Royal étant déficitaire, on recourut au procédé classique : l’impôt. La taille qui donnait 2.400.000 livres en 1517, en fournit plus du double en 1550 et atteignit 18 millions en 1588. On lui adjoignit des taxes nouvelles. On fit appel à l'épargne - pour la première fois - par le système des rentes de l'Hôtel de Ville. Et pour terminer le cycle aujourd'hui connu, les rois firent dévaluation sur dévaluation. En cent ans, les monnaies perdirent la moitié de la quantité de métal fin qu'elles contenaient. Bien mieux, on augmenta la valeur nominale de l'écu d'or : après avoir valu 35 sous en 1537, il fut amené à 65 sous en 1602.

 

Analogue avec les temps présents
Les ouvriers souffrirent beaucoup de cette révolution économique. Si leurs salaires augmentaient du triple, leurs conditions d'existence n'en diminuaient pas moins de moitié, par suite de la hausse des denrées. L'hectolitre de blé qu'on échangeait en 1492 contre 15 grammes d'argent coûta plus de 50 grammes en 1550. Le fermage annuel d'un petit champ montait à 8 ou 9 livres soit 170 à 180 francs d'aujourd'hui. Une robe revenait au même prix. Alors comment s'habillaient les paysannes ? En haillons. La robe de 170 francs ne vêtait que les grandes dames, les reines et les impératrices. Pour remédier à la situation, les rois recoururent a la taxation arbitraire des prix. Puis ils établirent des Comités de surveillance des prix pour en vérifier la bonne observation. On créa des magasins municipaux afin de fournir des objets et denrées à prix coûtant, et partant à faire baisser les cours. Enfin, dernière analogie avec les temps présents, on encouragea la production. La hausse des prix résista a tous les remèdes. Le coût de la vie ne baissa pas. Au contraire ! Ce furent les conditions d'existence des peuples qui s'ajustèrent aux nouveaux tarifs, après adaptation des stocks de marchandises aux besoins des consommateurs et à la quantité de monnaie dont ils disposaient.

 

Vivre heureux avec 3.000 Fr par an
Passons rapidement sur le XVIIe siècle, peu comparable à notre époque du tait que les variations du coût de la vie provinrent plus des innombrables guerres de Louis XIV et des famines qui désolèrent la France, que des variations monétaires proprement dites. Disons seulement que le blé monta, que les ouvriers demandèrent de meilleurs salaires, que les porteurs de rentes à revenus fixes se ruinèrent peu à peu... et qu'on vivait très aisément pour 3.000 francs par an.

 

La vie chère accroît le succès des braderies. L'éventaire de ce marchand qui vend tout à 1 franc, est très entouré. (ici, à Lille)

 

 

II - DU BANQUIER LAW A M. GEORGES BONNET*

 

Le XVIIIe siècle fut malheureux. S'il le fut c’est que précisément les guerres du siècle précèdent avaient ruiné l'Etat et que le Régent, pour redorer le Trésor, dut recourir au système de Law, dont les effets se répercuteront pendant plus de soixante ans et provoqueront finalement la Révolution Française.


Quand les mineurs du Nord gagnaient 1 Fr par jour
Au XIXe siècle, le machinisme, libère des contraintes corporatives, fait baisser les prix de revient de 30 %. Le sucre passe de 12 Fr. le kilo à 8 Fr ; le riz de 64 Fr le quintal à 28 ; le café, de 443 à 173 ; la fonte, de 30 à 8 Fr ; la houille de 54 à 24 ; le coton de 350 à 170. Par contre, le froment ne s’ éloigne guère de 25 Fr, l'orge double de prix et l'avoine triple le sien. Les salaires, sous l'effet des revendications ouvrières, augmentent, et en 1899 ils avaient quadruplé. Sous Napoléon 1er, un ouvrier gagnait 1 Fr 20 par jour ; un ouvrier nourri - ce qui était courant - gagnait 0 Fr 50et une fille de ferme 0 Fr. 15. Sous Louis-Philippe, les tarifs montent à 4 Fr par jour à Paris pour l'ouvrier non nourri et à 2 Fr 50 en province. Mais les mineurs du Nord vivent misérablement avec 1 Fr par jour...

 

Le repas à prix fixe pour 0 Fr 80

En 1834, la Bourse est inaugurée. Elle coûta 10 millions de francs. En 1842 fonctionne de façon régulière le chemin de fer de Saint-Etienne à Lyon. Pour quatre heures de trajet on demandait dans les quatre classes : 4, 5, 6 et 7 Fr. Sous le Second Empire une robe de parade se facturait 800 Fr. Dans un restaurant ordinaire on mangeait un plat de viande pour 30 centimes, un plat de légume pour 0 Fr 15 et on buvait la demi-bouteille de bordeaux contre 2 sous. Le repas à prix fixe le plus courant se payait 0 Fr 80. On faisait un bon dîner pour 1 Fr 15 et, si l'on voulait s'offrir un repas de grand luxe, il fallait le payer 4 Fr.

 

La révolution du machinisme
Mais laissons cette époque heureuse et venons-en à l'autre bon vieux temps, celui d’avant-guerre. C'est un bon vieux temps plus cher que le précèdent. Une révolution, a dit Napoléon, part de l'excès pour y revenir. La révolution du machinisme, après avoir fait le bonheur du XIXe siècle, tombe dans les excès de la surproduction ( mévente, chômage, déficits, sous-consommations, manque de monnaie, dévaluations) et cause les premiers ennuis du XXe siècle. Les prix montent lentement avant la grande guerre et de façon vertigineuse ensuite. Le fauteuil qui se payait 20 sous à Bataclan vers 1865, se loue 2 Fr en 1910. C'était l'année où Mme la Présidente, par mesure d'économie, faisait sécher son linge dans les jardins de l'Elysée. Un cocher de fiacre exigeait 2 Fr de l'heure. Un bistro versait un café tasse contre 10 centimes non troués, un double-bock pour 0 Fr 25. Et si le jeune homme chic emmenait son amie au Café de Paris, on leur servait pour 15 Fr : des hors-d'œuvres russes, du homard Thermidor, une selle de pré salé avec des pommes, puis un aloyau de caneton froid à la rouennaise, des cœurs de laitues, des aubergines, une glace et des couques. Le cigare Flor Fina coûtait 15 centimes.


Une consolation
Vint la guerre Comme après celle de Cent Ans, celles de Louis XIV et de Napoléon, les trésors furent déficitaires. Avec les dévaluations secrètes ou avouées arrivèrent les hausses de denrées, et avec elles la hausse des salaires, la journée de huit heures et comme conséquence de nouvelles hausses de denrées, puis de nouveau la hausse des salaires... dans le cycle infernal où le monde s'acharne à vouloir diminuer des prix qu'il s'évertue à faire monter sans cesse.. Toutefois, ne médisons pas des temps présents avec trop de rigueur. Pour apprécier l'augmentation du coût de la vie, on doit tenir compte de la différence de valeur des monnaies...

 

Cela peut-il nous consoler ?

 

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M. Bonnet était le ministre des finances de l'époque

 

 

Au marché de la place du Concert à Lille, les marchands ont le sourire malgré tout

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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