ACCUEIL | L'HISTOIRE | 20 JUIN 1791 - LA NUIT DE VARENNES |
Le 20 juin 1791, de nuit et sous un déguisement, Louis XVI et sa famille quittent lepalais des Tuileries. Il laisse imprudemment derrière lui une déclaration à son peuplequi donne pour raison à sa fuite l'état de captivité où selon lui l'a réduit la nouvelle organisation du pouvoir. On connaît la suite. Comme il s'apprêtait à rejoindre dans l'est du pays des troupes restées fidèles et destinées à assurer sa restauration sur le trône, il est arrêté à Varennes et ramené à Paris avec les siens, sous l'œil vigilant des commissaires envoyés par l'Assemblée à sa rencontre.
La première idée des responsables politiques attachés au principe de la monarchie constitutionnelle est de répandre le bruit que le monarque a été enlevé. Mais la vérité éclate vite et le roi est temporairement "suspendu" puis rétabli un mois plus tard dans son inviolabilité et toutes ses prérogatives. Il est clair pourtant qu'il y a eu abandon de poste, volonté de détruire, au mépris des nouvelles lois, tous les acquis de 89, menace de guerre civile. Que faire d'un tel présumé coupable? A tout le moins, si l'on entend sauver la fonction monarchique, réclamer l'abdication. Mais en faveur de qui? Le dauphin est bien jeune et une régence de Marie-Antoinette, l'Autrichienne, n'a guère de chance de s'imposer. Messieurs les frères du roi? Le comte d'Artois a déjà émigré, le comte de Provence vient à son tour de partir. Alors le duc d'Orléans? Il a bien mauvaise réputation. D'ailleurs il sera régicide. Ou changer de dynastie, comme ce fut le cas en Angleterre? Les monarchiens, comme on les appelait, ont sans doute commis une lourde faute en maintenant à l'exécutif un responsable si peu enclin à collaborer avec eux, si obstinément porté à faire de l'obstruction en recourant au droit de veto.
La passion du roi
Louis XVI a du courage et de la dignité, mais ce n'est pas un grand politique comme son ancêtre Henri IV affronté jadis à une situation tout aussi difficile; aucun grand ministre non plus n'est là pour le seconder comme aurait pu l'être Mirabeau, mort trop tôt. Ses conseillers et ceux de sa femme sont plus doués pour l'aventure mêlée d'amour que pour les desseins d'envergure. D'une part, rejeton d'une antique dynastie, Louis ne veut rien céder de son pouvoir absolu hérité de Louis XIV: l'Etat, c'est lui. D'autre part, monarque de droit divin, il ne peut supporter de voir son Eglise intégrée à l'Etat alors que sa foi chrétienne, formelle ou réelle, est si vive. Dans la mesure même où sa résistance est perpétuellement battue en brèche, il hésite, se contredit, il baisse les bras, il se prépare à un destin de martyr - et certes il ne s'est pas trompé. La déclaration citée plus haut ne comporte pas moins de cinq allusions au sacrifice dans les deux premières pages. Et l'on notera que le royaliste Peltier évoque ainsi la journée du 20 juin 1792 où le peuple envahit les appartements des Tuileries: "... Pour que sa passion fût plus ressemblante encore à celle du Roi des Rois, il demanda un peu d'eau pour se rafraîchir, comme le Christ; et, comme le Christ, on ne put lui procurer qu'un peu d'eau bourbeuse, avec laquelle il se désaltéra." Louis XVI en est réduit à mener une politique au jour le jour d'obéissance apparente à la promulgation des décrets, aux conseils de ses partisans - Mirabeau, Barnave, le girondin Brissot - et de trahison à leur égard par sa correspondance attestée avec l'émigration et l'étranger. Il ne faut rien d'autre qu'essayer de gagner du temps en vue d'un retour à l'Ancien Régime, ce qui met les tenants d'une monarchie nouvelle parlementaire dans une situation intenable et qui exaspère ceux qui, plus ou moins consciemment, souhaitent l'instauration d'une république soit par conviciton, soit par lassitude de tant de tergiversations. Les occasions de conflit ne manquent pas: l'attitude réfractaire de la noblesse d'épée dont on peut craindre la défection aux armées, et réfractaire aussi des prêtres qui avec leurs ouailles multiplient les provocations envers leurs collègues assermentés qui, d'ailleurs, s'empressent de leur rendre la pareille. L'erreur girondine de la déclaration de guerre, qui nourrit les espérances contradictoires de la Cour et d'une partie de l'Assemblée avant les premiers revers aux frontières, vient donner le coup fatal d'accélérateur. Ceux qui veulent terminer honorablement leur travail de régénération sont coincés entre l'attitude cauteleuse du chef de l'exécutif et le smouvements populaires parisiens. Le pouvoir a été arraché aussi bien au roi qu'à l'Assemblée législative. A peine instituée, la constitution ne fonctionne plus. La situation est bloquée et pour sortir de l'impasse rien ne s'offre plus que le recours à la violence, soit le coup d'Etat avorté de La Fayette en faveur de la royauté, soit la prise des Tuileries contre cette royauté. Entre ces deux événements, l'arrestation du souverain à Varennes et sa chute du 10 Août, le rêve des modérés monarchiens sera enterré. Comme il va l'être encore tout au cours du XIXe siècle, de la Charte de Louis XVIII à l'arrivée au pouvoir de Louis-Philippe d'Orléans, pourtant roi des Français, titre que Louis XVI portera si peu de temps ! Et jusqu'à l'entêtement du comte de Chambord, à deux doigts d'accéder au trône s'il ne s'était pas obstiné à vouloir rétablir le drapeau blanc.
La proclamation oubliée
La France n'est ni un pays nordique, ni un pays marqué par le protestantisme comme les modèles américain ou anglais. Sa révolution n'a donc pu rayonner par la vertu du réformisme, mais dans les convulsions elle a préféré accoucher de la République, reçue des mains des Anciens et offerte au monde comme la quintessence de l'esprit français durant tout le XIXe siècle et jusqu'à nos jours. Il est tout de même étonnant que le régime actuel de la France, qui se dit républicain, montre si peu d'empressement à célébrer la proclamation de la République, le 21 septembre 1792, après avoir couvert de gadgets publicitaires l'anniversaire du 14 juillet 1789; insiste si peu sur le naufrage de l'Ancien Régime dont Tocqueville, tout en le regrettant, a si bien vu qu'il était définitif. Etonnant, vraiment? "Jamais peut-être la démocratie française", écrit François Furet qui, voici trois ans, fut pourtant le chantre de la révolution dite achevée, "dans son fonctionnement, dans ses mécanismes de décision n'a été si oligarchique..."
Par Georges Piroué (publié en 1992)
le Roi est reconnu à Varennes
le retour du Roi
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