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Après la catastrophe de la centrale de Tchernobyl dans la nuit du 25 au 26 avril 1986 :
Deux morts, 200 morts ou 2000 morts? Un ou deux réacteurs en fusion ? La catastrophe de Tchernobyl a donné lieu mercredi à une controverse sur les bilans et les dégâts, mais a surtout provoqué une irritation croissante des Occidentaux devant le mutisme de Moscou qui empêche les pays limitrophes de prendre les mesures éventuelles pour assurer la protection de leur population.
Devant la propagation des radiations sur plus de 1600 km, plusieurs pays européens ont pris des mesures. En Suède, la population a été invitée à ne pas boire l'eau de pluie, en Autriche, les parents ont été priés de garder les enfants chez eux et en Pologne, un traitement a été prodigué aux bébés dans les centres médicaux.
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A Tchernobyl, cinq jours après l'accident, le graphite brûle toujours. Non seulement un des trois réacteurs aurait fondu, mais un deuxième aurait explosé, soufflant le toit de la centrale et faisant s'écrouler des pans de murs. Les autorités soviétiques ont fait évacuer la population dans un rayon de 30 km, confirmant ainsi bien malgré elles que c'est une catastrophe majeure qui s'est produite en Ukraine. Si le vent n'avait pas poussé le nuage radioactif vers la Scandinavie, la tragédie aurait été classée - comme les deux précédentes en 1957 et en 1973 - "secret d'Etat". Car, comme ironisait hier un confrère français, "la vie du peuple soviétique est trop sérieuse pour qu'il puisse en prendre connaissance".C'est un fait : à l'Est, seuls lesresponsables doivent savoir. Et se taire. Entre l'Est et l'Ouest, il y a deux mondes. Alors que le premier a pris la manie de tout dissimuler, (en particulier ses échecs), le second ne fait aucun mystère des épreuves qu'il doit endurer.
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extraits de presse publiés en Suisse (avril 1986).
Ce n'est que le 28 avril au matin que les pays occidentaux auront connaissance de la catastrophe. En France, Pierre Pellerin, directeur du Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants (SCPRI), déclare qu'il n'y a pas de risques pour la santé publique... On dira alors, non sans humour, que "le nuage s’est arrêté aux frontières".
On pouvait lire le 31 mai 1986:
Le bilan provisoire de la catastrophe de Tchernobyl s'élève désormais à 23 morts, 35 blessés restant dans un état préoccupant, a indiqué vendredi à Moscou le médecin américain Robert Gale.
Le spécialiste de greffes de moelle osseuse a estimé par ailleurs que 45 autres personnes hospitalisées étaient dans un état grave mais n'étaient pas considérées comme en danger de mort. Le Dr Gale a précisé qu'il se rendrait lundi et mardi à Tchernobyl, à proximité de la centrale nucléaire accidentée. Son séjour en URSS est prévu jusqu'à la fin de la semaine prochaine, a-t-il dit.
Par ailleurs, sur les 299 personnes irradiées qui ont été hospitalisées après l'accident de Tchernobyl, 130 ont pu quitter l'hôpital, a déclaré vendredi le Dr Angelina Guskova, chef du service de radiologie de l'hôpital où une grande partie des victimes ont été soignées. La spécialiste soviétique a révélé que deux femmes au moins figuraient parmi les patients admis à l'hôpital.
Un premier sarcophage fut construit en 1986 pour "recouvrir" l'usine. En 2016, l’Ukraine a formellement reconnu 35 000 décès directement liés à Tchernobyl.
article publié le 30 juillet 1987 dans un quotidien suisse :
Jugement de Tchernobyl (juillet 1987)
L'ancien directeur de la centrale nucléaire de Tchernobyl, Viktor Brioukhanov et deux de ses adjoints ont été condamnés à dix ans de camp chacun, mercredi (note : 29 juillet 1987) par un tribunal de la Cour suprême d'URSS siégeant dans cette ville ukrainienne. Les trois autres accusés au procès, qui avait débuté le 7 juillet, se sont vu infliger des peines de cinq, trois et deux ans de privation de liberté. Il s'agit de Boris Rogochkine, responsable du réacteur-4 au moment de l'accident, Alexandre Kovalenko et Youri Laouchkine. Brioukhanov, l'ancien ingénieur en chef Nikolaï Fomine et son adjoint Anatoli Diatlov ont été déclarés coupables de violation des règles de sécurité à la centrale, où une explosion, le 26 avril1986, a fait trente morts, selon des données fournies au cours de l'audience.L'ancien directeur a également été condamné à cinq ans de camp pou rabus de pouvoir, mais il a bénéficié d'une confusion de peines. Rogochkine a lui aussi été frappé d'une deuxième peine, de deux ans de prison, confondue avec la première, pour "négligence dans l'exercice de ses responsabilités". Un seul des inculpés, Laouchkine, n'était pas poursuivi aux termes de l'article 220 du code pénal d'Ukraine, sanctionnant les violations de règlements et de la sécurité dans les entreprises où existe un risque d'explosion. Il a été condamné en vertu de l'article 167 pour "négligences dans son travail". Les trois premiers accusés avaient été incarcérés après l'accident, les trois autres ayant continué à travailler à la centrale, à des postes non précisés.
Le procès s'était déroulé à huis clos. Seul un groupe d'une dizaine de journalistes étrangers avait été autorisé àassister à son ouverture et un autre à l'ultime séance.La lecture des attendus du jugement a duré une heure et demie. Les six accusés, qui avaient fait leurs dernières déclarations lundi, ont écouté la sentence la tête baissée et sans émotion apparente. Seul Fomine a ôté à plusieurs reprises ses lunettes pour s'éponger le front. Cet ingénieur a lui-même souffert de radiations et son hospitalisation jusqu'à la fin avril a retardé le procès d'un mois, a révélé le juge. Dans une salle comble à l'atmosphère lourde, plusieurs proches parents des accusés ont fondu en larmes à l'énoncé du verdict. Le juge s'est livré à un réquisitoire des plus sévères contre l'incurie et le laisser-aller régnant à Tchernobyl avan tla catastrophe la plus grave du nucléaire civil. La centrale, a-t-il dit en substance, était mal gérée. La discipline laissait beaucoup à désirer, les employés allant jusqu'à jouer aux cartes ou aux dominos et à faire leur courrier durant leurs heures de travail.
Un premier sarcophage fut construit en 1986 pour "recouvrir" l'usine. En 2016, l’Ukraine a formellement reconnu 35 000 décès directement liés à Tchernobyl.
De gauche à droite, Viktor Brioukhanov, Anatoli Diatlov et Nikolaï Fomine, qui ont été condamnés à dix ans de camp.
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Les enfants en bas âge auraient été les plus touchés (photo publiée en 1986)
Les radiations dans les pays "voisins" ont été sous estimées à l'époque, peut-être pour éviter des mouvements de panique en Europe. Peu de temps après la catastrophe, on pouvait lire en Suisse en 1986:
En Allemagne fédérale, les valeurs-limites adoptées ont été 8 fois et en Autriche 20 fois plus sévères. Alors qu'en Allemagne, le lait présentant une radioactivité de 500 becquerels par litre était interdit à la vente, la Commission fédérale pour la protection atomique et chimique (COPAC), a considéré que les Suisses pouvaient boire sans restriction un lait dont la radioactivité atteignait 3700 becquerels !
Et en France ?
Surprenant quand même que les maladies de la thyroïde ont été en forte augmentation les années qui suivirent...
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10 ans après (article publié en 1996)
Le 26 avril 1986, le réacteur numéro quatre de la centrale nucléaire de Tchernobyl explosait, projetant dans l'atmosphère plusieurs tonnes de combustible irradié. Dix ans après, un journaliste de l'Associated Press, Dave Carpenter, a rencontré des témoins de la plus grande catastrophe de l'histoire du nucléaire civil et visité les installations encore en activité.
A Pripiat, à trois kilomètres de la centrale, portes et volets claquent dans le vide, le long des rues enneigées. C'était autrefois une ville modèle que ses 50.000 habitants ont abandonnée à jamais.
- C'esf vraiment terrifiant la nuit, frissonne Nikolaï Rey, un policier en faction à l'entrée du no man's land. Les loups et les renards sortent, et chaque bruit résonne dans toute la ville.
Mais Nikolaï frémit surtout en pensant au tueur invisible qui rôde autour de lui.
- Tchernobyl peut tuer quelqu'un lentement, et vous ne savez pas quand ça vous attrapera et où, dit Liza Aoulina, directrice de l'Association des victimes de Tchernobyl. Sur des dizaines de milliers de kilomètres carrés, les radio-éléments rejetés dans l'atmosphère se sont infiltrés dans le sol, les forêts, l'eau.
Vladimir Afonichkine, 55 ans, était un des 600.000 "liquidateurs" chargés des opérations de nettoyage.
- Les gens étaient dans un état terrible, ils pleuraient. Ils ne savaient pas ce qui arrivait, mais ils devinaient avoir tout perdu.
Irradiés sans rémission
A Kiev, à 120 km au sud-est, les habitants se souviennent comment les oiseaux se sont arrêtés de chanter. Dans les heures qui ont suivi l'explosion, le Dr. Viktor Klimenko, de Kiev, s'est précipité à Tchernobyl. Des hommes, des femmes et des enfants se lavaient les cheveux, tentant de se débarrasser de la radioactivité. Certains regardaient du haut de leur balcon, à Pripiat, l'incendie de la centrale, sans se douter du danger silencieux. Ils ont été irradiés sans rémission.
- Les enfants avaient de la poussière radioactive dans les cheveux, sur la peau, raconte le médecin. Pendant plusieurs jours, le simple fait de respirer était douloureux. Comme si vous aviez du poivre sur les amygdales. Le colonel Viktor Jelayev, ancien pilote d'hélicoptère, a effectué des dizaines de vols au-dessus de la centrale pour mesurer la radioactivité. Cet homme de 58 ans est aujourd'hui leucémique. La plupart des autres pilotes qui travaillaient avec lui sont morts. Lui peut à peine marcher.
- Je me sentais une obligation morale de le faire, dit-il de son lit d'hôpital. Bravant le danger, quelques centaines de personnes, pour la plupart des retraités, sont revenus habiter dans la "zone morte" de 30 km autour de la centrale.
- Nous n'avons plus assez de santé pour nous inquiéter des rayonnements, remarque Ivan Khomenho en haussant les épaules.
Une question d'argent
Lui et son épouse, dans leur petite maison de Chzeganka, sont les seuls habitants d'un village qui en comptait autrefois 600.
- C'esf notre maison. Pour les 5000 employés de la centrale de Tchernobyl, dont deux réacteurs fonctionnent encore, c'est simplement une question d'argent. Les techniciens de la salle de contrôle peuvent gagner jusqu'à 500 dollars par mois, dix fois le salaire moyen en Ukraine, et ils sont payés directement en billets verts.
- Travailler ici, c'est un peu risqué, admet Valéry Zakharov, 50 ans, employé à Tchernobyl depuis 1977. Mais comment ne pas travailler ici, avec un tel salaire?.
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Le 18 juillet 1986, le "Walliser Bote" un quotidien suisse alémanique, nous montrait la photo d'un champagne "Tschernobitz 1986". Un autre quotidien suisse, en langue française, publiait également la photo avec la légende :
Tchernobyl inspire l'humour noir. Après l'annonce, parue dans un quotidien suisse allemand, du décès de M. Tchern O'Byl (c'était un canular des écolos), voici le Champagne Tschernobitz. C'est une maison d'importation zuricoise qui en a eu l'idée. Pour ceux qui n'auraient pas tout à faitcompris, l'étiquette porte la mention "Attention radioactif"! Kolossalhumour...
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Avril 2011 : en Ukraine, on commémorait les 25 ans de la catastrophe de Tchernobyl
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