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Le 10 juillet 1976, un nuage d'herbicide, contenant de la soude caustique et de la dioxine, s'échappe durant vingt minutes d'un réacteur de l'usine chimique ICMESA, située dans la commune de Meda, et se répand sur la plaine lombarde en Italie.
Le nom a été donné à une "directive Seveso" de l'Union Européenne en 1982, imposant aux États membres d'identifier les sites industriels présentant des risques d'accidents majeurs. Elle sera remplacée par d'autres directives dont la dernière datant de 2012, la "directive Seveso 3".
Extraits d'articles publiés en 1976 peu après la catastrophe :
Le nuage, qui sème la panique aussi bien que la maladie à Seveso, un village industriel à 21 kilomètres de Milan, est dû à une fuite de trychlophenol dans une usine de la société suisse ICMESA. Il s'agit d'une substance très toxique utilisée pour les défoliants. L'accident provoqué par une explosion pendant des travaux d'entretien il y a 11jours maintenant, a entraîné nous l'avons dit l'arrestation de M. Erwig Zwehl, le directeur allemand d'ICMESA, et de M. Paolo Poletti, le directeur italien de la production. Au total, 28 personnes, dont plusieurs enfants, ont dû recevoir des soins. Le nuage a également contaminé les légumes et le feuillage et plusieurs dizaines d'animaux, surtout des lapins, sont morts. Les habitants de ce village s'inquiètent des effets à long terme de la pollution. "Mes poules ne pondent plus depuis que le nuage est là", a déclaré M. Invernizzi, qui a envoyé sa femme et ses deux enfants chez des amis qui vivent au loin. "Ce genre de produits utilisés pour des défoliants est extrêmement dangereux pour les êtres humains et les animaux", a déclaré le professeur Giorgioghetti, de l'institut de la santé de Milan. "Fort heureusement, la quantité de gaz qui s'est échappée n'est pas excessive. Le danger est néanmoins grand. Un autre problème est que nous ne pouvons pas détruire le nuage. Nous ne pouvons qu'attendre qu'il retombe à terre.", a-t-il ajouté. Selon les médecins, les personnes hospitalisées sont dans un état satisfaisant, et, depuis 24 heures, aucune nouvelle hospitalisation n'a été enregistrée. "Cela devrait signifier que les effets du nuage s'estompent mais nous avons fait face et nous faisons peut-être encore face à un grand risque", a déclaré un membre de la municipalité de Seveso. L'ICMESA, qui emploie 170 personnes, restera fermée jusqu'au 30 août.
publié le 23/07/1976
Le Conseil des ministres italien a approuvé un décret-loi en faveur de Seveso assorti de mesures financières de quarante milliards de lires (120 millions de francs suisses) pour faire face aux premières nécessités. Le décret-loi prévoit notamment des contrôles sur les terrains et les cours d'eau, des opérations dans la zone, des mesures d'assistance sanitaire à la population et d'aide économique. S ur la liste des personnes contaminées par la dioxine est venue s'ajouter le maire de Cesano-Maderno, l'une des bourgades touchées par le nuage de l'usine ICMESA. M. Nevino Giaomini,56 ans, social-démocrate, souffre selon les examens médicaux de difficultés hépatiques et le nombre de ses globules blancs a augmenté tandis que celui de ses globules rouges a diminué. D'autre part, la commission médicale réunie à Milan n'a pas pris de décision sur la question de l'avortement et elle s'est bornée à confirmer que la dioxine comporte des risques de malformation pour les nouveau-nés. Enfin, le nouveau ministre du travail, Mme Tina Anselmi, a nommé une commission d'enquête qui devra établir la cause exacte de l'échappement du gaz toxique de l'usine ICMESA le 10 juillet dernier. "L'affaire de Seveso est unique, car il n'avait jamais été procédé jusqu'à présent à des études des effets de la dioxine sur les femmes enceintes, a déclaré le Dr Fara, de l'Institut d'hygiène de l'Université de Milan. Il existe toutefois une possibilité de malformation du fœtus". Il a révélé que six femmes de Seveso étaient hospitalisées à Milan pour des examens complémentaires. D'après certains milieux, trois femmes au moins auraient déjà subi un avortement thérapeutique, mais les autorités n'ont pas confirmé l'information. On apprend par ailleurs que la Municipalité de San-Remo a décidé d'interdire les baignades dans une dizaine d'établissements balnéaires de la ville, en raison de la forte proportion de bactéries dans la mer en bordure des plages.
publié le 11/08/1976
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Une équipe de spécialistes, quelques jours après la fuite de dioxine, traquant des animaux intoxiqués.
Dix ans après le relâchement accidentel de quelques centaines de grammes de dioxine à l'usine ICMESA, Seveso semble être une ville italienne comme les autres. Pourtant, les conséquences de la catastrophe restent sensibles : les travaux de décontamination ne sont pas terminés et les craintes de la population ne sont pas effacées. Le 10 juillet1976 reste dans les mémoires des quelque 18.000 habitants de la petite ville située à une trentaine de kilomètres de la frontière suisse. Outre les questions de santé, les suites judiciaires de l'accident continuent d'être discutées. Hoffmann-La Roche, le groupe bâlois propriétaire de l'usine d'où s'échappa le puissant toxique, a versé jusqu'ici près de 300 millions de francs suisses au titre des réparations, mais il n'est peut-être pas au bout de ses frais. Le Comité pour la défense des victimes de la dioxine a en effet l'intention de revenir devant la justice pour exiger de nouveaux dédommagements.
AFFECTIONS DE LA PEAU
Dans la zone A de Seveso - celle qui fut le plus fortement contaminée - une petite colline plantée d'arbres remplace maintenant la gigantesque fosse où près de 250.000 mètres cubes de matériaux contaminés ont été enfouis. L'accès de l'endroit n'est pas encore autorisé au public. Quelle quantité de dioxine s'échappa-t-elle du réacteur défectueux d'ICMESA ? Selon Hoffmann-La Roche, la quantité de toxique était de l'ordre de quelques centaines de grammes. De leur côté, les autorités italiennes ont parlé d'un demi-kilo. Dès fin juillet 1976, les premières affections de la peau se manifestèrent. Des quelque 200 personnes touchées, les trois quarts étaient des enfants qui jouaient en plein air au moment de l'accident; 3300 animaux divers périrent; 70.000 autres durent être abattus. Les quelque 220.000 habitants de la région concernée furent soumis à un programme de surveillance mais, hormis une acné spécifique, aucune affection grave ne fut découverte. Le programme de surveillance se poursuivra néanmoins jusqu'en 1997, notamment pour déterminer si la fréquence des tumeurs malignes dépasse la normale. Selon M. Giuseppe Reggiani, ancien chercheur chez Hoffmann-La Roche à Bâle qui a suivi de très près toute l'affaire, il apparait que la dioxine n'est certainement pas, pour l'homme, le très violent toxique qu'on le soupçonnait d'être. A son avis, l'absorption d'une dose d'une centaine de nano-grammes (milliardièmes de gramme) semble rester sans conséquence.
FAMEUX FÛTS
Le réacteur dont une soupape de sûreté avait sauté, pesant près de 2 tonnes et contenant encore près de 600 grammes de dioxine, a fini dans 41 fûts spéciaux. Après un "voyage" à travers l'Europe qui fit scandale à l'époque, ces fûts furent retrouvés en France puis stockés à Bâle où leur contenu a été détruit dans un four spécial, l'année dernière, sous la surveillance d'une commission fédérale d'experts.
Article publié en 1986 (Suisse)
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Noël 1976
Le visage bandé pour la chloracné d’exposition à la dioxine, la petite Stefania Senno est le symbole de la tragédie de Seveso.
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