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CLOVIS APRÈS SA CONVERSION
La conversion de Clovis eut un grand retentissement dans le monde entier. Si les hérétiques, les schismatiques, les ennemis du Christ s’en inquiétèrent à bon droit, tous les enfants de l’Eglise s’en réjouirent, comprenant qu’elle était le prélude de conquêtes magnifiques pour la vraie foi.
Le pape Anastase II, qui régnait alors, tint à féliciter lui-même le nouveau baptisé; dans une lettre toute paternelle, il le nomme : la couronne, le souhen, l’enfant chéri de la sainte Eglise catholique. A l’exemple du Souverain Pontife, les évêques s’empressèrent d’envoyer des messages à Clovis pour lui témoigner leur joie; l’un d’eux, saint Avit, termine ainsi sa belle épîlre : "Partout où vous combattez, c’est nous qui remportons la victoire." N’était-ce pas reconnaître le nouveau chrétien pour le vrai champion de Dieu? Clovis fut extrêmement sensible aux marques d’estime et de confiance que lui donnaient les princes de l’Eglise; il s’efforça de s’en rendre digne, s’employant à seconder de son mieux les évêques, toutes les fois qu’il le put.
L’empereur d’Orient, lui ayant fait remettre une merveilleuse couronne d’or, le roi franc, afin de témoigner son amour filial et sa soumission au chef de l’Eglise, lui fit don de ce diadème, qui devint la première des trois couronnes de la tiare pontificale. La seconde fut ajoutée par Boniface VIII qui, longtemps protonotaire apostolique en France, était resté chanoine de Lyon et de Paris. La troisième compléta les deux autres par les soins du pape français Jean XXII, originaire de Cahors. C'est donc la France qui eut l’honneur de former la tiare des Papes, couronne officielle de l’Eglise.
La grâce du saint baptême avait amélioré déjà la rude nature du farouche guerrier. Presque aussitôt après la mémorable cérémonie de Reims, Clovis rendit la liberté à tous les Alamans faits prisonniers à Tolbiac. C’était là un acte de clémence inouï dans ces temps barbares où la devise de guerre était ces mots cruels : Malheur aux vaincus! En l’accomplissant, le monarque donnait un grand exemple au monde païen, il substituait aux sauvages coutumes franques la morale du Christ : Aimez-vous les uns les autres.
Est-ce à dire que Clovis, une fois baptisé, devint parfait ? Non, certes! Dieu, en lui donnant par sa grâce les moyens de se sanctifier, ne lui avait pas enlevé l’effort de ce tavail et n’avait pas supprimé ses instincts barbares. Nous restons toujours libres de choisir entre le bien et le mal. Il est certain que le vainqueur de Tolbiac commit de lourdes fautes; emporté par son ambition, il oublia plus d’une fois les plus simples lois de la justice. C’est ainsi que d’après certains auteurs, pour s’emparer de leurs Etats, il se serait débarrassé de plusieurs rois voisins, ses parents; mais ces faits ne sont pas démontrés.
D’ailleurs, de très sérieux historiens placent ces crimes avant le baptême de Clovis, mais, eussent-ils été commis après sa conversion qu’ils ne pourraient aucunement faire suspecter la sincérité de celle-ci. L’œuvre de transformation, à moins d’un miracle, ne s’accomplit pas en un jour, et les longues habitudes barbares de Clovis et de sa race devaient quelquefois reparaître.
GUERRE CONTRE LES BURGONDES
Clovis s’était donné une double tâche; comme chrétien, il ambitionnait de conquérir de nouveaux adorateurs au Christ; comme roi, il rêvait d’étendre ses conquêtes et de réunir sous son sceptre les différents Etats qui partageaient la Gaule.
Sa première campagne fut dirigée contre les Burgondes, gouvernés par Gondebaud ; elle eut un bon résultat: Gondebaud s’engagea à payer un tribut et à devenir plus tolérant pour les catholiques. Il permit même à son fils Sigismond d’abjurer l’arianisme et d’embrasser la vraie foi. La Burgondie (Bourgogne), tout en conservant son indépendance, fut, en quelque sorte, vassale des Francs tant que vécut Gondebaud.
BATAILLE DE VOUILLÉ (507)
Au sud de la Loire s’étendait le royaume des Wisigoths, ayant Toulouse pour capitale. Ce peuple, comme nous l’avons vu, était, lui aussi, originaire de Germanie; il avait abandonné le paganisme, mais pour devenir arien.
Depuis un certain temps déjà, Clovis nourrissait un profond ressentiment contre Alaric, roi des Wisigoths, qui, à deux reprises différentes, s’était prononcé contre lui pour ses ennemis. D’autre part, Alaric ne se faisait aucun scrupule de maltraiter les catholiques et de molester les évêques. Peu à peu, la situation de ces derniers devint si dilficile que Clovis n’hésita pas à leur porter secours. Deux infâmes trahisons, dont Alaric se rendit coupable vis-à-vis des Francs, précipitèrent les événements : la guerre fut déclarée.
— Il me déplaît, s’écria Clovis, de voir ces hérétiques maudire mon Dieu et occuper les plus belles provinces des Gaules. A moi, mes Francs ! En avant contre l’arianisme ! En avant, au nom du Seigneur ! Cette guerre était fort périlleuse, car les Wisigoths, excellents soldats, dépassaient en nombre ceux de Clovis. En bon chrétien, il voulut donc attirer sur sa campagne les bénédictions du ciel. Ayant compris, à Tolbiac, que, sans l’appui de Dieu, les forces humaines sont peu de chose, il demanda des prières à saisnte Geneviève ainsi qu’à tous les évêques, puis il fit de riches offrandes aux églises et aux indigents.
Ce fut près de Vouillé qu’eut lieu la décisive rencontre. Les deux armées étant en présence, Clovis fit le signe de la croix sur la sienne, et s’écria :
— Au nom du Seigneur, en avant ! Le choc fut terrible; le sang rougit la terre, et les morts s’entassaient sous les pieds des chevaux. Clovis, comme un lion, se jetait toujours au plus fort de la mêlée.
Tout à coup les deux chefs se trouvent en piésence; dans un combat singulier ils s’attaquent, tandis que leurs armées les regardent en silence. Après une lutte acharnée, Clovis, d’un coup de hache, fait voler en éclats la cuirasse dorée d’Alaric, tranchant à la fois son menton et son épaule gauche. A ce moment, quelques Wisigoths volent au secours de leur roi; ils entourent Clovis, le menaçant de leurs lances; mais le roi franc triomphe encore de ces agresseurs imprévus et, se penchant sur AIaric, le saisit par les cheveux et lui tranche la tête.
Les Wisigoths, épouvantés, abandonnant leurs armes, prirent la fuite et se réfugièrent en Espagne (507).
Cette grande victoire augmenta d’un vaste territoire les possessions franques, dont les frontières furent reculées jusqu’à la Provence. Le pays des Arvernes — l’Auvergne actuelle — fut annexé au royaume.
Après un séjour à Bordeaux et à Tours, Clovis se rendit à Lutèce (Paris) dont il fit dès lors sa capitale.
En reconnaissance de sa victoire sur les Wisigoths, il construisit plusieurs monastères ainsi que la basilique dédiée aux saints apôtres Pierre et Paul, édifiée sur le mont Lutèce (emplacement du Panthéon actuel) et qui fut ensuite consacrée à la mémoire de sainte Geneviève.
LA LOI SALIQUE
Il ne suffisait pas à Clovis de gagner des royaumes, il devait, pour garder ses conquêtes, être un législateur. Aussi, après sa campagne contre les Wisigoths s’employa-t-il de son mieux à réformer la loi salique (loi des Francs-Saliens) qui avait jusque-là gouverné lesFrancs.
La situation était changée. Clovis n’avait plus seulement affaire à une tribu franque, mais à une nation composée d’éléments bien divers; en plus, au lieu de païens barbares, ses sujets étaient des chrétiens. Il y avait donc de grandes modifications à apporter aux lois. Il chargea de ce travail les hommes les plus sages de son royaume. L’œuvre fut longue, difficile. Enfin achevée et divisée en 81 titres, elle fut approuvée par Clovis et promulguée devant la nation réunie.
Ce fut un beau spectacle que celui de ce peuple, écoutant religieusement la lecture de la loi nouvelle tout imprégnée d’esprit chrétien, la sanctionnant à son tour de ses acclamations et jurant, sur ses étendards, de lui rester toujours fidèle.
Il serait trop long de donner ici même un aperçu de la loi salique; signalons seulement l’article célèbre, demeuré encore en vigueur, et qui excluait les femmes du trône, car, disait-il, le royaume de France ne doit pas tomber de lance en quenouille. Nous ne pourrions, cependant, passer sous silence le magnifique début de la loi qui constitue le pacte sacré de la France avec Dieu : "Vive le Christ qui aime les Francs l Qu’il garde leurs royaumes et remplisse leurs chefs de la lumière de sa grâce; qu’il protège leurs armées; qu’il leur accorde des signes qui attestent leur foi, les joies de la paix et la félicité. Que le Seigneur Jésus-Christ dirige dans les voies de la piété les règnes de ceux qui gouvernent, car cette nation est celle qui, brave et forte, secoua de sa tête le dur joug des Romains et qui, après avoir reconnu la sainteté du baptême, orna somptueusement d’or et de pierres précieuses les corps des saints martyrs, que les Romains ont brûlés par le feu, mutilés par le fer ou fait déchirer par les bêtes féroces..."
Par ces mots, les Francs proclamaient Jésus-Christ leur premier Souverain, lui confiaient leur avenir et leurs armées : ils se donnaient au Christ ! C’était un pacte sacré et, chaque fois que la France, dans le cours des siècles, l’a oublié, elle a été forcée de s’en repentir : jamais elle n’a été si prospère que lorsqu’elle a été fidèle.
DERNIÈRES ANNÉES ET MORT DE CLOVIS
Un des derniers actes de Clovis fut de prier les évêques de son royaume de se réunir en Concile au sujet des intérêts de la religion et des fidèles. Ce premier Concile national eut lieu à Orléans, en 511. Clovis y assista, et les 32 évêques présents, après avoir fait sanctionner par le Souverain Pontife les 81 articles canoniques (canons ou règles) de leurs décisions, les communiquèrent par déférence à Clovis. Il y ajouta sa signature, s’engageant ainsi à respecter et à exécuter les décisions de l’Eglise.
A quelques mois de là, Clovis, sentant sa fin approcher, partagea — suivant la regrettable coutume franque — son vaste royaume, entre ses quatre fils. Peu de jours après il mourut, à Paris, âgé seulement de quarante-cinq ans (511). Il fut pleuré de son peuple, et son corps fut inhumé dans cette basilique de Saint-Pierre et Saint-Paul qu’il avait fait édifier lui-même. Il y demeura jusqu’à la Révolution. Des mains sacrilèges vinrent alors jeter aux vents, avec les cendres de sainte Geneviève, celles de notre premier roi chrétien.
publication de 1913
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