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publication de 1978

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publication de 1960

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  Le 22 juillet 1996, on a émis deux millions de pièces en argent à l'effigie de Clovis et représentant, sous la devise républicaine, le baptême du roi des Francs par saint Rémi

 

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Clovis, aux origines de la France

article de Jean-Paul Bled, Professeur à la Sorbonne, publié en 1996 à l'occasion du 15O0e anniversaire du baptême de Clovis

 

On voulait croire que cette célébration susciterait un consensus national. Le roi franc à la longue chevelure blonde ne figurait-il pas en bonne place dans les manuels d'histoire de l'école primaire laïque et républicaine? Il fallait cependant être bien naïf pour nourrir cet espoir. Réunies dans un collectif Voltaire, les différentes familles de la gauche dénoncent à grands cris le parrainage apporté par le président de la République à cette célébration. Drapées dans la bannière de la laïcité, elles l'accusent de violer les principes de 1789 et la loi de 1905 de séparation de l'Eglise et de l'Etat. Ces réactions révèlent la permanence de vieilles crispations; elles mettent à nu un anticléricalisme qui n'a rien appris ni rien oublié; elles trahissent enfin une vision idéologique de l'histoire qui s'était déjà manifestée à l'occasion du bicentenaire de la Révolution française. On en revient toujours au même point. Pour cette école de pensée, la nation française naît en 1789. Tout ce qui précède, ou bien appartient aux ténèbres ou bien a préparé cette apparition de la lumière. A force d'éblouir, l'idéologie rend aveugle. La nation française est le produit d'une longue histoire aux racines millénaires. Quant au peuple français, il est la somme de plusieurs familles spirituelles. La commémoration du baptême de Clovis n'est inspirée par aucun noir dessein de restauration du catholicisme dans son ancien statut de religion d'Etat ou de cléricalisation de la société française. Pas davantage ne se veut-elle une agression contre les fidèles d'autres confessions ou les non-croyants. Elle reconnaît simplement un fait historique: la contribution éminente du catholicisme à la formation de la nation et de la culture françaises.

 

Un embryon d'Etat

L'importance historique de Clovis ne se réduit pourtant pas au baptême de 496. Elle est aussi dans son œuvre de monarque et dans son message qui, si on veut bien le lire, est d'une parfaite actualité. Toute sa vie durant, Clovis est obsédé par l'unité des Gaules qui n'a pas résisté à l'effondrement de l'Empire romain. Alors qu'il n'est encore que le petit roi de Tournai, il fixe à sa politique pour but de la reconstituer. Presque toutes ses guerres - et il guerroie beaucoup - doivent se comprendre comme des étapes vers la réalisation de cet objectif. L'œuvre est accomplie à la victoire de Veuille, remportée en 497 sur Alaric, le roi wisigoth qui régnait sur le sud-ouest de laGaule. Clovis commence donc par inscrire la France dans un territoire. Mais il fait plus. Il ne voit pas dans ses possessions une simple addition de conquêtes. Avec Clovis perce l'idée du Royaume qui sera reprise par les Capétiens et commandera leur politique. En témoigne, parmi d'autres signes, sa décision de transférer sa capitale à Paris où il organise un embryon d'Etat et où il se fait enterrer aux côtés de sainte Geneviève. C'est ici que le fameux baptême prend tout son sens qui n'est pascelui d'un geste seulement religieux, mais aussi très politique. En se convertissant au catholicisme, Clovis, comme plus tard Henri IV, fait le choix de la religion de la majorité des peuples du royaume. Cette décision a la signification d'un acte d'intégration. Le roi franc, d'origine germanique, signe à Reims son adhésion à la culture des Pays qu'il vient de soumettre.

 

La politique du "pré carré"

L'autre grand enseignement de Clovis est qu'il ne cède pas à la tentation impériale. S'il défait les Alamans à la bataille de Tolbiac où Jacques Bainville voit "la vraie naissance de la France", il s'abstient d'étendre ses possessions à la Germanie: A la différence de Charlemagne, il n'entreprend pas non plus de descendre sur Rome. Bornant sa puissance, il l'inscrit à l'intérieur du royaume, ce qui annonce la politique du "précarré". Fondateur du royaume, il fixe aussi du même coup la règle de la souveraineté et de l'indépendance. Ainsi est tracée la ligne directrice de l'histoire française, monarchique et républicaine: l'affirmation de la Nation contre l'Empire. Si l'insignifiance des derniers Mérovingiens et la parenthèse carolingienne ont parfois masqué cette continuité, un lien fort unit Clovis aux Capétiens, puis aux rois des autres races et aux divers régimes qui, de siècle en siècle, ont eu en charge le destin temporel de la France.

C'est donc commettre un contre-sens historique majeur que de vouloir faire de Clovis un Européen avant la lettre. Si cette classification peut, d'une certaine manière, valoir pour Charlemagne, le projet de Clovis s'inscrit dans une logique toute différente. Au long de son règne, Clovis applique ces "leçons millénaires" qui, selon le mot du général de Gaulle, ont, au fil des siècles, façonné la France. Sans doute n'a-t-il pas créé la nation française. Pour qu'elle prenne corps, il faudra l'œuvre et la maturation du temps. Mais Clovis a mis en place le berceau dans lequel elle se formera. Enfin, pour reprendre la belle formule de Paul-Marie Couteaux, s'il n'a pas créé la France, il a, en revanche, fondé la politique de la France.

 

 

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publicité de 1967

 

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en complément :

LES FRANCS (2)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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