ACCUEIL | L'HISTOIRE | EISENHOWER |
Articles ci-dessous publiés dans un quotidien suisse le 29 mars 1969, lendemain de la mort du Général Eisenhower qui fut Président des Etats-Unis de janvier 1953 à janvier 1961.
Le bazar du grand Bill
La fortune vient en dormant... Pour Eisenhower, ce fut la gloire. Et l'on peut, sans crainte de faire erreur, écrire que c'est à Fort-Houston, dans le Texas, qu'elle est venue le chercher, la veille même du jour où, en compagnie de Mamie (1), il projetait de prendre quelques jours de permission, de manière à fêter Noël en compagnie de son fils John, cadet à West-Point.
C'était le 7 décembre 1941 à la nuit tombée. Le général de brigade Eisenhower avait dit : "Surtout, laissez-moi dormir." Mais, même à Houston (Texas), on ne pouvait laisser Eisenhower ignorer ce qui s'était passé cejour-là. Il fallait bien passer outre aux consignes. Quelques heures plus tôt, en effet, les Japonais avaient attaqué Pearl-Harbour.
DROLE DE JOURNÉE
"Ce fut, dit Eisenhower, le commencement de mes ennuis." Le 12, le téléphone sonna. Au bout du fil, Ike entendit une voix bien connue et cette voix disait : "Ike, sautez dans le premier avion et arrivez ici. Je crois que vous êtes l'homme qu'il faut pour le « foutu bazar » que nous préparons."
La voix, c'était celle du général Bill Marshall, celle de l'ami de toujours. La voix de celui sans qui Eisenhower aurait peut-être échoué face aux coalitions, aux intrigues, à la politique. Le grand Bill, autrement dit le général Marshall, était à ce moment-là commandant en chef de l'armée américaine. Il devait devenir l'homme de ce plan qui, lors de l'effondrement del'Allemagne nazie, empêcha l'Europe occidentale de mourir de faim.
Le "foutu bazar", qui allait devenir aussi dans la bouche de Marshall "un drôle de machin", devait s'appeler aussi : débarquement en Afrique du nord, expédition de Sicile et d'Italie, débarquement en Normandie, campagne de France, la victoire. Beaucoup de choses pour un général qui, à la veille de Pearl-Harbour, disait ne "demander rien, mais rien du tout" aux hommes et aux événements. Pour un général qui n'avait d'autre rêve que de commander, en fin de compte, une bonne petite division dans le Pacifique, avant de bénéficier d'une "paisible retraite". Mais, le 12 décembre 1941, Eisenhower était reçu par Roosevelt : bazar ou machin, il fallait s'y mettre.
CONQUÊTE DIFFICILE
La gloire, cependant, ne fut pas, pour Eisenhower, une conquête facile. Bien souvent, elle faillit se refuser à lui. Et l'homme de bonne volonté fut bien souvent assailli par le doute, une fois seul avec son destin, une fois seul devant les responsabilités qu'il n'avait pas choisies, mais qui lui avaient été données. Les souterrains de la citadelle de Gibraltar en savent quelque chose, de même que le petit
bureau de l'hôtel Trianon, à Versailles, où, le 19 décembre 1941, Eisenhower le vainqueur, Eisenhower le chef de la plus puissante armée du monde, se demanda pendant toute une nuit ce qu'il fallait faire pour que, enfin, et une fois pour toutes, la victoire soit saisie par les cheveux... Cette nuit du 19 au 20 décembre 1944 où il sentit monter en lui, seul, laissé seul, abandonné, mais surveillé de près, quelque chose qui était davantage que le doute : l'angoisse du lendemain.
LUI ET LES AUTRES
Le 19 décembre 1944, le monde entier croyait l'Allemagne à genoux. Mais en cette même nuit, Eisenhower savait qu'Hitler, dans un dernier coup de rein, avait donné à ses troupes l'ordre d'enfoncer le front des Ardennes. Un corps d'armée américain avait été culbuté, Liège était menacée. Pour les troupes allemandes, l'objectif était Bruxelles, Anvers, le Bas-Rhin. "Foutu bazar", comme avait dit Bill quelques années plus tôt, alors qu'lke n'avait pas encore de crises de rhumatismes, ni découvert qu'à la veille d'une bataille rien ne vaut la lecture de bonnes bandes dessinées.
Cette nuit-là, les rapports s'accumulaient sur sa table de travail. L'armée américaine, pour la première fois depuis juin, avait réappris le sens de ce mot : reculer.
Alors bien que sous une forme différente mais comme en Afrique du nord, comme en Normandie, le même problème se posait pour Ike. C'était à lui, et à lui seul de répondre : où et comment arrêter l'assaut allemand.
Drôle de nuit tout de même. Le 15 décembre 1944, Roosevelt avait demandé pour lui au Congrès les cinq étoiles de général d'armée. Eisenhower sait qu'il est le chef. Il sait aussi qu'il n'est pas le maître. Il sait que d'autres grands capitaines ont pour lui une hostilité à peine déguisée. Il sait que demain, quand viendra le moment de décider, s'il se trompe, il sera brisé, vaincu. Déjà...
Déjà Mac Arthur ne voit en lui que "l'apothéose de la médiocrité". Et Patton, son ancien chef, ne dit-il pas qu'Eisenhower "est le meilleur général dont disposent les Anglais !"
Et puis, il y a Brooke, le chef de l'état-major impérial. Brooke qui raconte : "Eisenhower est déterminé à prouver qu'il est un grand général. Il passe son temps à jouer au golf." Il y a aussi Montgomery, grand stratège certes, mais acide, Montgomery qui envoie à Churchill télégramme sur télégramme pour demander qu'enfin le commandement en chef lui soit confié.
Il n'y a que Bill, ce grand Bill qui l'a mis dans ce "foutu bazar". Il y a trois ans que Marshall soutient Eisenhower contre vent et marée. Mais si demain Ike est battu, Marshall le sera aussi.
LA DÉCISION
"A la Meuse, à la Meuse, ordonne cette nuit-là Hitler à ses généraux. Qu'on y soit demain sans laisser à Bastogne le soin de se défendre." Sur le bureau d'Eisenhower il y avait aussi la lettre d'un jeune soldat américain qui a eu peur du "dernier coup d’Hitler". Avec vous jusqu'à la victoire, a-t-il écrit au général, et, dans sa prison, le soldat américain attend qu'lke décide de ne pas l'envoyer au peloton d'exécution...
C'est le jour, le jour où l'on exécute. C'est le jour, et il faut agir. C'est fait. Il ordonne à Montgomery de prendre l'offensive et Monty aura sous son commandement deux armées américaines. Pour cela, Ike sacrifiera son ami Bradley. Il décide de donner toutes ses chances à son plus dur censeur : à Patton. Il écarte de la main les journaux américains qui parlent déjà d'un Pearl Harbour français. C'est Montgomery qui frappera le grand coup, ce Monty nimbé de gloire, qui la veille disait encore d'Eisenhower : "il est incapable de prendre aucune décision stratégique". Bien plus tard, en 1960, Eisenhower interrogé sur cette fameuse nuit devait déclarer : "Si j 'ai réussi, c'est que j'ai eu les mains et le cœur libres"...
IKE
Curieux destin. Strasbourg est dégagé, la menace s'éloigne de Paris. L'Allemange nazie s'effondre. Berlin n'est qu'à quelques étapes, mais Berlin lui sera refusé. Comme il ne saura rien de Yalta, comme l'accès à Potsdam lui sera interdit. Ce vainqueur dit laisser aux Russes le soin de couper le ruban de la victoire. Oui à cette époque l'on vit cette chose prodigieuse, inouïe, lamentable, une armée victorieuse suspendant son avance... pour donner aux Russes le temps d'arriver.
Mais, c'est une autre histoire et reprenons la nôtre. Revenons au 22 décembre 1944 quelques jours après la nuit du doute. Quand Eisenhower signa son premier ordre du jour de victoire, il écrivit : "l'ennemi nous a donné la chance de changer sa grande fureur en sa pire défaite". Pas une critique pour certains, pas de bulletin de satisfaction pour lui. C'était signé Ike. Tout simplement.
__________________________
1 - Mamie était le prénom de son épouse.
Conférence de Yalta (février 1945) - Winston Churchill, Franklin Delano Roosevelt et Joseph Staline
Allo, Robert...
Encore une nuit. Novembre 1942. C'est toujours l'obscurité dans les souterrains de la citadelle de Gibraltar. Cette fois le "foutu bazar" s'appelait "l'opération Torch". Et déjà c'était Eisenhower qui en était le patron. Un patron américain de 50 ans qui, pour la première fois, allait se lancer à l'assaut contre les positions de l'Axe. "Hitler a tout, murmurait Ike. Moi, pour l'instant je n'ai que les 6 kilomètres de Gibraltar. Et encore parce que Churchill nous a dit que, cette fois, il fallait allumer la torche." Il en était là parce que le "Combined Staff" avait décidé ceci : tenter une opération n'importe où, avec n'importe quoi, avant la fin de 1942. C'était le temps de l'échéance.
Les ordres ? Eisenhower les connaissait bien : établir une tête de pont dans l'Atlantique au voisinage de Casablanca pour se frayer ensuite un chemin dans les montagnes du Maroc vers Alger et la Tunisie. Et Eisenhower, dans son bureau souterrain, murmurait encore : "Tout cela c'est vite dit. Mais si une fois franchi le détroit, Allemands et Italiens cadenassaient la porte ? Vite dit, quand on a 500.000 hommes à transporter. Vite dit quand les torpilles allemandes envoient au fond de l'Atlantique les convois transportant un matériel indispensable, et cela trois fois de suite... "
Et puis quels navires convenaient aux plages du Maroc, quels autres à l'Algérie ? Que savait-on de la pente des plages, de la profondeur de l'eau ? Que savaient sur tout cela Allemands et Italiens, et comment se comporteraient Américains et Anglais combattant pour la première fois côte à côte. Et cette lettre de Marshall sur la table du général : "Il n'y a pas lieu d'exclure de nos calculs la possibilité d'un échec". Beaucoup de soucis pour Ike on le voit. Il y en avait un autre. Il y avait ce damné message 3103, signé de Roosevelt que Ike avait bien dissimulé au plus profond de ses tiroirs : défense sous aucun prétexte de communiquer le moindre renseignement au Q.G. de De Gaulle. Et puis, il y avait la mauvaise humeur des hommes, les permissions supprimées, ces préparatifs qui ne devaient être interrompus, ni de jour, ni de nuit et qui faisaient un de ces bruits à réjouir le cœur de tous les agents ennemis. Il y avait les conditions météorologiques mauvaises, mauvaises...
CASSE-TETE
Il y avait bien autre chose encore. Par exemple, ce vrai faux convoi qui avait quitté Gibraltar à destination de Malte, cible favorite des avions allemands et italiens. Ce convoi dont on avait claironné qu'il était destiné à apporter à l'île les moyens de se défendre pour que l'ennemi et Vichy se mettent bien cela dans la tête, et qui devait pourtant, à l'heure prévue, mettre le cap sur Alger et Oran. Ce convoi littéralement suivi à la piste, et dont tant de braves garçons ne devaient pas revenir.
Il y avait aussi et peut-être surtout cet imbroglio politico-militaire où Eisenhower se sentait mal à l'aise, cette entrevue secrète de Churchill entre les représentants de la résistance africaine et les envoyés américains : Murphy pour Roosevelt, Clark pour Eisenhower.
"Foutu bazar", c'était le cas de le dire. Weygand qui, en secret, avait pris contact avec les services américains pour avoir du matériel de guerre, mais ne voulait pas combattre encore, Lemaigre Dubreuil, bien vu à la Maison-Blanche, qui avait constitué des groupes d'action clandestine, les frères Aboulker qui avaient formé un front antiraciste, l'abbé Cordier, agent du 2ème bureau français, le commissaire Achiary, nettement antiallemand, et des gaullistes comme le professeur Capitant qui ne voulaient reconnaître ni Giraud, ni Weygand et encore moins Darlan.
L'APPEL
Il y avait - et à cause de cela la casse serait grande - que les services américains tout en promettant monts et merveilles avaient tenu soigneusement cachée aux groupes de résistance la date exacte du débarquement et qu'au moment où les troupes d'Eisenhower commenceraient leur action, les conjurés français n'auraient pour tout potage qu'une carabine apportée par le général Clark et un fusil mitrailleur apporté par Murphy le jour de l'entrevue de Churchill. La vérité était restée dessous la table. Et tout à l'heure, dans quelques instants désormais, les postes clandestins à l'écoute en Afrique du Nord, allaient entendre le fameux appel : « Allô Robert, Franklin arrive... » Ceux qui attendaient les Américains pour les aider, pour empêcher le sang français de couler, pensaient cette nuit-là, avoir encore une quinzaine de jours devant eux.Ce soir-là, justement, au moment de prendre la décision ultime, Eisenhower dit à un de ses officiers : "Trouvez-moi dans toute l'armée un aumônier compétent pour nous assurer une période convenable de beau temps au moment du débarquement". Il le fallait. On était au 2 novembre. Le jour J était le 4. Rien à faire. Cet aumônier ne servait à rien. Et le jour J fut le 6, puis le 7, puis le 8. Toujours ce mauvais temps, toujours cet aumônier incapable...
"C'est le moment de se cramponner, écrivait quelques heures avant l'attaque Ike à Mamie. J'ai installé mon P.C. à des centaines de pieds dans les entrailles du rocher." Il lui écrivait aussi : "Il faut absolument que j'aie un petit-fils pour avoir la joie de lui raconter cela quand je serai devenu une vieille barbe radoteuse..."
DANS LA NEIGE
Il souriait encore quand le général Clark apparut. "Ike, dit-il, le vieux Français se rebiffe..." Le vieux Français c'était le général Giraud évadé d'Allemagne. Giraud était arrivé trop tard. Son exigence qui, sur le plan patriotique, était compréhensible, en avait pris un fameux coup. Il exigea dans les souterrains de Gibraltar que le commandement de l'opération amphibie lui soit confié. Le commandant, c'était Ike. Et quand Giraud tapa sur la table, l'opération Torch était commencée. Ike, qui n'y pouvait rien, Ike qui savait que tout cela devrait se payer cher, eut un mot que Giraud n'eut pas l'air de bien comprendre. Il est vrai qu'Eisenhower a toujours aimé parler par images. « Général, lui dit Ike, vous devez bien vous rendre compte que vous avez maintenant "le derrière dans la neige." Tout était dit, sauf une phrase, celle prononcée par Eisenhower, alors que déjà, tout était consommé. "Mon Dieu, pourvu que nous ne nous battions pas contre des Français !" Cela arriva pourtant, et la facture fut lourde. Mais, le responsable ne portait pas l'uniforme américain.
Bercent mon cœur...
"Vous savez, Ike, ce plan d'invasion de l'Europe ?... il faudrait bien que vous pensiez à le préparer"... C'est Marshall qui parle, tout en rentrant dans son bureau. Mais il ajoute : "A propos, ce plan, il se pourrait bien que ce soit vous qui l'exécutiez" ... Ce débarquement en Europe, ce plan Overlod "L'acte souverain" conseillé par Marshall, préparé par Eisenhower, repoussé tout d'abord par Churchill à qui il fait peur... Il y avait de quoi. Les 18 et 19 août 1942, l'opération "Jubilé" menée par les Canadiens du côté de Dieppe, avait coûté des centaines de morts. Les Américains auraient voulu débarquer en 1942mais Churchill ne s'était laissé convaincre qu'au début de 1944. «Prenez garde que les vagues ne soient de sang », avait lancé Churchill à Ike quelques mois auparavant. Eisenhower devait confier plus tard, à propos du veto de Churchill, qu'il y avait vu "le jour le plus sombre de l'histoire".
Débarquer en France, ce n'était pas une aventure : c'était sauter à pieds joints dans l'inconnu. Eisenhower était convaincu de pouvoir réussir ; pourtant, en compulsant ses notes, que de doutes naissaient en lui... A Anzio, à Salerne, les Allemands ne disposaient pas de fortifications sérieuses et les soldats alliés avaient bien failli être rejetés à la mer. Cela, Ike le savait, et ses comptes se révélèrent justes. En quelques heures, le 6 juin, 3.000 soldats américains sur les 8.000 débarqués à Omaha furent tués par les Allemands. 3.000 morts disait Eisenhower, cela fait 7.000 de moins que prévu. Ike avait compté que pour enfoncer le mur, 10.000 Soldats devraient rester sur les plages. Avant même d'engager les premiers coups de feu, Eisenhower avait même prévu que pour forcer les défenses allemandes, il faudrait tout le corps d'armée commandé par Bradley.
J+3
Le jour le plus long ? Bandes dessinées et cinéma. Mais, aucun film, aucune image d'Epinal n'a fait apparaître la vérité. Quand, à l'aube du 6 juin 1944, Bradley pénétra sous la tente d'Eisenhower pour prendre les derniers ordres, que croyez-vous qu'il trouva ? Tout simplement, le commandant en chef lisant dans son lit de camp des histoires de cow-boy... Le jour J, c'est du cinéma. Car, le vrai 6 juin, c'est pour l'histoire J+3. Ces trois journées cela voulait dire pour Eisenhower : 20 divisions allemandes contre 13 divisions alliées. Cela, Eisenhower n'en était pas effrayé. il suffisait entre J et J+3, d'empêcher les Allemands d'acheminer leurs renforts. 3 jours. Il en faudra 8 aux Allemands pour renforcer leurs lignes. 8 jours : 5 de trop. C'est cela, le secret du jour J. Et c'est pourquoi, dans son fameux ordre du jour, Eisenhower put dire à ses troupes : "Vous êtes accompagnés par les espoirs et les prières de tous ceux qui, sur cette terre, chérissent la liberté."
LE "ROUND-UP"
Le plan d'invasion de l'Europe s'il ne "fit pas des petits" eut par contre pas mal d'ancêtres. Il y eut d'abord, fin 1941, le canevas de Mountbatten, puis le plan round-up présenté par les Américains aux Britanniques, au printemps de 1942, "Round-up" traîna ses guêtres jusqu'à la conférence de Casablanca en 1943, où l'on s'aperçut que, pour réussir, il fallait conquérir la suprématie aérienne, mobiliser complètement l'industrie américaine, intensifier la lutte contre les sous-marins allemands.
C'est à cette époque que l'opération « Overlod »est décidée et qu'un chef lui est donné : Ike. Ce sera pour le 1er mai, décide Eisenhower à la conférence Trident de Washington. 7 divisions anglo-américaines seront alors transférées d'Afrique du Nord en Grande-Bretagne. Le 6 janvier 1944, Eisenhower abandonne la Méditerranée pour les brouillards de la Manche : il s'installe à Londres avec du pain sur la planche.
... A UNE CERTAINE NUIT
Overlod faillit bien échapper à Eisenhower et à l'histoire. Il ne s'agissait pas de patriotisme ou de film en couleur, mais de politique. Et Eisenhower faillit bien tout laisser tomber quand il apprit que les Anglais voulaient avant de débarquer en Normandie, tenter quelques autres manœuvres de diversion. En janvier 1944, Ike entend Churchill demander un débarquement dans l'île de Rhodes. Heureusement, encore une fois Marshall était là. "Je vous le dis, déclara le grand Bill, aucun Américain n'ira dans cette île damnée." Et puis, quand Eisenhower se mit au travail, il eut souvent bien des soucis. Ne voilà-t-il pas que Brooke, le chef de l'état-major impérial, voulait aussi que Ike s'occupe de la Norvège et des îles de la mer Egée ?...
Et le travail commença : rassembler les effectifs de 5 divisions débarquées et de 3 divisions aéroportées, 4.300 navires de débarquement, 500 bateaux de guerre, 300 dragueurs. Rassembler des chars-bulldozers pour déblayer les plages, des chars-fléaux pour ouvrir les passages dans les champs de mines, des chars-passerelles pour franchir les fossés. Et aussi des engins projetant des masses d'explosifs pour enfoncer les murs de béton, des chars lance-flammes, des chars sans tourelles faisant la courte échelle aux autres chars pour franchir les digues, des chars amphibies, des chars, encore des chars...
Il fallait aussi prévoir la construction de ports artificiels dont chacun aurait la grandeur de celui de Douvres pour abriter les cargos apportant le matériel. Il fallait choisir aussi. C'est pourquoi les plages du Calvados furent choisies de préférence à celles du Pas-de-Calais. Les plages de Normandie étaient certes d'une rotation plus lente des navires, mais leurs défenses étaient plus faibles, les contre-attaques plus difficiles. Les vents aussi seraient plus favorables.
Et pendant des nuits des agents secrets dont beaucoup ne revinrent pas, allèrent jouer aux hommes-grenouilles héroïques sur les plages de la liberté. Ceux qui revenaient, ceux qui n'avaient pas été fusillés par les Allemands, rapportaient à Eisenhower de précieux renseignements sur l'étude des sols et le calcul des marées. Ils donnèrent maints renseignements sur les risques d'envasement, sur la possibilité de pouvoir débarquer à mi-marée, c'est-à-dire 40 minutes après le lever du jour. Et il faudrait encore que ce soit à la fin d'une nuit où la lune se lèverait entre 1 heure et 2 heures du matin. Tout cela, le cinéma ne l'a encore dit à personne.
TOUT SIMPLEMENT
Eisenhower demanda aussi que pendant des mois, des milliers de photographies aériennes, soient prises. Dans ce but, de janvier à juin 1944, 4.500 sorties aériennes furent menées à bien. C'était comme l'avait dit Marshall un « foutu bazar ». Il fallait que chaque chef d'unité débarquée soit muni de plans avec les routes, les gares... et même les arbres de certaines routes. Et ce n'était pas tout. Il fallait aussi tromper les Allemands, leur faire croire que le débarquement aurait lieu ailleurs, leur faire parvenir sciemment de faux messages prétendument destinés à Montgomery. Il fallait que la Manche et l'Atlantique soient d'accord. Comme en 1942, pas moyen de trouver un aumônier capable de se mettre bien avec la mer. Et à deux reprises l'opération Overlod faillit ne pas avoir lieu. Et puis, de singuliers messages traversèrent la Manche : "Je cherche des trèfles à quatre feuilles". "Croissez roseaux, bruissez feuillages"... "Les tomates doivent être cueillies" ... "Le chapeau de Napoléon est-il à Perros-Guirec ?" ... et puis, et puis, "Bercent mon cœur d'une langueur monotone". Quand tout fut fait, quand presque tout fut dit et qu'au bout de quelques mois, on s'aperçut qu'Hitler était au tapis pour compte, on interrogea Eisenhower sur les conclusions qu'il pouvait tirer de sa réussite en Normandie. Il dit simplement : "Nous pûmes voir à quel point les renseignements que l'ennemi possédait sur nos intentions étaient insuffisants..."
Après ? Il ne lui resta plus qu'à acheter... à crédit, sa ferme de Gettysburg en Pennsylvanie.
________________________________________________________
EISENHOWER ww2 gilbraltar
ACCUEIL | L'HISTOIRE | EISENHOWER |
bachybouzouk.free.fr