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Aux derniers jours de novembre, tandis que le parlement débattait des lois sur l’usage du droit de grève, la France traversait l’une des crises sociales les plus graves de son histoire. Crise sociale et crise politique si étroitement confondues que nul ne savait dire laquelle servait de prétexte à l’autre. Des millions de travailleurs laissaient à l’abandon les machines et les outils. Il se perdait en une semaine plus de charbon que n’en brûleraient les foyers familiaux en deux mois d’hiver. Il se perdait dans les gares paralysées plus de pommes de terre que n’en consommerait une grande ville en une saison. Des milliers de tonnes de fret attendaient d’être déchargées dans les ports, des milliers d’enfants assistaient à la révolte de leurs maîtres contre l’Etat, des millions de citadins vivaient dans la crainte d’un arrêt des services publics dont dépend leur vie quotidienne.

Cependant, la classe ouvrière semblait se diviser. Les consignes des fédérations syndicales étaient discutées. Consultés au vote secret, la majorité des travailleurs se prononçaient souvent pour la reprise ou la poursuite du travail. Mais les menaces et les sévices des minorités actives réussissaient fréquemment à intimider les plus modérés. Au sens même des organisations syndicales, la lutte des tendances restait incertaine. Le pays, effrayé, se préparait aux plus tragiques extrémités.

Comment, après deux ans et demi d’un effort productif soutenu et après six mois d’une tension politique et sociale menaçante, en était-on arrivé à ce climat de guerre civile ? Personne n’hésitait à en accuser la rivalité des puissances pour lesquelles la France n’est qu’une case du grand échiquier européen. Le monde libéral et le monde socialiste s’affrontaient par l’entremise des groupes de Français devenus leurs champions. Mais, tandis que la C. G. T., noyautée de militants communistes, se cachait à peine d’exécuter les consignes données aux partis communistes européens lors de la conférence de Byalistok, la résistance à ses ordres rassemblait une foule disparate. Si les militants du syndicalisme à tendance réformiste comme Léon Jouhaux s’associaient aux syndicats chrétiens de la C. F. T. C., eux-mêmes alliés aux sections de la Confédération générale des Cadres, dont les tendances antimarxistes ne sont pas secrètes, ces conjonctions tiraient leur force d’un appui beaucoup plus large de la base. C’était, en réalité, la masse même des salariés qui tendaient instinctivement à s’affranchir des disciplines syndicales appliquées trop strictement par des dirigeants dociles aux impératifs politiques. Si un mouvement réformiste comme Force ouvrière, naguère encore simple expression de tendance parmi les responsables syndicaux les plus évolués, avait pu rallier des dizaines de milliers de sympathisants actifs, c’était parce que le sens de la liberté individuelle de nombreux syndicalistes avait été mis à vif par les tactiques communistes. En quelques mois les militants zélés de certaines fédérations avaient, en des circonstances presque identiques, été appelés à adopter des attitudes contradictoires. Contre la grève spontanée des rotaivistes en février, parce que le ministre du Travail était à l’époque un membre du parti communiste ; contre celle du syndicat autonome des conducteurs du Métropolitain en octobre, parce que cette formation était de tendance socialiste, la C. G. T. s’était prononcée pour l’arrêt du travail en juin, dès que M. Ramadier eut exigé la démission des ministres communistes, pour l’arrêt du travail sous tous les prétextes ensuite. En septembre, sous celui de protestations contre la situation du ravitaillement ou contre les livraisons de sucre raffiné à l’Allemagne ; en octobre, sous celui de l’augmentation des tarifs de transport. En fait, et toujours pour protester contre la politique étrangère des gouvernements accusés de livrer la France à l’impérialisme des capitalistes américains et contre sa principale réalisation, le plan Marshall. Ces préoccupations d’indépendance nationale, si habilement excitées qu’elles fussent, ne pouvaient toutefois réussir à déclencher une agitation sociale généralisée.

La situation économique générale offrait opportunément un aliment au mécontentement populaire. Les chefs de la C. G. T. comptèrent sur ce mécontentement pour cimenter l’union des travailleurs contre le gouvernement. Le retour à un dirigisme plus souple des prix agricoles, la poursuite tenace de l’équilibre budgétaire, qui imposait la suppression des subventions, modifiaient l’équilibre précaire des revenus et des prix. C’était un terrain de lutte idéal. De juin à octobre la hausse du coût de la vie a été de 50 % environ. Dans le même temps les salaires théoriques n’ont été majorés que de 11 %, en vertu d’un arrêté du 22 août prenant effet du 1er juillet. En réalité, la hausse effective moyenne des salaires, calculée par le ministère du Travail, avait atteint 9 % entre le 1 er janvier et le 1 er juillet.

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extrait d'un article publié en décembre 1947

 

 

2 décembre 1947 : Dans le bassin houiller du Nord, à Ostricourt, des gardes mobiles s’efforcent de refouler un cortège de grévistes.

 

 

2 décembre 1947 : A la suite d’un acte de sabotage — deux rails déboulonnés — le train postal Paris-Lille a déraillé à 5 kilomètres d’Arras.

 

 

 

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