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article de Jean-Pierre Margot publié en 1995 :
Le piège balkanique
Rapppelons brièvement les circonstances qui contraignirent Hitler à s'engager dans les Balkans. Les succès de la Wehrmacht dans les campagnes de Pologne, de France et de Norvège, mais aussi ceux de la diplomatie allemande en Yougoslavie, Hongrie, Bulgarie et même Roumanie irritèrent Mussolini qui résolut de frapper un grand coup à l'insu de son allié. Ainsi, le 28 octobre 1940, les troupes italiennes envahirent la Grèce à partir des positions conquises en Albanie. Cette opération, mal préparée, mais surtout mal planifiée, au début de l'hiver, avec des troupes aux tenues le plus souvent inadaptées au froid, tourna rapidement à la catastrophe; l'armée grecque du général Papagos, forte de 14 divisions, réussit à contenir, puis a repousserles divisions italiennes, contraignant le général Cavallero à aligner jusqu'à 22 grandes unités pour rétablir la situation.
Hitler, qui avait déjà planifié l'opération Barbarossa (invasion de l'URSS), fut irrité de l'initiative italienne, d'autant plus que les Britanniques, sous les ordres du lieutenant général Maitland Wilson, avaient débarqué deux divisions et une brigade blindée au Pirée pour soutenir les Grecs. Le Fuhrer ne pouvait admettre l'établissement d'une tète depont sur son flanc sud, au moment de lancer la plus importante opération de la guerre. L'OKW (Oberkommando der Wehrmacht) montra alors son incomparable capacité d'organisation, mettant sur place en moins d'un mois une formidable opération destinée à éliminer l'hypothèque grecque et à rejeter les Anglo-Saxons à la mer. L'adhésion de la Bulgarie au Pacte Tripartite permit de déployer la 12me armée allemande à la frontière sud de ce pays, frontière extrêmement sensible pour les Grecs qui y avaient établi leur fameuse ligne Metaxas. Encore fallait-il traverser la Yougoslavie pour épauler le front italien et opérer une percée en direction de Salonique.
L'adhésion des autorités yougoslaves parut dès l'abord acquise, le prince régent Paul ayant décidé d'adhérer également au Pacte Tripartite. C'était sans compter avec la partie serbe du pays où un coup d'Etat militaire proclama le 27 mars la fin de la Régence et la majorité du petit roi Pierre II. Toutefois, au lendemain de leur prise de pouvoir, les nouvelles autorités adoptèrent un profil bas, espérant contre toute attente qu'une attitude neutre allait leur épargner les foudres du Reich.
Hitler et Mussolini n'hésitèrent pas un instant et décidèrent que la Yougoslavie partagerait le sort de la Grèce. Il appartint encore à l'OKW d'établir en un temps record un nouveau plan d'opérations et d'amener à pied d'œuvre l'ensemble des unités chargées d'éliminer l'obstacle yougoslave. Le 6 avril 1941, le front entier s'embrasa (géographiquement parlant: plus de 1500 kilomètres). Contrairement à l'armée grecque qui était déjà au combat depuis plus de cinq mois, l'armée yougoslave se trouva surprise en pleine mobilisation générale et n'offrit pas la résistance que l'on pouvait en attendre; en plus, son état-major allait encore faciliter aux troupes allemandes l'exécution du plan Marita II. En effet, au lieu de rassembler ses unités dans un réduit national (!) comme le lui conseillaient vivement les Britanniques, il s obstina a répartir ses trois "armées" (de trois à quatre divisions chacune!) sur tous les fronts où l'ennemi avait assemblé ses forces. Il en résulta que ni l'armée italienne ni la Wehrmacht n'eurent devant elles une concentration d'éléments capable de les arrêter. Les fronts se disloquèrent rapidement, à tel point que des unités entières furent faites prisonnières du haut des airs par des appareils de la 8ème Luftflotte du général von Richtofen et qu'en plusieurs endroits des soldats abandonnèrent leurs positions pour rentrer chez eux. Après onze jours de combats, Belgrade capitula. Hitler fit libérer tous les prisonniers, à l'exception des Serbes.
La campagne de Grèce s'avéra plus difficile: l'armée grecque était aguerrie par plus de cinq mois de campagne, affermie dans son moral par les victoires obtenues contre les Italiens et, enfin, elle disposait de l'excellente ligne Metaxas que les divisions du maréchal List eurent de la peine à forcer. Notre propos n'est pas d'analyser la campagne de Grèce, bien que celle-ci puisse aujourd'hui encore apporter des informations valables en matière de défense. Relevons toutefois que l'ingéniosité tactique de certains généraux de la Wehrmacht permit de contourner des défenses frontales bien organisées, que des divisions de panzer passèrent par des chemins de montagne invraisemblables, débouchant dans des secteurs non occupés parce que leurs voies d'accès étaient déclarées infranchissables et, enfin, alors que tout un chacun s'enlisait dans un réseau routier d'un autre âge, les colonnes motorisées allemandes utilisaient les voies de chemin de fer comme axes de pénétration. Un certain nombre de pneus rendirent l'âme, mais la progression fut assurée.
Le lot des bienfaiteurs étant d'être rapidement oubliés, l'opinion mondiale s'est bien vite désintéressée du sort des Serbes, dont la capitale, Belgrade, avait de plus été détruite par l'aviation allemande dès le début des combats. Rappelons que la campagne de Grèce aurait pu ne pas avoir lieu, Hitler, court-circuitant son allié italien, avait à l'époque proposé aux Grecs de ne pas les envahir, à la condition qu'ils adoptent une stricte neutralité et refusent la présence d'unités anglo-saxonnes sur leur sol. Toutefois, l'hypothèque serbe mit ce plan en échec et contribua au déclenche-ment des hostilités. Or, la campagne des Balkans provoqua un retard de quatre semaines dans le déclenchement de l'opération Barbarossa, enlevant aux Allemands la possibilité de s'emparer de Moscou avant l'arrivée du "Général Hiver". Sachant à quel point les Soviétiques avaient concentré leurs meilleures troupes pour défendre la capitale, il n'est pas douteux que l'encerclement (fortement amorcé lors de l'interruption des combats) aurait abouti à la capture d'une partie essentielle des forces de l'URSS. De là à imaginer que le front sud aurait pu être renforcé, l'offensive vers Stalingrad et les gisements de pétrole facilitée, que l'Afrika Korps aurait pu recevoir cinq divisions (au lieu des deux dont Rommel avait dû se contenter), soit ce qui lui a manqué pour arriver à Alexandrie (où les Egyptiens l'attendaient), il n'est pas présomptueux de penser qu'Hitler a perdu la guerre dans les Balkans.
Les Serbes auraient bien mérité au moins 50ans de reconnaissance de la part des alliés. On en est loin! L'occupation de la Yougoslavie allait d'ailleurs apporter à ce malheureux peuple la pire des punitions pour sa résistance aux forces de l'Axe. En effet, les Croates, qui avaient (déjà) fait sécession dès le début des hostilités, rivalisèrent avec les Bulgares pour la palme des atrocités inimaginables qu'ils firent subir aux Serbes et dont la mémoire est sans doute restée chez leurs victimes. Enfin, l'occupation de la Bosnie et de la Serbie nécessita durant toute la guerre une division hongroise, deux bulgares, quatre à sept allemandes et dix-huit italiennes, soit quelque 25 unités qui manquèrent évidemment sur les autres théâtres de la guerre. Côté serbe, le général Mihaïlovitch organisa la résistance qui fut dès l'abord extrêmement active et que les troupes de l'Axe ne réussirent jamais à annihiler, sinon au prix de représailles laissées le plus souvent aux bons soins des unités spéciales des alliés du Reich, utilisant et au-delà les méthodes de la Gestapo.
1943 - Avec l'autorisation de Himmler, vingt mille musulmans bosniaques, alors sous juridiction croate, s'engagèrent dans la Waffen SS.
Ils répondaient ainsi à l'appel du grand.mufti de Jérusalem, qui s'était réfugié en Allemagne pour prêcher la guerre sainte contre les juifs.
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