1990 - CINQUANTIEME ANNIVERSAIRE DE L'APPEL DU 18 JUIN 1940

De nombreuses cérémonies marquent en France le cinquantième anniversaire de l'appel lancé le 18 juin1940, à Londres, par le général de Gaulle. Dès samedi, les compagnons de la Libération et les chefs de file du mouvement gaulliste ont effectué un pèlerinage dans la région de Bayeux, où débarqua le 14 juin 1944 le chef de la France libre. Et hier, plusieurs milliers de personnes — 40.000 selon les organisateurs — se sont rendues à Colombey-les-Deux-Eglises, village de l'est de la France où est enterré le général de Gaulle. D'autres cérémonies sont prévues aujourd'hui à Paris. Mais les fidèles du maréchal Pétain n 'ont pas voulu laisser passer cet événement sans se manifester: hier à l'Arc de triomphe, ils ont tenté de rebaptiser place du Maréchal Pétain la place du Général-de-Gaulle (photo ci-dessous), avant que ne soit interpellé par la police le président de l'association nationale Pétain-Verdun, Robert de Perier.

publié le lundi 18 juin 1990 

article de Charles Saint-Laurent publié le lendemain des commémorations :

Ceux qui croient que les Français sont par nature profanateurs et iconoclastes se trompent. Les Français aiment couler dans la légende les événements mémorables de leur histoire et savent tisser les émouvantes imageries où les yeux viennent se mouiller. Paris commémorait hier le souvenir du général de Gaulle dont 1990 marque le centième anniversaire de naissance et le 18 juin le cinquantenaire de l'appel à la résistance. Dès 5 heures du matin, un poste de radio géant, modèle 1940, construit de manière à coiffer l'obélisque de la place de la Concorde, y diffusait des programmes d'époque de la radio, dont à intervalles réguliers l'appel du 18 juin et des musiques des années de guerre. De nombreux promeneurs se sont attardés pendant toute la journée à la Concorde à écouter ces chansons qui pour les uns étaient réminiscences et pour les plus jeunes découverte des sensibilités et des rythmes d'une époque qui déjà s'est éloignée.

Nous avons vu de nombreux passants essuyer des larmes et de jeunes couples esquisser quelques pas de danse sur ces vieilles chansons: "Je suis seul ce soir avec mes rêves, le jour tombe, ma joie s'achève" de Léo Marjanne; "Sur les quais du vieux Paris, le long de la Seine le bonheur sourit, l'amour se promène", de Lucienne Delisle, etc. C'était une autre émotion, plus âpre, qu'évoquait la chanson d'Edith Piaf: "Où sont-ils mes copains, tous ces petits gars, ils sont partis un matin faire la guerre". On entendait encore le "Chant des partisans" et des communiqués d'épo-que décrivant la libération de Paris, dugenre: Paris s'est libéré par lui-mêmeavec le concours de la France entière.Enfin, présentée avec la voix solennelleque parlait alors la radio, on entendait la déclaration du général de Gaulle, précédée d'une invitation à écouter "une déclaration d'une très grande importance". "La France a perdu une bataille, disait de Gaulle, mais elle n'a pas perdu la guerre. Des gouvernements de rencontre ont pu capituler... Cependant rien n'est perdu.

Hier matin, des plaques commémoratives ont été dévoilées dans toutes les mairies de Paris. A 17 heures, le président de la République a inauguré à l'Arc de Triomphe une plaque commémorative de l'Appel du 18 juin. Enfin, couronnement de cette journée, à 23 heures, en présence d'une foule estimée à 100.000 personnes, un spectacle surla Seine a retracé les grands moments de la Deuxième Guerre mondiale.

La commémoration de l'Appel du général de Gaulle a pris la forme d'une immense kermesse héroïque. Le rappel qui a été fait des événements tend à confirmer la version de l'histoire officielle selon laquelle le patriotisme était tout d'un côté et la trahison de l'autre. On peut regretter que l'occasion n'ait pas été saisie de jeter un regard plus distant, plus serein sur l'histoire.