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Au XIXe siècle, parce que l'industrie s'était développée et aussi parce qu'il n'existait pas encore de lois sociales, la classe ouvrière connut des années d'une détresse affreuse, et ceci plus particulièrement dans l'industrie des textiles, filatures et tissages.

 

 

Comment se traduisait la misère des ouvriers.

 

"Il faut les voir arrivèr chaque matin en ville et en partir chaque soir. Il y a parmi eux une multitude de femmes pâles, maigres, marchant pieds nus au milieu de la boue et qui, faute de parapluie, portent renversé sur la tête, lorsqu'il pleut, leur tablier ou leur jupon de dessus, pour se préserver la figure et le cou, et un nombre encore plus considérable de jeunes enfants, non moins sales, non moins hâves, couverts de haillons tout gras de l'huile des métiers, tombée sur eux pendant qu'ils travaillent. Ces derniers mieux préservés de la pluie par l'imperméabilité de leurs vêtements n'ont pas même au bras, comme les femmes dont on vient de parler, un panier où sont les provisions pour la journée, mais ils portent à la main ou cachent sous leur veste, ou comme ils peuvent, le morceau de pain qui doit les nourrir jusqu'à l'heure de leur rentrée à la maison."

 

Villermé

 

 

Les conditions de travail.

 

"... Cette opération (le battage du coton brut), qu'elle se fasse à la main ou avec des machines, produit un nuage épais de poussières irritantes et de duvet cotonneux qui se déposent sur les ouvriers, les salissent, s'attachent surtout à leurs vêtements de laine, à leurs cheveux, à leurs sourcils, à leurs paupières, à l'entrée du conduit de l'oreille, à l'ouverture des narines, à la barbe, partout où les poils peuvent les retenir, et leur donnent pendant le travail un aspect fort étrange. Il s'en introduit en outre dans le nez, la bouche, le gosier et, à ce qu'il paraît, jusque dans les voies profondes de la respiration.

Ce duvet, ces poussières, que les batteurs soulèvent et respirent abondamment, ne peuvent avoir qu'une très fâcheuse influence sur leur santé... Que ce soit la poussière contenue dans le coton brut, mais étrangère à son duvet, ou bien le duvet lui-même qui ruine la santé des ouvriers employés au battage, toujours est-il vrai que leur dépérissement est certain, constaté ; qu'ils se plaignent de sécheresse dans la bouche, dans le gosier, et sont pris au bout de peu de temps, quelquefois au bout de peu de jours, d'une toux qui devient de plus en plus fréquente...

... La toux est le premier symptôme d'une maladie lente et formidable de poitrine que soulage toujours la simple interruption de ce genre de travail et qui se guérit dans les commencements si I 'on abandonne tout à fait l'atelier pour n'y plus revenir. Cette maladie prend, en se développant, les apparences de la phtisie pulmonaire et les médecins où existent les filatures de coton la nomment la phtisie cotonneuse et, plusieurs, pneumonie cotonneuse. Ces noms sont significatifs. Les victimes vont souvent mourir dans les hôpitaux, mais à mon grand regret je n'ai pu nulle part en connaître la proportion. Ce sont surtout des femmes et des enfants ou des jeunes gens parce que le battage à la mécanique n'exigeant point d'effort musculaire on n'en charge presque jamais les hommes faits.»"

 

Villermé

 

 

"J'étais empoisonné de mauvais air, de miasmes métalliques, d'émanations humaines."

 

Proudhon (quand il était correcteur d'imprimerie)

 

 

"Toujours, toujours, toujours, c'est le mot invariable qui sonne à notre oreille, le roulement automatique dont tremblent les machines. Jamais on ne s'y habitue."

 

Michelet

 

 

 

Le travail des enfants

 

"En général, on peut regarder huit et neuf ans comme étant l'âge auquel les enfants sont communément admis. Les travaux à six et sept ans paraissent se borner à bobiner le fil ou à ramasser le coton qui s'échappe des ventilateurs.»

"Des enfants très jeunes sont placés au rouet destiné à faire les canettes ; là, constamment courbés, sans mouvement, sans pouvoir respirer un air pur et libre, ils contractent des irritations qui deviennent, par la suite, des maladies scrofuleuses : leurs faibles membres se contournent et leur épine dorsale se dévie ; ils s'étiolent et, dès leurs premières années, sont ce qu'ils devront être toujours : débiles et valétudinaires. D'autres enfants sont occupés à tourner des roues qui mettent en mouvement de longues mécaniques à dévider : la nutrition des bras s'accroît aux dépens de celle des jambes, et ces petits malheureux ont souvent les membres inférieurs déformés."

 

Montfalcon

 

 

Debout sans discontinuer pendant seize à dix-sept heures, dont treize au moins dans une pièce fermée, alors qu'un forçat ne doit que douze heures !"

"Ce n'est pas un travail à la tâche, c'est une torture que l'on inflige à des enfants de six à huit ans, mal nourris, mal vêtus, obligés de parcourir, dès 5 heures du matin, la longue distance qui les sépare des ateliers à laquelle s'ajoute, le soir, le retour des mêmes ateliers. Il en résulte une mortalité infantile excessive. »

 

Villermé

 

 

"Les coups et les mauvais traitements infligés aux enfants sont pour ainsi dire chose habituelle et permanente.» « "

"Le nerf de bœuf figure sur le métier au nombre des instruments de travail."

 

 

Le salaire

 

" En général, un homme seul gagne assez pour faire des épargnes ; mais c'est à peine si la femme est suffisamment rétribuée pour subsister et si l'enfant au-dessous de douze ans gagne sa nourriture.

— 2 F pour un homme.

— 1 F pour une femme.

— 0,45 F pour un enfant de huit à douze ans.

— 0,75 F pour un enfant de treize à seize ans.

Il faut admettre que la famille dont le travail est si peu rétribué ne subsiste avec ses gains seuls qu'autant que le mari et la femme se portent bien, sont employés pendant toute l'année, n'ont aucun vice et ne supportent d'autre charge que celle de leurs deux enfants en bas âge. Supposez un troisième enfant, un chômage, une maladie, le manque d'économie ou seulement une occasion fortuite d'intempérance, et cette famille se trouve dans la plus grande gêne, dans une misère affreuse : il faut venir à son secours.

 

En ville, une famille ne comptant que deux enfants dépense par an

Nourriture

Logement

Vêtement

Divers

 

570 F

130 F

140 F

19 F

 

859 F

 

On a pour couvrir ces dépenses :

Travail du père : 300 jours à 2 F

Travail de la mère 200 jours à 1 F

Travail d'un enfant : 260 jours à 0,50 F

 

600 F

200 F

130 F

 

930 F

 

Comme il est impossible à l'ouvrier d'équilibrer son budget, il demande des avances à son patron et, comme il ne peut jamais assez économiser pour les rendre, il se voit condamné à rester chez un patron qui peut lui imposer des salaires de plus en plus bas.

Les amendes viennent encore diminuer le salaire. Le patron étant libre de fixer à sa guise le règlement d'atelier, il en résulte qu'il peut infliger des amendes pour des fautes insignifiantes.

 

 

Le logement

 

Les plus pauvres habitent les caves et les greniers. Ces caves n'ont aucune communication avec l'intérieur des maisons. Elles s'ouvrent sur les rues ou sur les cours, et l'on y descend par un escalier qui en est très souvent la porte et la fenêtre. Elles sont en pierres ou en briques, voûtées, pavées ou carrelées, et toutes ont une cheminée, ce qui prouve qu'elles ont été construites pour servir d'habitation... C'est dans ces sombres et tristes demeures que mangent, couchent et même travaillent un grand nombre d'ouvriers. Le jour arrive pour eux une heure plus tard que pour les autres, et la nuit une heure plus tôt."

 

Villermé

 

 

"C'est une suite d'îlots séparés par des ruelles sombres et étroites, aboutissant à de petites cours connues sous le nom de courettes servant à la fois d'égouts et de dépôts d'immondices où règne une humidité constante en toute saison. Les fenêtres des habitations et les portes des caves s'ouvrent sur ces passages infçcts, au fond desquels une grille repose horizontalement sur des puisards qui servent de latrines publiques le jour et la nuit. Les habitations de la communauté sont distribuées tout autour de ces foyers pestilentiels dont la misère locale s'applaudit de tirer un petit revenu. A mesure qu'on pénètre dans l'enceinte des courettes, une population étrange d'enfants étiolés, bossus, contrefaits, d'un aspect pâle et terreux, se presse autour de ces visiteurs et leur demande l'aumône. La plupart de ces infortunés sont presque nus et les mieux partagés sont couverts de haillons. Mais ceux-là du moins respirent à l'air libre; et c'est seulement au fond des caves qu'on peut juger du supplice de ceux que leur âge ou la rigueur de la saison ne permet pas de faire sortir. Le plus souvent, ils couchent sur la terre nue, sur des débris de paille, de colza, sur des fanes de pommes de terre desséchées, sur du sable, sur les débris mêmes, péniblement recueillis dans le travail du jour. Le gouffre où ils végètent est entièrement dépourvu de meubles, et ce n'est qu'aux plus fortunés qu'.il est donné de posséder un poêle flamand, une chaise de bois et quelques ustensiles de ménage."

"Je ne suis pas riche, moi, nous disait une vieille femme, en nous montrant sa voisine étendue sur l'aire humide de la cave ; mais j'ai ma botte de paille, Dieu, merci !"

 

Blanqui

 

 

"Si vous voulez savoir comment il se loge, allez à la rue des Fumiers, qui est presque exclusivement occupée par cette classe ; entrez, en baissant la tête, dans un de ces cloaques ouverts sur la rue et situés au-dessous de son niveau. Il faut être descendu dans ces allées où l'air est humide et froid comme une cave; il faut avoir senti son pied glisser sur le sol malpropre et avoir craint de tomber dans cette fange pour se faire une idée du sentiment pénible qu'on éprouve en entrant chez ces misérables ouvriers. De chaque côté de l'allée, et par conséquent au-dessus du sol, il y a une chambre, grande, sombre, glacée, dont les murs suintent une eau sale, recevant l'air par une espèce de fenêtre semi-circulaire qui a deux pieds dans sa plus grande élévation. Entrez, si l'odeur fétide qu'on y respire ne vous fait pas reculer. Prenez garde, car le sol inégal n'est ni pavé, ni carrelé, ou du moins les carreaux sont recouverts d'une si grande épaisseur de crasse qu'on ne peut nullement les apercevoir. Une paillasse, une couverture formée de lambeaux frangés, rarement lavée parce qu'elle est seule; quelquefois des draps, quelquefois un oreiller, voilà le dedans du lit. Des armoires, on n'en a pas besoin dans ces maisons. Souvent un métier de tisserand et un rouet complètent l'ameublement."

 

Guépin.

 

 

La nourriture

 

Les ouvriers ne mangent de la viande et ne boivent du vin que le jour ou le lendemain de la paie, c'est-à-dire deux fois par mois. On ne paraît pas savoir assez en France combien la viande est nécessaire aux travailleurs."

 

Villermé

 

 

"Au-delà du morceau de pain qui doit nourrir lui et sa famille, au-delà de la bouteille de vin qui doit lui ôter un instant la conscience de ses douleurs, il ne prétend à rien, il n'espère rien. Vivre, pour lui, c'est : ne pas mourir."

 

Guépin.

 

 

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