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Raymond Fuzellier publie un document familial plein d'intérêt et demeuré inédit depuis près de deux siècles : le journal qu'avait tenu son aïeul Désiré Fuzellier, qui fut un médecin militaire et connut deux ans de captivité en Russie, 1813-1814.

 

L'introduction de Raymond Fuzellier nous rappelle trois grands faits qui méritent, effectivement, .d'être rapprochés. En janvier 1708, Charles XII de Suède franchit le Niémen à la tête d'une armée jusqu'alors invaincue, pour aller tout perdre en Ukraine et ruiner à jamais la puissance de son pays. Le 22 juin 1941,Hitler, à l'improviste, se jette sur l'URSS et va au-devant de son propre écrasement. Entre-temps, le 24 juin 1812, la "Grande Armée" de Napoléon, qui compte environ 700.000 hommes (dont la moitié à peine composée de soldats français; les autres sont des esclaves arrachés aux nations vaincues). Sur ces 700.000 hommes, 50.000 à peine sortiront vivants de Russie.

 

Nous sommes au clair, maintenant, sur ce qu'on ne saurait appeler les "services de santé" dans les guerres, permanentes, de Napoléon. Une réalité hideuse, et dont deux chiffres significatifs commenceront à nous donner une idée précise: le 30 juin 1807, à Kônigsberg, quand on prévoit d'avoir à soigner quelque dix mille blessés, on dispose, en tout, de trois chirurgiens. En 1810, l'Empereur fixe à quarante (quarante-quatre au maximum) le nombre des "officiers de santé" pour chaque division de dix à douze mille hommes. Au combat, le règlement stipule que les ambulances doivent se tenir "à une lieue de l'armée"; autrement dit : les premiers secours aux blessés sont à quatre kilomètres de la ligne de feu et il est formellement interdit aux combattants de transporter eux-mêmes jusqu'aux ambulances leurs camarades blessés. A Borodino, soixante-douze heures après la fin de la tuerie, le plus grand nombre des blessés gisaient encore sur le champ de bataille. On en retrouvera même quelques-uns, au retour, dans la puanteur du charnier que l'armée traverse; survivants par miracle, ils achevaient d'y mourir en se nourrissant de charognes.

 

L'équipement des rares ambulances était dérisoire: douze kilos de charpie, une paillasse, une "caisse à amputations", si mal conçue que plus d'une fois les chirurgiens durent acheter des scies chez les quincaillers des villes conquises. L'anesthésie, l'antiseptie n'existaient pas. Quant au personnel médical, il est rempli de très jeunes gens qui, pour échapper à la conscription et ne point partir sac au dos, se procurent, par relations, un brevet de "sous-aide chirurgien". Mais ces habiles, dans l'ensemble, se conduiront avec dévouement. Quant la Grande Armée s'ébranle, ils sont près de neuf cents. Il n'en restera plus, à Vilna, au retour, que 275.

 

Tant d'horreurs s'expliquent avant tout, écrit Fuzellier, par la complète indifférence de l'Empereur, sur ce chapitre ; et la légende dorée bonapartiste tient à garder, là-dessus, le silence. Un détail encore, qui mérite d'être souligné. Tout le monde connaît la toile grandiose (de Meissonnier) sur "La retraite de Russie", où l'on voit l'Empereur, impavide sur son cheval blanc, à la tête d'une armée qui se retire en bon ordre, dans la neige. La vérité est que, le désastre s'affirmant, Napoléon s'est enfui, dans une luxueuse berline, bien chauffée, contenant un lit douillet et conduite par un attelage qui filait ventre à terre. Napoléon regagnait la France en toute hâte, laissant Ney se débrouiller dans l'horreur. Ainsi avait-il fait treize ans plus tôt, en Egypte, plaquant l'armée que lui avait confiée le Directoire, et chargeant Kléber de liquider l'opération, - Kléber qui va se faire assassiner.

 

article d'Henri Guillemin publié en 1991 

 

 

tableau de Meissonier Jean-Louis-Ernest (1815 - 1891)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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