ACCUEIL | L'HISTOIRE | UNE ETAPE DANS L’HEROIQUE VIE DE LOUISE DE BETTIGNIES

 

 

 

 

 

A FROYENNES (B), AU CAFE DU CANON D’OR, OU ELLE FUT ARRETEE PAR LES POLICIERS ALLEMANDS

 

Article paru dans un quotidien du Nord en 1930.

 

C’est un de ces cabarets de campagne, imposant bâtiment rustique, comme on en rencontre tant sur les routes du Nord de la France et de la Belgique. L’enseigne Au Canon d’Or, annonce en grasses lettres noire que dans le café, "On parle flamand". Rien ne distinguerait cette auberge des autres maisons de commerce de Froyennes (1), si sur le mur une plaque de bronze ne retenait l’attention du passant.
En quelques lignes, d’une émouvante simplicité, on lit que c’est en cette banale habitation que se joua le sort d’une de nos plus nobles et audacieuses héroïnes du Nord pendant la Grande Guerre, une jeune fille dont le nom est aujourd’hui vénéré : Louise de bettignies.

 

 

 

 

 

Comme tant d’autres l’ont fait au cours d’un pieux pèlerinage, nous avons poussé la porte du Canon d’Or. Dans la salle du café, le tenancier, sa femme étaient affables. Notre accent français trahit notre intention dans l’esprit de ces braves flamands.
- Vous venez pour voir la chambre. Ils nous conduisent dans une vaste salle, à l’extrémité du café.
Vous voyez, nous disent-ils, nous l’avons gardée intacte, dans le même état que lorsqu’elle servait de corps de garde aux Allemands qui ont arrêté Louise de Bettignies.
Si vous saviez le nombre de vos compatriotes, tous les Belges qui viennent ici.
- Vous n’habitiez pas cette maison pendant la guerre ?
- Non, nous nous étions enfuis à l’invasion. Les Allemands ont occupé toute l’habitation ; ils avaient installé ici le poste garde d’entrée dans Tournai.
C’est en voulant franchir ce poste, en essayant une fois de plus de déjouer les policiers allemands, pour servir sa Patrie que l’héroïne lilloise est tombée.

 

L’histoire de Louise de Bettignies, le récit de sa vie héroïque et de sa mort a été célébrée avec celui de toutes les femmes françaises qui, d’un côté ou de l’autre du front, ont "fait la guerre". Elle était de celles qui dans nos pays envahis recueillaient des renseignements sur l’ennemi pour les porter à la frontière ; de celles qui couraient la nuit, à travers les routes gardées de France et de Belgique poussant devant elles jusqu’à la frontière hollandaise des hommes que traquaient les maitres du pays.


C’est par un gris jour d’octobre que Louise de Bettignies (2), Alice Dubois, de son nom de guerre, tomba aux mains des Allemands. Poursuivant l’héroïque mission à laquelle elle avait tout sacrifié depuis de longs mois déjà, elle devait ce jour-là se rendre à Tournai porter des documents secrets. Pas de passeport pour franchir les portes ! Une fois de plus, Alice Dubois doit avoir recours à d’audacieux stratagèmes. Aux portes de Tournai surtout à la sortie du bourg de Froyennes, la consigne est sévère. Alice y arrive dans le cabriolet de son ami Lamotte. A ses côtés une jeune fille munie elle d’un passeport, mais qui ignore tout de la mission de sa compagne. Il faut passer le poste du Canon d’Or. Comment ? La jeune fille, Mlle Le François s’avance seule sans danger. Ses papiers sont en règle, elle traverse. A vingt mètres en arrière du poste, Louise a appelé un gamin. Elle lui donne une piécette, lui a glissé quelques mots à l’oreille. Sous l’œil amusé des sentinelles, l’enfant franchit le poste en jouant, repasse quelques instants plus tard, rejoint innocemment Louise, lui glisse un papier qu’il tient plié dans sa menotte. C’est le précieux talisman dont s’est servi Mlle Le François. Les passeports à cette période ne comportaient pas encore de photographies. C’est un jeu pour Louise que d’aller rejoindre sa compagne sur la terre de Belgique plus clémente. Sauvée ? Hélas !

Comme deux oiseaux échappés, les deux amies s’éloignent gaiement, en babillant du poste de Froyennes où elles ont joué un si bon tour aux sentinelles. En évoquant la candeur des croquemitaines bernés, elles rient de bon cœur.. Passent deux civils qui s’étonnent de cette joie gamine. Ce sont deux policiers allemands.
- Vos papiers.
- Nous les avons montrés, dit Louise de Bettignies.
- Faites voir tout de même.
On les ramène au Canon d’Or, on les pousse dans la salle du corps de garde. L’instant est critique pour la jeune lilloise, mais elle pense d’abord à céler (3) le pli confidentiel à la curiosité ennemie. Au moment où elle le porte à sa bouche pour l’avaler, un soldat voit le geste : "Arrêtez-la, crie-il, c’est une criminelle". Trop tard ! On la fouille, on la visite minutieusement ; le message le plus précieux était disparu. Dans cette salle du Canon d’Or, elle subit les plus pénibles vexations, les plus grossières injures. L’émotion fut plus forte  que sa puissante volonté. Elle défaillit. Elle vivait la première étape de son long calvaire.

 

Le 16 mars 1916, à Bruxelles,  Louise de Bettignies était condamnée à mort. Le même  arrêt condamnait à quinze ans de travaux forcés une de ses vaillantes compagnes, Léonie Vanhoutte de Roubaix. La peine de la jeune lilloise fut commuée en la détention perpétuelle. Le mot la fit sourire. En détention, jusqu’à la victoire de la France, dit-elle.

Le 21 septembre 1918, abreuvée de souffrances sans nom, elle s’éteignit à l’hôpital Sainte-Marie de Cologne.

 

L. Bajeux

 

1 - commune située en Belgique, près de Tournai, pas très loin de la frontière française.

2 - le 20 octobre 1915

3 - cacher, dissimuler

 

 

 

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Louise de Bettignies, née le 15 juillet 1880 à Saint-Amand-les-Eaux (Nord), morte le 27 septembre 1918 à Cologne (Allemagne), fut un agent secret français qui espionna, sous le pseudonyme d’Alice Dubois, pour le compte de l’armée britannique durant la Première Guerre mondiale.

 

A Lille, un monument a été érigé à l’entrée du boulevard Carnot et une place porte son nom.

 

 

11 NOVEMBRE 1926

LOUISE BETTIGNIES SAINT AMAND LILLE 1926 1914 1918

 

La maison natale de Mlle De Bettignies, rue de Condé à Saint-Amand (Nord), sur laquelle une plaque commémorative en marbre blanc, a été apposée le 11 novembre 1926, avec l’inscription :


Dans cette maison est née, le 15 juillet 1880,
LOUISE DE BETTIGNIES
Chevalier de la Légion d’Honneur
Croix de Guerre
Officier de l’Empire Britannique
Morte en Captivité
A Cologne, le 27 septembre 1918
Victime volontaire
Des services rendus à la Patrie
"… Elle a déployé un héroïsme qui fut rarement surpassé". Maréchal Joffre.
"… Elle a été la Jeanne d’Arc du Nord". Mgr Charost.
L.P.D.F.*

 

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* La Ligue Patriotiuque des Françaises

 

 

13 NOVEMBRE 1927 : INAUGURATION DU MONUMENT

 

 

 

L'inauguration par les personalités, dont M. Roger Salengro, maire de Lille, et l'importante foule venue y assister.

 

M. Louis Marin, ministre des pensions, le maréchal Foch, le général Weygand, membre du conseil supérieur de la guerre, le général Gouraud, gouverneur militaire de Paris, qui ont présidé à l’inauguration du monument à la mémoire de Louise de Bettignies, observent une minute de silence au monument aux morts de la ville de Lille.

 

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article publié en 1967 dans le journal Pilote

 

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En novembre 1928, avant-première au cinéma Familia de Lille, du film "Espionnage ou la guerre sans armes", réalisé par Jean Choux, qui sortira en 1929.

Le scénario de Jean Choux est l'histoire romancée de Louise de Bettignies, héroïne de la Première Guerre mondiale.

 

 

résumé illustré du film dans Le Pèlerin (novembre 1928)

 

 

 

 

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En 1937, sortit un film de Léon Poirier :Sœurs d'Armes. Une évocation de la vie de Louise de Bettignies (interprétée par Jeanne Sully) et Léonie Vanhoutte.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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