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Dans les derniers jours de la premiere quinzaine d'août s'ouvre l'école de vacances. Chose triste, puisque des enfants sont obligés de se rendre à l'école, pendant que d'autres plus favorisés s'ébattent au grand air sur les plages ou dans les campagnes.
Certes, de nombreuses œuvres fonctionnent dans le but d'enlever les petits enfants pas riches à la fournaise des grandes villes pendant l'été. Hélas ! tous ne peuvent partir. Les œuvres ne sont pas assez nombreuses, ou bien les parents sont trop égoïstes ou indifférents. Alors ces petits-là, habitués de l'école des jeudis bien souvent, sont les hôtes de ces classes qui ne peuvent être, à proprement parler, que des garderies.
Ces enfants, dont les plus jeunes ont quelquefois vingt-huit ou trente mois, sont là dès huit heures du matin et jusqu'à six heures et demie du soir ; ils seront parqués dans des cours plus ou moins chaudes, plus ou moins propres aussi.
Leurs occupations ne sont pas longues à définir. Quelques heures de chant ou de récitation, et puis ils s'amuseront avec quoi ? Avec rien. Les joujoux sont interdits, car on peut avec une balle çasser une vitre, avec une corde on peut faire mal à son petit camarade. Quelquefois, dans un espace de deux mètres carrés, se trouve un tas de sable. Mais sous prétexte d'hygiène, les enfants n'ont pas le droit de s'asseoir, de s'ébattre dedans. Comme l'espace est petit, le nombre des enfants admis à jouer, est restreint. Les autres, pendant ce temps, s'énervent, se battent ou crient.
Que faire pour distraire tous ces petits qui ont besoin, plus que bien d'autres, de soins, de gâteries. Quelques vieilles ardoises sont à leur disposition ; des catalogues de grands magasins leur apportent le plaisir du découpage grossier avec leurs petits doigts. Et cela ne va pas sans les criailleries de certaines femmes de service, plus occupées de leurs lessives personnelles que du bien-être de ces petits parias.
On peut dire, en effet, que ces petits-là sont des parias. Ils sont mal habillés, sur leurs dos des guenilles pas propres et des chaussures qui sont des poèmes. On a beaucoup à faire encore, pour les petits du peuple. Au lieu de donner des prix, on ferait à mon sens œuvre plus utile en renouvelant plusieurs fois par an les distributions de chaussures ou de tabliers. Quand une famille compte cinq à dix petits, comment un salaire d'ouvrier peut-il arriver à entretenir. toute la maisonnée ?
Pour ces enfants-là, il faudrait dans les classes de vacances, outre des jeux et des soins d'hygiène, une nourriture saine et un peu plus variée. Par une température tropicale, les nouilles, les haricots secs, les lentilles sont repoussés et l'on comprend aisément que des légumes verts, quelques fruits cuits seraient acceptés, avec joie par ces petits qui n'ont pour la plupart jamais aucun dessert dans leur panier. On ne saura jamais assez combien est grande la misère morale et matérielle des enfants de certains quartiers de la grande ville. Malmenés souvent chez eux ils rencontrent à l'école, chez certaines femmes de service, une brusquerie de ton et de gestes qu'il serait trop long ici de décrire. Les grands aident les petits dans des tâches qui devraient incomber à ces fonctionnaires qui veulent faire la loi dans l'école. L'institutrice ou les institutrices qui assurent les gardes du jeudi ou des vacances en savent quelque chose. Par crainte souvent, elles s'inclinent et obéissent, parce qu'elles ont peur (et pourquoi) des cancanages, des rapports méchants à la Directrice. Cet état de choses déplorable crée une paralysie générale dans leurs initiatives, et les enfants passent dans ces cours de vacances des jours tristes et énervés.
On prêche en ce moment et sur tous les tons "des économies. Il faut faire des économies". On trouve à en faire sur le dos des enfants qui ont eu la malchance de naître dans une famille pauvre. On pourrait si on le voulait bien en réaliser de plus justes.
En les attendant, des milliers de gosses s'anémient à Paris tous les ans, pendant les mois chauds de l'été. Vous qui le pouvez, envoyez des dons, faites quelque chose pour eux. C'est tellement triste de voir souffrir les tout-petits.
publié en 1930
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