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La mort de celles et de ceux que nous admirons n'est pas une fin. Nous sommes là pour garder leur souvenir, suivre leur exemple et continuer leur tâche. Il semble souvent que l'estime et l'approbation de ceux qui ne sont plus nous accompagnent, nous encouragent et nous soutiennent dans la bonne voie qu'eux-mêmes avaient choisie. Gardons leur souvenir.

 

J'allais avoir douze ans quand mon père, qui était instituteur, décéda. Quelques années plus tard, j'ai eu l'occasion de lire le texte ci-dessous qui me rappela ce triste souvenir. Aujourd'hui, je vous le fais partager.

 

 

Les habitants d'une commune accompagnent au cimetière leur instituteur. Ils disent leurs souvenirs.

- J'avais dix ans quand il est venu. Je ne savais rien; l'année suivante il m'a quand même mené au certificat d'études.
- Il nous a élevés et il a élevé nos enfants.
- Il a conseillé les vieux; il a instruit toute la commune.
- Nommez-moi celui à qui il n'a pas rendu service.
- Quel âge avait-il au juste ? Cinquante-six, cinquante-sept ?
- Cinquante-sept ! Il aurait pu prendre sa retraite, il y a deux ans.
- Le médecin lui avait dit de se mettre au li tout de suite; mais il a voulu faire sa classe quand même. Et trois jours après...
- A peine trois jours ! C'est qu'il y avait de l'usure en lui !
- Il a travaillé, cet homme là !
- Il avait bien mérité sa retraite ! Et puis voila ! ...
Nous arrivons à la maison du maître d'école. Toutes les familles avaient envoyé quelqu'un. Il y avait des enfants immobiles dans un coin. Des femmes chuchotaient.
- Ils disent que c'est un jeune homme qui va le remplacer.
- Celui qui viendra, qu'il soit aussi bon !
- Des messieurs parleront-ils ?
- On dit l'inspecteur...


Au cimetière l'inspecteur prononça un honnête petit discours. Il fut très écouté, car ce qu'il disait, ceux qui étaient là le pensaient profondément, et ses paroles ne dépassaient point la vérité.
Quand il eut fini, le maire s'avança, courbé, et il essaya de lire ce qu'il avait écrit sur une feuille de papier. La feuille tremblait entre ses mains; il lisait mal, d'une voix chevrotante qui n'allait pas loin. On entendit un sanglot d'enfant.
Alors le maire s'arrêta pour toussoter...
Je levai les yeux : toute la commune pleurait.

 

Extrait d'Ernest Pérochon - L'instituteur

 

 

 

 

Je suis en bas à droite de la photo, j'allais avoir 12 ans.

 

DECES DE M. MASQUELIER

 

Nous apprenons la mort brutale survenue à son domicile de M. Arthur Masquelier, directeur de l'école des garçons, enlevé après une courte et douloureuse maladie.
Ses funérailles auront lieu mercredi 26 à 10 h, en l'église de Bachy.

La Voix du Nord - 23 février 1964

 

Une foule énorme accompagnait mercredi matin au lieu de son dernier repos, M. Masquelier, brutalement enlevé à l'affection des siens la semaine dernière. Deux villages, Bachy et Bourghelles, dans lesquels le disparu avait exercé ses fonctions enseignantes étaient réunis autour du cercueil. Les enfants des écoles, conduits par le personnel enseignant, notamment le directeur des garçons de Bourghelles, M Fontenelle, portaient les gerbes qui témoignaient du respect et de l'affection dont M. Masquelier était entouré.

 

L'amicale laïque Romain-Roland, les sociétés d'anciens combattants, suivaient le deuil avec leurs drapeaux. Au premier rang de l'assistance on remarquait M. Béarrée, président de l'Union des Amicales Laïques du Canton.

 

Au cimetière, M. Lemaire, inspecteur primaire, prononça l'éloge funèbre du disparu, venu à l'enseignement par vocation. Après avoir dit son entrée à l'école supérieure d'Haubourdin, ses différentes fonctions de stagiaire à Lezennes en 1932, d'instituteur au Mont-de-Terre, à Lille en 1937, de directeur à Bourghelles en 1941 et enfin à Bachy en 1957, il insista sur sa conscience professionnelle. Il rendit hommage à ses qualités humaines et intellectuelles, à son dévouement. " Il voulait que ses élèves soient autres et s'arrachent à leur condition première". Cinq promotions avaient récompensé tant de mérites, particulièrement en 1961 la médaille de bronze des instituteurs. Après avoir évoqué son jugement sûr et sain, il termina en citant cet éloge : " C'était le meilleur homme et le meilleur instituteur que l'on puisse rencontrer ".

 

Mme Colette, maire de la commune, ajouta en quelques mots le témoignage d'estime et de sympathie de la municipalité. Elle rappela la naissance de M. Masquelier à Bachy, les qualités de modestie et de courage puisées au foyer, le respect des croyances et des opinions dont ne se départissait pas celui que tous pleurent aujourd'hui. Elle renouvela ses condoléances à la famille éprouvée.

 

La Voix du Nord - fevrier 1964

 

 

 

Note :

Par un froid glacial d'hiver mon père se rendit le jeudi 20 fèvrier 1964 à Lille pour effectuer un électrocardiogramme qui révéla un infarctus. Ma mère me raconta qu'en revenant de cet examen, il s'était assis logtemps près du feu à charbon, grelottant malgré la chaleur de la pièce... Deux jours plus tard, il décédait en pleine nuit. Et le samedi matin, Palmyre Houdart, qui, à cette époque, habitait le village, vint nous chercher, moi et mon grand frère, au lycée de Tourcoing où nous étions pensionnaires. Elle nous demanda d'emporter un pull gris. Un silence régna dans la voiture pendant le trajet ...

 

Nous étions en 1964. De nos jours il aurait peut être pu vivre quelques années encore.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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