Le premier empire du cinéma

Pathé est, sans aucun doute, la firme de cinéma française la plus célèbre. C'est Charles Pathé, après de malheureux débuts en Argentine, qui découvre en 1894 le phonographe Edison à la foire de Vincennes. En dix jours, il réussira à emprunter les sept cents francs qui lui permettront d'acheter un phonographe. Le 9 septembre il décide, avec sa jeune femme, de débuter. La recette est de 200 francs, ce qui est inespéré. En 1895, le couple, qui a déménagé au 72 du cours de Vincennes, ouvrira une boutique. La foire du Trône est proche et les forains accourent acheter phonographes et cylindres. Le matériel vient de Londres mais les enregistrements sont effectués dans les locaux Pathé. Il s'agit surtout d'airs d'opéras enregistrés par Charles Rousselière ou Maurice Renaud. Charles Pathé ramène aussi de Londres des kinéstoscopes qui sont proposés aux forains au même prix que le phonographe.

Débuts du cinéma

La branche cinéma n'a encore, vers la fin du siècle dernier, que peu d'importance. Mais en 1908, Charles Pathé expose à son conseil d'administration les projets relatifs au cinéma, avec un appareil bon marché. C'est la naissance de Pathé-Journal. Au début, les actualités sont simulées, c'est-à-dire jouées par une troupe de théâtre, mais très vite elles deviendront réelles et des studios seront installés à Londres, New-York, Moscou, Singapour ...

Le 2 février 1909 s'ouvre à Paris un congrès. Présidé par Georges Méliès et en présence de l'Américain Eastman, ce dernier essaye,de dissuader les Français de se lancer dans la fabrication du film vierge. "Ce sera la guerre entre nous" s'écrie Charles Pathé. La construction et l'installation d'une usine de films vierges peut produire jusqu'à 120.000 mètres de pellicule en émulsion positive et négative.

Premières fictions

En 1908 également, Pathé va se lancer dans le film de fiction. Il signera un accord avec Le Film d'Art (qui a produit "L'Assassinatdu duc de Guise", avec une musique originale de Camille Saint-Saens) et ensemble ils réaliseront "Cléopâtre", "1812», "Mara"(en Russie)... En 1911 Pathé a déjà un catalogue de 4811 films (films comiques, de genre, d'art, grivoiseries...) Le meilleur côtoie le pire. Parmi les chefs-d'œuvre, "Les Misérables", "Les mystères de Paris", les Max Linder... Au départ, les réalisations sont confiées à Ferdinand Zecca (qui continue a régner en maître) mais il doit prendre des assistants (comme Georges Monca, Lucien Monguet ou Gaston Velle). Dès 1906, le cinéma n'est plus considéré comme un divertissement pour le peuple. C'est à cette époque qu'ouvre la première salle: le célèbre Omnia-Pathé, situé 5 boulevard Montmartre. Mais porter le sigle "Pathé" (on a tous vu le fameux coq) ne veut pas dire qu'on appartienne à la firme. Souvent (c'est le cas de l'Omnia-Pathé) les statuts imposent "qu'il ne sera montré que des films Pathé" mais la gestion de la salle est assurée par une autre société.

Le cinéma parle

En 1929, Bernard Natan, nouveau propriétaire de la firme, opte pour le procédé sonore RCA. En attendant que ses studios soient équipés, il fait réaliser "Les Trois Masques" (par André Hugon) à Londres. Ce sera le premier film "100% parlant français". A cette époque, Pathé signe des contrats à long terme non seulement avec les acteurs (Gaby Morlay, Renée Saint-Cyr, Charles Vanel et un débutant nommé Jean Gabin) mais encore avec des metteurs en scène (Maurice Tourneur, Marco de Gastyne, André Hugon, Jean Grémillon...), fait exceptionnel dans le cinéma français. Arrive la Seconde Guerre mondiale... Jacques Siclier, dans son livre "La France de Pétain et son cinéma", analyse très bien le phénomène: d'un côté le film "pro" ("Monsieur des Lourdines" réalisé par Pierre de Hérain, collaborateur notoire, beau-fils de Pétain), de l'autre "Pontcarral", de Jean Delanoy, grand succès d'alors (1942), qui se taille une légende de film résistant. Pathé est aussi à cette période le réalisateur des "Enfants du paradis" (Marcel Carné) tourné entre 1942 et 1945. La dernière réalisation de Pathé date de 1948. Pathé n'abandonne pas pour autant le cinéma. "Le silence estd'or" (René Clair), "LesMisérables" (Jean-Paul Le Chanois), "Les Sorcières de Salem" (Raymond Roulleau), "La Femme et le pantin" (Julien Duvivier), "La Dolce vita" (Federico Fellini), "Le Guépard" (Luchino Visconti)... sont des coproductions avec des firmes amies.

Pathé reste, aujourd'hui encore, propriétaire d'un circuit de 16salles, surtout en province. Pathé a, de plus, constitué une mémoire télévisuelle importante (téléfilms,documentaires...)

article  publié en décembre 1994 à l'occasion d'une exposition au Centre Pompidou,