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Cette emaine, les enfants de Lille, tous les enfants — les petits et même les antres avec une grande barbe — vont voir sur les écrans de leur ville le premier "grand dessin animé français".

 

Il y a bien longtemps qu’on l'annonce ce "premier grand" et chaque projet s'effondre ou s’amenuise. La raison ? Jean Image qui a le droit à la parole puisque le sien est terminé, estime que la cause d’echec est à la base : "On croit, à cause de l'experience Disney et l'incontestable avance prise par cette expérience que le dessin animé est le fait d'une usine, bien compartimentée. avec des directeurs, des services et des plans de travail. Là-bas, on fait un dessin animé comme une auto chez Ford. Ici, on n'a pas les capitaux et, les aurait on, que la chose serait impossible. Ici, on est artisanal, on fait un dessin animé comme une fresque.

— Mais l'animation ?

— L’animation (l'art de transformer en un mouvement équilibré les innombrables dessins qui composent ce mouvement), est une science exacte compliquée nécessitant de véritables ligures de géométrie dans l'espace... inutilisable pour un dessinateur de chez nous... alors, je leur dis : "Allez-y !... sentez !... comprenez !... vivez !... animez comme les sculpteurs animaient les cathédrales et le résultat, c'est que notre équipe rejoint ce miracle du dessin animé et y trouve, malgré d’indéniables maladresses, ce je ne sais quoi qui est la vip de l’imagination que stérilise ja technique".

Jean Image s’interrompt parce que, dans cette rue des Petits-Champs, au cœur de Paris, entre le Palais-Royal et les boulevards, dans cet appartement où il a "inventé" un studio qui ferait sourire un contremaître de chez Disney, à Barbantes, un camion bruyant couvre sa voix. Celaa lui donne le temps d'un retour sur lui-même : "Ne concluez pas que j'estime avoir raison et que le dessin animé c’est ça. Vraisemblablement, je ferais autrement en Amérique et autrement encore en Allemagne. Mais, en France, nous devons trouver notre formule et notre technique avec des qualités et des défauts du terroir".

"Si je suis sùr que la méthode est bonne, c'est parce que je l’ai "rodée" avec des films publicitaires et des courts-métrages. Pour faire 3.000 mètres, il n'y a qu'à travailler dix fois plus que pour un 300 mètres".

Le personnage de ce premier! grand film, c’est "Le Petit Poucet" qui devient "Jeannot l'intrépide" dans ses aventures nouvelles, dans un monde qui appartient à une féerie propre au dessin animé. En pleine imagination ? Peut être, avec une "bride" scientifique ; dans la fantaisie comme dans le comique. il faut une base solide, indiscutable. Ainsi, ce mode est celui des insectes.

Mais ceci est une autre histoire. Une histoire qui se déroule cette semaine sur l’écran.

 

 

 

 

 

Le premier grand dessin animé français en couleurs réalisé par réalisé par Jean Image: "Jeannot l'intrépide"

 

Il y a quarante-quatre ans, un Français, Emile Cohl, réalisait le premier dessin animé sur pellicule. Depuis l’industrie américaine — avec Félix-le-Chat, Mathurin, Myckey et Donald — a conquis le monde. Pourtant grâce à la ténacité et à l’enthousiasma de quelques chefs de file — Paul Grimault, Orner Boucquey, Jean Image — le dessin animé français a survécu.

Jean Image, qui travaille de façon artisanale, avec de pauvres moyens financiers, débuta en 1938 avec des films publicitaires. Après un certain nombre de bandes dont la meilleure sans doute, "Rhapsodie de Saturne", fut sélectionnée au second Festival de Cannes, il entreprit en 1949 "Jeannot l’intrépide" ou "Les nouvelles aventures du Petit Poucet", premier long métrage du dessin animé français en technicolor. Jean Image ne veut pas concurrencer les Américains sur le chapitre des gags — où ils sont imbattables — mais sur celui de l’action et du mouvement. Il recherche un style personnel pour renouveler le genre. On ne peut donc voir sans intérêt, ni même un préjugé favorable, l'aboutissement de douze ans d'efforts.

Des idees neuves en foule nous valent de bons moments — le village d'insectes, la vie de la ruche — mais l’histoire manque de souffle et d’unité. Le film se traîne parfois comme la chenille que l'on rencontre souvent dans ce dessin ou les insectes jouent un rôle si important. Et que dire des couleurs, sinon qu’elles sont ternes ? Pas de gaieté dans les images et des scènes horribles — l'arrivée au château où se déploient toutes les ressources d’une machinerie diabolique, le rire de l'ogre à vous glacer les os. — Les enfants s'amuseront- ils, retrouveront-ils le charme du conte de Perrault ?

Jeannot et ses frères sous la tente d'un camp de louveteaux lisent à haute voix l’histoire du Petit Poucet et, décidant de la vivre, partent dans la nuit, à travers bois, à la recherche du château terrifiant où vit l'ogre.

Après d’excellentes scènes dans la forêt et de moins bonnes dans le château, les garçons restent prisonniers de l’ogre, sauf Jeannot qui réussit à s’évader. Dès ce moment on nous raconte une tout autre histoire. L’intérêt se déplace, ne se porte plus que sur Jeannot qui, pour avoir été transformé en être minuscule par l’ogre magicien, découvre la vie fort curieuse du monde des insectes, la vie des abeilles surtout, ce qui constitue le meilleur du film. Enfin, Jeannot, aidé de ces gracieux insectes, délivrera ses frères et retrouvera sa taille de jeune louveteau dans la forêt egayée de chansons.

Pour la tentative encore unique en France qu’il représente, malgré ses defauts, il ne faut pas manquer d'aller voir le film de Jean Image, pour qui René Cloereo a composé une musique plaisante et Paul Colline, évidemment, des dialogues de chansonnier.

 

article publié en 1951

 

 

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