article publié en 1945 :

 

— O Saint Antoine... ?

— O Saint Nicolas... ?

— O Saint Pierre... ?

Tous les grands noms du Paradis sont rassemblés sur ce plateau pour le plus grand effroi du metteur en scène et des journalistes. Car le bon Saint Antoine a un caractère épouvantable et sa voix bourrue tonitrue comme le mistral. L’homme au cochon et à la tentation, c’est Raimu. Et Monsieur Raimu, de la Comédie Françajse, n’est pas content parce que Le Henaff vient de lui faire recommencer une scène que lui, César, juge parfaite.

— Non et non, je ne recommencerai pas à faire l'andouiile avec ma canne à pèche...

— Fiche-nous la paix, intervient Alerme, qui s'échauffe vite, avec tes jérémiades incessantes, tu nous fais perdre un tempe, précieux...

— Calmez-vous, dit Fernandel, bon enfant au doigt pris entre l’arbre et l’écorce...

Finalement, l’inlassable patience du metteur en scène apaise l’algarade et la caméra se remet à ronfler.

La soène se passe dans un studio parisien où l’on termine la réalisation des "Gueux au Paradis", un film provençal tiré d’une pièce flamande.

— Quel pastis ! soupire Fernandel en rajustant sa mitre et en brandissant sa crosse. Son compère Raimu, engoncé dans sa robe de bure et coiffé d’un chapeau de pèlerin, surenchérit :

— Un pastis, oui tu parles d'un pastis... Ça m'apprendra à tourner avec des gens qui ont un caractère impossible...

Alerme ne tique pas à la provocation. Il se contente de siffloter l’air du Toréador. Alerme-sarnt-Pierre est en effet un afficionado invétéré...

Et c’est ainsi que, commencé entre Cannes et Juan les Pins, le film attend son dernier tour de manivelle à Saint-Maurice. Les colères de Raimu et les ronchonnades d'Alerme ont alterné avec le rire cfe Fernandel, le joli sourire de Gaby Andreu et ia grâce de Michèle Philippe, li faut de tout pour faire un film...