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dans "Les enfants du paradis" de Marcel Carné

 

 

 

 

article publié le samedi 25 juillet 1992 :

 

Arletty, qui s'est éteinte jeudi après-midi à son domicile parisien à l'âge de 94 ans, restera le symbole d'une prodigieuse alchimie entre la grâce altîère de la vamp et l'insolence canaille des faubourgs parisiens. Le ministre français de la Culture Jack Lang a rendu hier hommage à la "femme remarquable" et "comédienne fascinante" qui alliait "le charme, la grâce, la beauté à une franchise et une liberté de ton Inimitables". L'acteur Jean-Louis Barrault, partenaire d'Arletty dans "Les enfants du paradis", s'est déclaré "catastrophé" par la mort de la comédienne, qu'il aimait "beaucoup". "J'ai perdu une de mes actrices préférées et une amie véritable", a pour sa part déclaré Marcel Carné, pour qui la mort de l'actrice est "comme un pan d'une vie qui s'écroule".

 

Arletty s'appelait Léonie Bathiat. Née le 15 mai 1898 à Courbevoie, elle connaît une enfance heureuse entre une mère blanchisseuse et un père employé aux tramways de Paris, jusqu'àla mort de celui-ci en 1916 dans un accident. La mère et la fille sont alors obligées de travailler à la chaîne dans une usine. Mais très vite Léonie préfère la vie de bohème: elle fait son entrée dans les milieux parisiens, s'initie à la musique, devient mannequin, fait du music-hall de 1918 à 1928. Puis, en janvier 1928, tente sa chance au théâtre: c'est un triomphe, pour la pièce "Yves" de Maurice Yvain. Quand apparaît le cinéma parlant, à la fin des années 20, elle s'y met également: ses deux premiers essais, en 1930, "La douceur d'aimer" et "Un chien qui rapporte", sont des échecs. Déçue par le cinéma, Arletty retourne au théâtre, où elle connaît à nouveau le succès avec "Un soir de Réveillon" (1932). "Fric-Frac", en 1937, sera un autre grand succès. Côté cinéma, elle tourne de petits rôles, "des rôles alimentaires" comme elle aimait à le répéter.

 

Le premier vrai départ au grand écran seront deux films de Sacha Guitry en 1937: "Les perles de la couronne" et "Désiré". Puis, l'année suivante, "Hôtel du Nord", de Marcel Carné, la consacre définitivement comme vedette, aux côtés de Louis Jouvet. En 1939 on retrouve l'actrice dans un autre grand film de Carné, "Le jour se lève", avec Jean Gabin et Jules Berry, et dont les dialogues sont signés Jacques Prévert. Quand éclate la guerre, Arletty se réfugie à Perpignan, où elle restera jusqu'en 1941 avant de regagner Paris, sa ville. En 1942 elle joue dans les deux chefs-d'œuvre de Marcel Carné, "Les visiteurs du soir" et "Les enfantsdu paradis". Arrêtée par la Gestapo, internée à Drancy, puis accusée de collaboration à la Libération (pour sa liaison avec un officier allemand), elle est écartée des studios pendant plusieurs années. Mais c'est une nouvelle fois avec le théâtre qu'Arletty connaît ses plus grandes joies: en 1949, elle triomphe dans "Untramway nommé désir", une adaptation de la pièce de Tennessee Williams par Jean Cocteau. Puis ce sera le succès phénoménal de "Gigi" en 1954, d'après Colette.

 

En juillet 1962, un grave accident a l'œil l'oblige à interrompre brutalement sa carrière. Elle fera pourtant une dernière apparition sur scène en 1966, avec la reprise des "Monstres sacrés". Mais en novembre de cette année, Arletty connaît de nouveau des problèmes occulaires: à moitié aveugle, elle prend alors sa retraite définitive, sans toutefois renoncer à fréquenter les théâtres. Retirée du devant de la scène, mais toujours vivante, gaie, pleine de vitalité et de dignité derrière ses lunettes noires, elle fera l'admiration de tous jusqu'à ses derniers jours.

 

 

 

 

 

"J'ai toujours eu de la tenue", proclame volontiers "Mademoiselle" Arletty, 90 ans, cette immense comédienne, qui ne s'est jamais mariée bien que Sacha Guitry lui-même ait souhaité l'épouser, tient assez à ce "Mademoiselle".

 

Après tout, c'est ainsi qu'au Grand-Siècle on appelait toutes les actrices, qu'elles fussent ou non en possession d'époux. Et puis, quand elle a vu mourir à la guerre de 1914 son premier amour, elle n'a plus jamais eu envie de prendre un mari. Elle est comme ça: entière, tout d'un bloc.

 

Elle est arrivée sur scène par le plus grand des hasards en 1920. Après avoir été sténo-dactylo au Ministère de la Justice, place Vendôme à Paris, elle n'avait eu que quelques mètres à parcourir pour entrer comme mannequin chez Schiaparelli puis, de là, chez Paul Poiret, le génial couturier des années folles. La jeune Léonie, en hommage à une héroïne de Maupassant, décide de prendre le prénom d'Ariette. C'est l'écrivain Tristan Bernard qui lui trouvera son nom de guerre définitif en lui conseillant de mettre en finale ce "y" qui faisait si "british". Peu attirée par l'écran des films muets, Arletty n'est venue au cinéma qu'en 1930, lorsqu'il a commencé à devenir parlant. Dans les années qui ont précédé la deuxième guerre mondiale, elle tournera environ une soixantaine de films dont beaucoup sont oubliés mais où elle donne la pleine mesure de ce talent populaire exempt de vulgarité qui lui valut alors le titre d' "impératrice des faubourgs".

 

Toutefois, c'est "Hôtel du Nord" de Marcel Carné qui la fera éclater comme vedette en 1938, avec cette célèbre réplique à Louis Jouvet qui la poursuivra toute sa vie: "Atmosphère ? Atmosphère ? Est-ce que j'ai une gueule d'atmosphère ?" . Carné lui a d'ailleurs donné ses plus beaux rôles : l'équivoque Dominique des "Visiteurs du soir" ou la superbe Garance des "Enfants du paradis".

 

Après avoir figuré dans "Le jour le plus long" de Darryl Zannuck en1962, elle a un accident oculaire qui l'amène progressivement à la cécité. Elle ne s'en plaindra jamais car elle n'est pas de celles qui gémissent sur leur sort. Repliée dans un petit deux pièces du XVIe arrondissement, elle se réfugie dans l'écoute de la musique et des informations car tout ce qui se passe dans le monde l'intéresse...

 

article publié en 1988

 

 

Hôtel du Nord de Marcel Carné (1938)

 

 

Le Jour se Lève de Marcel Carné (1939)

 

 

Madame Sans-Gêne de Roger Richebé (1941)

 

 

Les Visiteurs du Soir de Marcel Carné (1942)

 

 

Les Enfants du Paradis de Marcel Carné (1945)

 

 

Le Jour le plus long (1962)

 

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Arletty, de son vrai nom Léonie Bathiat (15 mai 1898 - 23 juillet 1992)

 

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Arletty-Edith Piaf : "Quand il me prend dans ses bras..." . Il s'agit simplement d'un amoureux : c’est une charge.

Arletty-Mistinguett : "Ouand vous le prenez dans votre coupe..." Il s'agit, au final, du champagne : c’est un triomphe.

Arletty-Ingrid Bergman : "Quand je le prends dans mes bras..." Il s’agit du bébé de Rossellini : c’est une attaque.

 

 

Arletty ne faisait pas que du cinéma !

 

1950 : Arletty en tête de l’Empire passe la République en revue

 

...

Arletty est successivement Ingrid Bergman, Edith Piaf et, au finale intitulé "La France en rose", à la fois Mistinguett, Cécile Sorel et la bonne humeur française. Pour jouer Ingrid Bergman jouant Jeanne d’Arc, Arletty a recours à trois habilleuses qui vissent solidement son armure ; avec elle, sur un pont des soupirs de 14 mètres de long, défilent les deux Roberto Rossellini (le pere et, dans les bras de sa nurse, le fils), Tino Rossi, Orson Welles et Michèle Morgan. Pour chanter La Vie en rose comme Edith Piaf, elle se tord consciencieusement les mains, devant un rideau dessiné par Peynet. Et pour symboliser la bonne humeur, elle s'entoure de ballons, de jolies filles (habillées) et de champagne, le tout évoluant sur un plateau qui tourne au rythme d’airs connus et (bien) arrangés par Maurice Yvain, Francis Lopez, Paul Bonneau et Henri Bourtayre.

"C’est ma 140e revue», a dit Albert Willemetz; "C’est ma première", a répondu André Roussin. Et devant les 70 acteurs qui portent 400 costumes pendant 20 tableaux et arrosent le public de bonne humeur, les spectateurs concluent : "Grâce à la revue de l'Empire, 1951 ne sera pas l’an pire".

 

publié en octobre 1950

 

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