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Emile Cohl - dessin animé "Fantasmagorie"

 

 

LE DESSIN ANIME D'EMILE COHL A PAUL GRIMAULT

 

publié en 1945

 

En feuilletant les albums d'images de mon enfance, il m'arrivait souvent d'ajouter des épisodes à l'action conçue par l'auteur. Je voyais les petits personnages en couleurs au milieu de leurs aventures; j'en imaginais moi-même de nouvelles. Ces images immobiles ne pouvaient contenter mon esprit d'enfant, mais elles servaient de base aux rêves que font tous les gosses et l'impression en était si vive, qu'il me suffisait de fermer les yeux, pour qu'aussitôt le film déroule son action. C'étaient : la Belle princesse, le Chat botté, les cow-boys, Zig et Puce, de présumés monstres sous-marins ou aériens, etc.

A ces personnages, que ma rétine recréait parce que je les avais vus imprimés, venaient s'en ajouter d'autres, des êtres bizarres, difformes, étranges ou comiques. Et, quand quelque incident de notre vie banale venait interrompre ma rêverie filmée, je restais, suivant les cas, sous une impression de joie, de terreur ou d'angoisse.

Je n'avais jamais vu de dessins animés dans un vrai cinéma, mais, pour pallier cette nécessité, que je sentais confusément, je m'en faisais un qui jouait pour moi seul. Je n'avais pas besoin, comme les gosses de riches, qu'on m'achète un pathé-baby ou une lanterne magique : un vieil album ou un illustré à deux sous, un coin de grenier rempli de vieux souvenirs poussiéreux, et "mon cinéma" jouait !

 

Heureux les gosses d'aujourd'hui ! De grandes personnes, qui sont certainement restées. un peu enfant, ont pensé à eux. Et le dessin animé, né en France avec les premiers essais d'Emile Cohl, partit à la conquête du monde, après avoir fait une longue escale dans les studios d'Hollywood.

Avant de devenir une entreprise géante qui absorbe des millions de francs ou de dollars et avant d'attirer à lui des millions de spectateurs avides de divertissement, le dessin animé eut une longue histoire, mais ses manifestations étaient très modestes. Les montreurs de foire disposaient déjà, au dix-septième siècle, de lanternes magiques avec des diapositives à plan mobile. Plus tard, plusieurs chercheurs mirent au point différents systèmes avec des noms très compliqués, tels que le phénakisticope de Plateau et le praxinoscope de Reynaud.

Quand vint la photographie, le dessin animé faillit disparaître du coup, mais Emile Cohl survint et crut avec raison que ce mode d'expression devait survivre.

C'est à lui que nous devons le premier dessin animé sur film. Celui-ci, intitulé "Fantasmagorie", mesurait 36 mètres de longueur et sa projection durait 1 minute 57 secondes. Emile Cohl faisait lui-même tous les dessins. il réalisa ainsi environ 400 petits films dont certains peuvent soutenir la comparaison avec les meilleurs Disney. Malgré cela, il mourut dans la misère, comme son compatriote Méliès et comme la plupart des inventeurs à qui nous devons pourtant toutes les choses dont nous profitons aujourd'hui, en ignorant presque toujours jusqu'au nom de leurs créateurs. C'est le cas d'Emile Cohl, car il était surtout un artiste et manquait totalement de ce que l'on appelle le "sens commercial". D'autres sont venus après lui pour cueillir la merveilleuse affaire et en tirer les profits les plus larges.

 

 

La Flûte Magique - Les Passagers de la Grande Ourse

 

 

Après les réussites de Max Flescher et de Walt Disney, on pouvait se dire que le dessin animé était, non seulement devenu un monopole américain, grâce aux immenses ressources financières mises à sa disposition, mais aussi on pouvait croire qu'ils avaient tout dit, ou presque, par ce moyen d'expression. Or, si le dessin animé est un art, possédant ses lois propres, il est, comme le cinéma en général, un art plus plastique que littéraire et, surtout, il est, comme la musique et la littérature, un art tributaire, de son auteur et du milieu dans lequel il a été conçu, c'est-à-dire un art essentiellement national. C'est pourquoi je ne fus qu'à demi surpris quand je vis le premier grand dessin animé français ; c'est pourquoi Paul Grimaud et Sarrut ont eu raison de s'associer pour créer "les Gémeaux", c'est pourquoi le dessin animé peut, en France, pour peu qu'on l'y aide, devenir une nouvelle forme de l'art cinématographique qui doit conquérir une renommée mondiale. Pour peu, aussi, que l'Etat cesse, un moment, de considérer uniquement le Cinéma comme une industrie qu'on accabla des taxes les plus lourdes.

Paul Grimaud débuta, en 1936, en faisant des dessins animés publicitaires, dont les plus remarqué ont été : "Histoire naturelle", "Symphonie achevée", "Le Messager de la lumière", etc. Plus tard, il commença un dessin de divertissement en couleurs, qui allait s'intituler "Gô s'envole", et qui devait être présenté à l'exposition de New-York. Mais la guerre interrompit ses travaux et le film, profondément modifié, sortit en 1942 sous le titre : "Les passagers de la Grande Ourse". Bien que cinq autres films soient prêts et d'autres en préparation, c'est le seul que le public ait pu voir jusqu'alors, car la pellicule en couleurs manque toujours. C'est seulement après un récent voyage de Paul Grimaud à Londres que les Anglais ont accepté de tirer des copies en Technicolor. A partir de janvier 1946, nous pourrons donc voir enfin les derrières productions des "Gémeaux".

Mais Grimaud ne s'arrête pas là et il a déjà préparé un grand film de 2.500 mètres intitulé provisoirement : "La Bergère et le Ramoneur", dont le scénario est de Jacques Prévert. Ces efforts montrent que le deqsin animé français peut rapidement s'élever à l'échelle mondiale.

 

Pour terminer, voici quelques indications qui pourront vous donner une idée du travail que représente la réalisation d'une bonde de dessins animés : le ou les créateurs conçoivent un scénario, le découpent soigneusement en scènes et plans. Puis ils font naître les personnages types, ébauchent les décors et introduisent la musique de base qui imposera le rythme des mouvements des personnages. Cette musique a une importance particulière dans la réalisation, des dessins animés, car c'est le synchronisme des bruits et des sons avec l'image qui leur donne un attrait bien spécial. Souvenez-vous des "Silly Symphonies" de Walt Disnev, de "Blanche Neige", des séances de claquettes de BettyBoop, etc.

A l'inverse des films habituels, le son est ici composé d'avance et détermine les points de repère des dessins, d'une action à l'autre. Puis les animateurs dessinent les expressions et les gestes principaux, les positions intermédiaires étant réalisées par les équipes de dessinateurs. Ensuite, les dessins sont reproduits sur des cellulos sur les décors appropriés et la caméra enregistre, image par image, le film prévu.

Sachez seulement que 300 mètres de pellicule, c'est-à-dire dix minutes de projection, exigent environ 31.200 dessins pour une scène à deux personnages ! Pour réaliser les 2.500 mètres de "La Bergère et le Ramoneur", les 200 dessinateurs, coloristes, opérateurs, etc., devront travailler pendant trois ans !

Aucune des possibilités du cinéma n'est interdite au dessin animé. En noir et blanc, sans son ni musique, à ses débuts, il fut le premier "sonorisé" et il est encore le premier à utiliser la couleur d'une façon permanente.

Il y a longtemps déjà que Max Fieischer avait, avec son légendaire "Koko", introduit la technique de prise de vues directe combinée avec le dessin animé. C'est ainsi qu'on pouvait voir Koko naître du porte-plume qui le dessinait et sortir de la feuille à dessin pour discuter avec son créateur et lui faire mille blagues, pour la plus grande joie des spectateurs émerveillés. Cette idée a été reprise depuis et Walt Disney a réalisé dernièrement des films où personnages vivants et dessinés se rencontrent dans une même action. Ceci est encore une possibilité de plus quel le cinéma français saura appliquer à son tour, en attendant d'autres progrès qui ajouteront encore à notre plaisir.

 

 

Paul Grimault et André Sarrut aux "Gémeaux" (1953)

 

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Les animateurs dessinent les expressions et les gestes principaux des personnages

Les dessins sont reproduits sur des celluloïds et peints à la gouache

 

 

On place les celluloïds sur les décors appropriés et la camera enregistre image par image

Les bandes terminées sont classées soigneusement dans des tiroirs

 

 

 

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Vous trouverez ci dessous des photos extraites d'un autre article consacré à Paul Grimault publié en 1949 :

 

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On attend impatiemment le long métrage qu’il prépare actuellement : "La Bergère : le roi et son chien" *, le plus long dessin animé qui ait jamais été présenté. Conçu comme un grand film, cette bande doit prouver que le dessin animé peut mériter plus qu’une intrigue mince et plus qu’une illustration comique. C’est le travail de Paul Grimault et de ses 120 collaborateurs que nous vous présentons.

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* titre initialement prévu; le film commencé en 1946, sortira en 1953 sous le titre "La Bergère et le Ramoneur" et un nouveau montage sortira en 1980 sous le titre "Le Roi et l'Oiseau"

 

 

 

des modelages des personnages aident beaucoup pour les croquis

une glace placée devant son chevalet permet à l'animateur d'étudier sur lui-mêmeles mimiques de son personnage

 

 

l'animation prend forme

 

on peint les décors et les cellulos puis on procèdera à à la prise de vues définitive

 

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Émile Courtet, dit Émile Cohl (4 janvier 1857 - 20 janvier 1938)

Paul Grimault (23 mars 1905 - 29 mars 1994)

André Sarrut (10 juillet 1917 - 13 juin 1997)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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