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COMMENT ON FAIT UN DESSIN ANIMÉ
Cette brochure, éditée par la Paramount, nous a paru si intéressante, que nous la mettons sous les yeux de nos lecteurs. (paru en 1931)
De nos jours, le public est très au courant des choses du cinéma. Il est très difficile de l’étonner par des truquages. Et les mises en scène les plus hardies n’ont plus grand effet sur lui. Lee mystères du studio, les secrets des truquages photographiques ont été exposés tellement de fois, que des scènes connue celles où l'on voit un même acteur incarner simultanément deux ou trois personnages différents, le naufrage d’un paquebot, les acrobaties d'un acteur se promenant, au bord d’une fenêtre à 30 mètres du sol, ne laissent plus le public stupéfait et intrigué par la façon dont ces scènes ont été réalisées.
Malgré cela, il y a encore un côté du cinéma dont très peu de personnes connaissent la technique. Nous voulons parler de la fabrication des dessins animées.
La naissance du film.
Tout le monde sait que des artistes strictement spécialisés dans ce genre dé travail, dessinent et animent les personnages créés de toutes pièces par l'imagination d'un Max Eleisher, d’un Ben Harrison ou d'une Manny Gould.
Mais la façon exacte dont on fait mouvoir les personnages de ces .dessins, la quantité de dessins nécessaires à chaque scène, l’importance du personnel qui contribue à leur création, etc... tout cela peut paraître mystérieux aux esprits non initiés.
M. Charles L. Gartner, du "Department" publicité de la Paramount, à Nw-York, eut, dernièrement, l’occasion de visiter les studios où se créent les chansons et dessins animés Paramount.
Il vit tout d'abord une vingtaine d’artistes penchés sur leurs planches à dessins, travaillant diligemment, avec des crayons de la grosseur d'une épingle. Ces artistes s'appellent — terme consacré aux studios — des "animateurs" (ariimators). Afin de ne pas nous écarter de notre but qui est de montrer la façon dont ces films sont réalisés, nous commencerons ici par le commencement en vous montrant la naissance de l’idée qui sert de hase au scénario.
Le choix du scénario.
Avant de commencer un nouveau dessin animé, une conférence a lieu : chaque artiste exprime alors son point de vue (thème et personnages du scénario proposé). Toutes les suggestions sont sténographiées et dactylographiées sur-le-champ. Un scénario est ainsi constitué par le chef de service. Celui-ci condense alors le projet et les suggestions en un petit scénario très court. Une fois les grandes lignes arrêtées, ce scénario est développé en détail. On donne une suite convenable aux scènes, à l’action et aux titres, exactement comme s’il s'agissait du scénario d’un grand film de douze bobines.
Les "animateurs" dessinent d’abord les arrière-plans...
Les fonds ou arrière-plans sont les premières choses que dessinent les "animateurs": extérieurs (sous-bois, montagnes, banquises, déserts, torrents, marines, etc.), intérieurs (premiers plans de fenêtres, portes, de meubles, etc.).
Puis les personnages, au moyen de calques successifs.
Dès que les arrière-plans sont achevés, les artistes commenceront immédiatement sur des feuilles vierges, à "animer" les différentes scènes convenues. Car des milliers de dessins sont nécessaires pour donner l’illusion du mouvement lorsque ces dessins défileront à l’écran à une cadence rapide.
On assigne à chaque artiste une série de scènes à dessiner sur papier transparent, car il devra procéder, cela va de soi, par calques successifs. Ayant établi le dessin-type servant de point de départ à sa première scène, il fixe alors un premier calque sur ce dessin qu’il reproduit exactement, en modifiant la position du bras, de la jambe ou de la tète, suivant le cas. Et ainsi de suite, autant de fois qu’il est nécessaire pour faire exécuter un mouvement complet à son ou à ses personnages.
Chaque dessin représente donc une attitude différente. Et le seul fait, par exemple, de faire lever un bras d'un personnage, exige une série de quarante à cinquante dessins.
Les dessins sont reportés sur des feuilles de celluloïd.
Une fois que tous les .dessins du film sont terminés sur papier calque, ils sont transmis aux "traceurs" (tracers) qui sont chargés de les transposer sur des feuilles de celluloïd de même dimension. Afin que les repérages soient parfaits, papiers-calques et feuilles de celluloïd sont percés, dans le haut, de deux trous qui s’emboîtent dans deux chevilles fixées sur les planches à dessin des "animateurs" et des "traceurs".
On n’a pas été sans remarquer que la plupart des personnages de dessins animés ont de teintes foncées, ceci afin de leur donner du relief et de l’opacité. Les corps de personnages sont coloriés alors sur celluloïd par les "traceurs". On emploie des gouaches noires ou blanches afin que les feuilles de celluloïd puissent être lavées après avoir été photographiées et resservir indéfiniment.
Les dessins sont numérotés par un superviseur.
Les dessins étant au complet (arrière-plans d’une part, personnages d’autre part), sont numérotés avec soin par l’artiste superviseur, qui commande le nombre de photographies nécessaires pour l'enregistrement du mouvement. La caméra ordinaire enregistre seize images ou "cadres" par seconde. Mais les caméras d’un modèle spécial, employées pour la photographie deos dessins animés, sont faites de telle sorte que chaque cadre ou image coincide avec un tour de manivelle. Cette manivelle étant actionnée, ici, par l'opérateur, au moyen d une pédale.
La photographie.
Le dessin animé complet est transmis à ce moment seulement au photographe. Il comprend généralement de 10.000 à 20.000 feuilles de celluloïd.
Le photographe place devant l’objectif de sa caméra la feuille représentant l’arrière-plan (décor eu passage) qui, souvent, on le sait, reste immobile ou évolue pour son compte, indépendamment des personnages. Par-dessus cet arrière-plan viennent se superposer les animaux ou les bonshommes dessinés, nous l'avons dit, sur des feuilles de celluloïd (tellement claires que l’arrière-plan apparaît par transparence, avec une netteté parfaite.
Ces feuilles sont placées dans un cadre qui se trouve directement sous la caméra que l’on manoeuvre d’en haut. Elles sont fixées à ce cadre au moyen de deux chevilles identiques a relies qui se trouvent sur les planches à dessins des "animateurs" et des "traceurs".
Dès lors, il ne reste plus qu’à les mettre en place successivement et qu’à photographier une à une ces combinaisons. On imagine volontiers la précision, la rigoureuse exactitude avec lesquelles ces dessins doivent être combinés, répétés, superposés, enregistrés, afin d’obtenir des mouvements sans saccades et sans-à-coups, et quel admirable travail de patience constitue un pareil labeur.
Un véritable travail de patience.
Pour être plus clairs et pour que l’on puisse se faire une idée approximative du rôle du photographe dans la fabrication d'un dessin animé, prenons un exemple :
Supposons que la scène représente "Robin des Bois" tirant à l'arc. L’arrière-plan nous montre la forêt de Sherwood.
Dans le cadre horizontal, dont nous parlons plus haut, on a fixé la feuille de celluloïd, représentant la forêt de Sherwood. Et sur celte première feuille, on a placé une seconde feuille sur laquelle est dessiné le corps. Ce personnage est montré dans une attitude naturelle pour tirer à l'arc, sauf que ses bras, son arc, sa flèche manquent. Ces membres et ces objets sont dessinés séparément sur une seconde, troisième, quatrième feuille de celluloïd. Et des feuilles, — dont le nombre peut varier à l’infini — placées successivement sur la première,complètent le personnage, lui conférant chacune un mouvement différent.
Pour faire mouvoir "Robin des Bois ", on substituera différentes feuilles représentant les bras, l’arc et la flèche dans des positions différentes. Et c’est ce qui donnera l'illusion de mouvements continus et naturels.
S'il y a dix personnages à faire vivre, le travail et la difficulté seront imultipliés par dix.
La sonorisation.
Les effets de son et de voix sont ajoutés après coup, lorsque le film proprement dit est complètement achevé.
La prochaine fois que vous verrez un dessin animé sonore Paramount, essayez d’estimer le nombre de dessins nécessaires pour chaque mouvement et vous vous rendrez compte du travail et du temps qu’il a fallu pour réaliser cet attrayant spectacle qui vous divertit un moment, et dont la technique, outre l’humour extraordinaire, l’imagination et le talent qui président à sa naissance, est une véritable merveille.
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