ACCUEIL | LES CELEBRITES | ROBINSON CRUSOE

 

 

 

 

 

 

Robinson Crusoé est le héros d'un roman d'aventures anglais de Daniel Defoe, publié en 1719.

 

 

 

 

C'est l'histoire d'un type ordinaire qui passe vingt-huit ans sur une île au large de l'Amérique du Sud. Cette intrigue plutôt simple a assis la renommée du romancier britannique Daniel Defoe il y après de trois siècles. Ce succès ne s'est jamais démenti: le personnage de Robinson Crusoé reste inspirateur à plus d'un titre.

 

Defoe aurait-il cru que "La Vie et les aventures étranges de Robinson Crusoé de York, marin", publiées en 1719, susciteraient un engouement aussi durable? Moult réimpressions, tôt, et très vite, des imitations, des variations à foison. En Allemagne, ont paru au XVIIIe siècle une centaine de "robinsonnades" (le mot serait né dans la préface d'un roman allemand de 1731). Depuis, il y a eu des Robinsons français, suisses, russes, américains, un Robinson des Alpes, un autre des glaces, un de douze ans. Etc! Et autant de commentaires et analyses, à commencer par les "Serious Reflections during the life of Robinson Crusoé", de Defoe lui-même. Les spécialistes ès Robinson — il y en a! — font état de deux mille études! Pas étonnant donc de retrouver Crusoé à la proue d'une collection nouvelle des Editions Autrement ("Figures mythiques")vouée "aux personnages de fiction les plus mythifiés, les plus emblématiques de nos valeurs, de nos passions, de notre part maudite". Lancelot, Salomé, Carmen, Caïn, Oedipe: belle compagnie pour Crusoé, qui en manqua si longtemps!

Pour explications au succès du Robinson original, les arguments sont légion. D'abord la forme de l'œuvre. L. Andries, versée en littérature XVIIIe siècle et instigatrice du recueil sur Robinson, évoque la révolution littéraire que fut le livre de Defoe, "père fondateur du roman moderne d'aventures", "inventeur du faux récit autobiographique, solution nouvelle profondément originale à la relation entre fiction et réalité". Dans cette rupture historique avec le voyage imaginaire et le conte de fées, "un homme nouveau part à la conquête du monde, explorateur, colonisateur, marchand, bâtisseur d 'utopies".

 

Le modèle et "le" modèle Homme nouveau certes, mais héros malgré lui, bien ordinaire. A ce personnage, chacun put aisément s'identifier. Plus qu'au vrai Robinson... Crusoé aurait eu pour modèle Alexander Selkirk, Ecossais devenu marin parce qu'indésirable dans son village ("chahutait à l'église"). Pas calmé par l'air du large, Selkirk se disputa avec son capitaine et demanda à rester dans l'archipel Juan Fernandez, au large du Chili — avec fusil, hache, couteau, chaudron, tabac, Bible et livres de piété, instruments et livres de marine. C'était en 1704. Selkirk fut délivré en 1709, quasi incapable de parler et gavé de chèvres lâchées là par des pirates pour leurs escales — ces chèvres furent pour Selkirk comme l'empreinte de pied pour Crusoé: un signe effrayant... Un officier a décrit la découverte de Selkirk comme le "sujet le plus stérile que la nature puisse fournir". Erreur! L'aventure insulaire de Selkirk rejouée par Crusoé fut fertile! Ce qui paraît aujourd'hui stérile, c'est ce solde des aventures de Crusoé qu'on ignore souvent, pour cause d'éditions abrégées: ainsi le début, où Robinson est planteur et marchand d'esclaves au Brésil, ou la fin de la première partie, une traversée des Pyrénées avec des loups pour le tragique et Vendredi aux basques d'un ours pour le comique. Et qui lit encore cette seconde partie où Robinson retourne sur son île, laissée à une poignée d'Anglais et d'Espagnols: chronique pas distrayante de disputes incessantes sur une terre fraîchement colonisée. Bref, d'une certaine édition, complète, les 240 pages contant la solitude de Crusoé forment une île dans l'océan d'ennui des 300 autres.

 

article de Jean-Luc Renck publié en 1997

 

 

 

 

 

Taillé en pièce pédagogique

 

Defoe s'est plaint, dans ses "Serious Reflections", des éditions dépouillées "de toutes ces réflexions, aussi bien religieuses que morales, qui non seulement constituent les plus grandes beautés du texte, mais ont été calculées pour l 'avantage infini du lecteur"... Rousseau a été un élagueur zélé. Il écrit, dans son "Emile ou De l'éducation": "Puisqu'il nous faut absolument des livres, il en existe un qui fournit, à mon gré, le plus heureux traité d'éducation naturelle, c'est Robinson Crusoé dans son île, seul, dépourvu de l'assistance de ses semblables et des instruments de tous les arts, pourvoyant cependant à sa subsistance(...). Ce roman, débarrassé de tout son fatras, commençant au naufrage de Robinson près de son île, et finissant à l'arrivée du vaisseau qui vient l'en tirer, sera tout à la fois l'amusement et l'instruction d'Emile". C'est ainsi qu'expurgé, le "Crusoé", de roman populaire, a pris couleur et réputation d'une histoire pour enfants retraçant "vingt-huit ans de vacances et de débrouillardise avec les moyens du bord"...

 

Ambition contrenostalgie

Est-ce à dire que, depuis lors, les adultes se sont détournés de Robinson? Non, certes! Ce qui intéresse les enfants éveille toujours une curiosité d'adulte. Combien de fois donc les grands ont-ils philosophé sur cette île "où il fait toujours beau", qui "ne connaît pas de saisons", dont "l'intemporalité est celle de l'innocence et de l'enfance", dont la société — animaux, d'abord — est un univers en réduction et dont l'espace est un "paysage miniature construit à l'échelle du jeune public". L'île vierge à explorer et aménager sans avoir à rendre de comptes, c'est un rêve pour ados. Là, un immanquable ressort: Robinson n'est "a l'origine qu'un mauvais fils, jeune rebelle enclin à la fugue et au vagabondage, qui quittera le domicile familial malgré la malédiction de son père". Une leçon de morale parmi les innombrables semées dans les robinsonnades — le Rohinson suisse du pasteur Wyss figure à cet égard en bonne place. Crusoé, c'est l'enfant prodigue de la parabole qui "désobéit à son père qui lui a demandé de (...) renoncer à son vain désir de voir du pays et de s'enrichir sans travailler de ses mains". C'est aussi Jonas, le voyageur maudit. Et tant qu'on y est, le roman, c'est la parabole des talents: incapable de gérer l'héritage familial, Robinson va faire prospérer son île, reçue directement de Dieu, une "grâce qui ne se mérite ni ne se refuse".

 

article de Jean-Luc Renck publié en 1997

___________________________________________

 

 

Dan OHerlihy, Les Aventures de Robinson Crusoé de Luis Bunuel (1954)

 

 

Pierre Richard dans Robinson Crusoé, téléfilm en deux parties, réalisé par Thierry Chabert (2003)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  ACCUEIL | LES CELEBRITES | ROBINSON CRUSOE

 

 

bachybouzouk.free.fr