LES YEUX

Les yeux vont par deux dans la vie*. Ils font, d'ordinaire, bon ménage et il est assez rare, en somme, qu'un œil dise zut à l'autre.

On se demande pourquoi, en dépit de leur bonne entente, les yeux n'ont jamais d'enfants? Cela tient, je suppose, à ce que la nature indiscrète fourre toujours le nez entre eux. à moins que tous les yeux ne soient du même sexe, ce que je ne saurais affirmer, n'étant point allé y voir. De leur stérilité, d'ailleurs, ils savent se consoler : chacun d'eux a sa pupille sur qui, jalousement, il veille, ne la laissant approcher, et le moins souvent possible, que par l'espèce d'enflé qu'on nomme le compère-loriot.

Les yeux mènent, en apparence, l'existence régulière de braves petits boutiquiers, ouverts tous les jours, même le dimanche, fermés à l'heure du couvre-feu.

Mais il ne faut pas s'y tromper : les yeux ne valent ni plus ni moins que le commun des mortels. Ils comptent, dans leurs rangs, de sombres criminels. Il y a des yeux menteurs et remplis de malice ; il y a des yeux incendiaires ; il y a des yeux assassins. Vous trouverez parmi eux de ces aimables voleurs que Molière a dénoncés, et qui, en tapinois, nous dérobent nos cœurs. Et je n'affirmerai pas que ceux qui semblent les plus blancs n'ont pas à se reprocher le doux péché de luxure. Il convient de citer, enfin, maints petits yeux polissons qui ne se font aucun scrupule de déshabiller, en pleine rue, les dames avantageuses.

Leurs fautes, on doit le reconnaître, ne sont pas sans mériter les circonstances, atténuantes. Ils sont fréquemment attaqués. L'expression : "pan t dans l'oeil..." est devenue proverbiale. Tout petits, c'est une vieille maniaque qui vient leur lancer du sable. Plus tard, les esbroufeurs leur jettent de la poudre et ils deviennent le point de mire de quantité de gentes créatures qui usent, pour les atteindre, des mille armes dont elles disposent. Mais elles savent taper si gentiment dans l'œil que celui-ci ne leur oppose qu'une résistance illusoire. Il sait fort bien qu'en ces combats, le mieux est, pour les yeux, de se laisser cerner, car semblables en cela à la femme de Sganarelle, il leur plaît d'être battus.

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* A l'exception de ceux du fromage de. gruyèreet du bouillon gras, qui vivent en grandes multitudes, et de quelques Isolés * comme l'œil de la conscience et celui -de Moscou.

Jean Bonot.

paru dans un quotidien en 1922

QUE VOYEZ-VOUS DANS CES CERCLES ,

Le daltonisme est une affection plus répandue qu'on ne le croit :un homme sur 25, une femme sur 250 en sont atteints. dans la plupart des cas, les daltonniens ne distinguent pas le rouge et le vert; dans de rares cas, le daltonien ne distingue aucune couleur. Dans le cas où un métier demande un œil sans défaut (mécanicien de chemin de fer, aviateur, ...) les médecins utilisent une série d eplaques colorées mises au point par un Japonais, le Dr Shinobu Ishihara.

Voici quatre de ces plaques. Regardez les bien. Si vous n'êtes pas "aveugle aux couleurs", vous distinguerez : sur la palque A, le nombre 29; sur la plaque B, le nombre 45; sur la plaque C, vous ne lirez aucun chiffre; sur la plaque D, le nombre 26.

Un daltonien 100 % ne distinguera rien sur aucune de ces plaques. S'il ne vous manque que les couleurs verte et rouge, vous lirez sur la plaque A le nombre 70, sur la plaque B vous ne lirez rien, et sur la plaque C, 5. "Aveugle au vert", sur la plaque D, vous verrez un 2; aveugle au rouge", vous ne verrez que le 6.