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Une ieune fille nue devant un seau d’eau ! A quel rite de sorcellerie sacrifie-t-elle ?

 

 

Dans le Périsord les les se déshabillent... ..devant la "sorcière" pour trouver un mari

 

Un petit village de la Dordogne où l'électricité manque encore dans bien des foyers. A la terrasse d’une petite auberge, Jeanne, la jolie fille qui m’apporte à boire, a l’air songeur.

— Triste ?

— Un peu !

Son visage s’éclaire... "Tiens la sorcière !"

Une vieille femme misérablement vêtue, poussant devant elle quatre chèvres au poil collé, passe sans nous voir.

— Pourquoi l’appelez-vous la sorcière ?

— Mais c’en est une vraie f Tout le village la connaît. On ne l’aime pas beaucoup mais on la respecte; sans doute parce qu’on a peur d’elle. Elle habite une maison en ruines à la lisière du bois. Il y a peu de filles au pays qui ne soient allées la voir.

— Vous-même, peut-être ?

La belle fille rougit.

— J'y vais ce soir. Je voudrais tant que mon fiancé se décide ; il n’est pas très pressé.

— Et c’est ce soir que vous pensez...? Elle acquiesce.

— Ça vous ennuirait beaucoup que je vous accompagne?

La fille est longue à convaincre. La sorcière est une personnalité à qui l’on craint de déplaire. Enfin, elle consent :

— Mais vous vous cacherez.

Comme la nuit tombe, je retrouve ma compagne. Elle a apporté avec elle un louis d’or, une photo et un anneau. Nous arrivons à la masure branlante de la vieille. Tout autour des chats, des chiens, des chèvres, des lapins, semblent faire bon ménage. Je me dissimule derrière la porte.

Un regard dur avec une fixité étrange, la sorcière s’approche de Jeanne :

— Déshabille-toi. La jeune fille s'exécute.

— Tu apportes ce que je t’ai demandé ? demanda la vieille.

— Oui, voilà la pièce, un anneau, et la photo de mon fiancé.

— Glisse la bague à ton doigt. Elle met la pièce et la photo dans sa poche.

— Prends ce seau de la main gauche. Il est plein d’eau, prends la pioche aussi. Suis moi. Elles sortent de la cabane ; vont dans la petite clairière derrière le poulailler, la lune éclaire comme une lampe.

— Ramasse quelques brassées de bois mort. Moi, je trace un cercle d’une dizaine dë mètres de diamètre. J’y entasse au milieu le bois que j’ai ramassé et y mets le feu.

Jeanne obéit ; ses pieds se piquent aux chardons que je ne peux voir. Un nouveau commandement:

— Viens dans le cercle. La diablesse pose près du feu le seau plein d’eau, tend la photo de l'amoureux récalcitrant.

— Laisse la tomber au fond du seau et régarde.

La photo disparaît aussitôt. On ne voit sur l'eau que le reflet des flammes. Elle sort de sa poche quelques poignées d’herbe, les jette dans le feu avec d’interminables incantations.

— Appelle ton ami, ordonne-t-elle.

— André i André !

— Son image va t’obéir et quand tu la verras paraître dans l’eau, laisses-y tomber l’anneau d’argent en disant : "André, nous nous marierons cette année".

Quelques minutes d’appel, l’autre attise le feu en récitant toujours d’obscures oraisons. Enfin, dans le reflet des flammes, un visage lointain sourit. Jeanne lâche la bague, l’eau se trouble, les rides s’effacent lentement.

— "G’est bien. Viens ici maintenant. La petite servante se laisse conduire au pied d’un gros chêne.

— Prends la pioche, creuse ici un trou aussi grand que le seau.

La terre est dure, la pioche lourde. Jeanne se met à l’ouvrage. Il faut pas mal de temps pour que le trou soit assez profond. Lorsque c’est terminé, il n’y a plus qu’un tas de cendres au milieu de la clairière.

— Maintenant va prendre le seau et vide-le dans le trou.

En quelques instant l'eau est absorbée par la terre sèche et tout au fond, sur la bague d’argent et sur la surface glacée de la photo, danse un rayon de lune.

— Remets la terre dans le trou et ce sera fini.

Jeanne obéit : avec les pieds, avec les mains. Elle est harassée.

Quand j’ai rejoint Jeanne sur la route, je lui demande :

— Qu’aurait-elle fait si vous n’aviez pas eu de louis d’or ?

— Elle aurait refusé.

— Même avec une somme équivalente ?

— Ce n’est pas de l’argent qu'elle veut. C’est de l’or.

— Pourquoi ?

— Un jour, elle a expliqué qu’elle tenait son pouvoir de l'or et rien que de lui.

— Qu’en fait-elle ?

— Elle l'entasse.

Le garde-chasse qui l’a surprise, dit qu’il l’a vue en mettre dans un grand sac. Elle dit aussi que si elle l’échangeait contre de la nourriture, des vêtements ou même des billets, c’est sa puissance même qu’elle vendrait, et qu’elle ne serait ptus qu’une pauvre vieille femme.

 

Et voilà comment, au XXe siècle, les filles crédules cherchent encore un mari.

 

Publié en 1946

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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