Trop robots... pour être vrais

UneE des plus grandes brasseries d’Anvers met actuellement à ia disposition de ses clients une attraction qui ne manque pas d’éclat (métallique) : un jazz de robots composé d’un guitariste, d’un batteur et d’un saxophoniste ; trois personnages hallucinants de l’ère future qui, pour cent sous belges, vous jouent le dernier "boogie" à la mode, ou vous transforment le cœur en éponge avec la dernière romance à succès. Ils sont même capables, pour le même prix, de faire de l’œil à votre cavalière, quand vous avez le dos tourné, comme tout musicien de brasserie qui respecte les bonnes vieilles traditions de sa corporation.

Le batteur joue du tambour et des cymbales, tandis que ses pieds actionnent la grosse caisse et que sa tête se balance au rythme de la musique. Pour jouer de son instrument, le saxophoniste se lève de sa chaise, agite ses doigts sur les touches de son saxo et gonfle les joues avec beaucoup de drôlerie. Quant au guitariste, il gratte ses cordes avec une tristesse irrésistible. De plus, le batteur est capable de chanter !

Leur créateur, patron de la brasserie, s’appelle Zenon Specht. Il affirme qu’il lui a fallu six ans pour mettre ses curieux "enfants" au point. Nous voulons bien le croire, mais tant de perfection mécanique nous laisse néanmoins rêveurs... On aime les bonnes grosses blagues à Anvers ; on y aime aussi la bonne bière. En bomme avisé, M. Specht a pu penser que l’alliance des unes et de l’autre ne pouvait être que très profitable à la marche des affaires de son joyeux établissement...

publié en décembre 1953