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Parler de leur rencontre serait banal; elles le sont toutes, venues du hasard, d'un regard, d'un geste involontaire que l'autre interprète à sa façon. Très vite, ils s'aperçurent que leurs goûts étaient les mêmes; ils lisaient peu, mais regardaient souvent la télévision, passaient même de très longues heures devant l'écran, ne baissant jamais le son ni ne zappant lors des spots publicitaires. Ils s'admiraient réciproquement. Dût-elle souffrir de petits inconvénients mensuels féminins, il se réjouissait de la savoir "au sec", avec une "fraîcheur lavande". Grâce à une crème "triple acide de fruits" et au "masque dermoprotecteur" d'une autre, elle irradiait. Et puis sa grand-mère devait savoir "faire du bon café"... II savourait tout cela, en riait de toutes ses dents protégées par un dentifrice qui était une "force de la nature".
Un jour, il n'y tint plus, lui demanda sa main. Elle la tendit, superbe; il vit tout de suite qu'elle utilisait une "barrière protectrice entre ses mains et la vaisselle". Et, parce que "les chats ne s'en lassent pas", lui demandait-il quelque chose qu'elle hésitait à lui accorder, qu'elle ne disait jamais non, se contentant de secouer ses cheveux d'autant plus éclatants qu'elle les traitait avec un "séborégulateur".
Mais sa "formule auto-active" l'emporta. Un autre jour, il n'y tint plus, espérant qu'elle ne viendrait pas chez lui par hasard ni pour rien. Longtemps, après qu'ils eurent retrouvé "la douceur du paradis sous la douche", il caressa sa peau "que le monoï nourrit et enveloppe dedouceur". Venu de "vitamines C naturelles", "d'agents lavants neutres" et "d'activateurs de propreté", leur bonheur était total, entier; on les regardait avec envie comme ce fromage à pâte dure couvert de pseudo-épis de blé et "gorgé de soleil"...
Chacun pourra évidemment compléter ce bref échantillon des âneries entendues à la télévision. II n'en reste pas moins que ces spots appellent au moins deux commentaires: comment des fabricants soucieux de vanter, donc de vendre leurs produits, peuvent-ils accepter un tel infantilisme du texte, et pour qui prend-on le consommateur sinon pour un couillon ?
Que tout soit bon pour attirer les mouches, nous n'en avons jamais douté, mais à quand des publicités raisonnables, dont les slogans, partant les textes soient intelligents, raffinés, élégants ? Les limites que le Conseil Supérieur français de l'Audiovisuel entend ne pas voir franchir - il recala un jour un projet de spot pour un papier hygiénique à tourner dans une... cellule de carmélite... - sont bien élastiques ! Plus qu' "une main, un stylo, deux yeux et une enveloppe à cases", il faudrait aux hommes un peu de tête. Est-ce trop demander ?
article de Claude-Pierre Chambet sous le titre Arti...fices de pub ! et paru dans un quotidien en 1994.
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en 2018, les serviettes périodiques "se gorgeaient enfin" de sang rouge !
Fol épi, un grand fromage, gorgé de soleil
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