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Elles ne sont pas légion. Il les faut rares pour prétendre à la une des magazines. Leur profil exige de la personnalité et une gloire acquise ailleurs, à la scène, à l'écran petit ou grand, c'est le cas d'Isabelle et de Claire, ou alors qu'elles soient filles à papas huppés, comme Claude l'Elyséenne. Ce sont les NMCHG, les Nouvelles mères célibataires haut degamme, le dernier chic parisien.
Saisies par le désir d'enfant et le défi d'ignorer les vieux usages, très au-dessus des contraintes économiques pesant sur les familles où le salaire de l'homme demeure nécessaire, les mères célibataires haut de gamme offrent à la curiosité du peuple leur fécondité solitaire. L'extra social fait rêver. Auprès des mères ordinaires elles jouent le rôle des princesses allégées des misères de l'existence. Les besoins de la condition humaine, elles n'y touchent que pour les gérer à leur guise, hors des normes, à l'abri des jugements. Rendons-leur justice. Cesfemmes-là, au départ en tout cas, ne souhaitent pas toutes se faire voir. Créditons même les meilleures de chercher dans la maternité sauvage un refuge contre l'aliénation de la célébrité, un lieu où affirmer leur indépendance. Mais c'est compter sans les médias, sans les magazines, acharnés, parce que certains en vivent, à traquer la vie privée des gens en vogue pour la rendre publique. Et les voilà démasqués.
Par ces journaux-là se trouvent alors livrées, sans qu'on sache si les intéressées finissent par y consentir ou s'y résigner (ne dit-on pas que telle ou telle en tire profit!), les images successives de leur grossesse, de leurs couches (les photographies de la clinique à défaut de leur ventre), et des premiers cris de l'enfant, en attendant ses premiers pas.
Un jour peut-être, dans un siècle, on s'amusera de cette presse "pampers" d'avant l'an 2000, avide de layettes, de poussettes, et s'interrogeant sur l'identité des pères, lorsque ces derniers demeuraient dans l'ombre, autant de clichés obtenus par la patience, l'astuce ou l'argent. Mais surtout, on s'étonnera du retournement des mœurs de cette époque.
Naguère, une naissance sans père apparent vouait au reproche, souvent à l'opprobre, parfois au drame. Aujourd'hui on voit des femmes en tirer gloire et fierté, comme d'un exploit, quelque chose comme traverser une rivière sans se mouiller, la parthénogenèse enfin réussie. Adam congédié, voyez Eve campée sur son territoire marqué des symboles de sa conquête, sa voiture, sa carte de crédit, son téléphone portatif, cercle d'objets autour du berceau. Amazone bottée, elle regarde venir le temps où la généralisation des banques de sperme parachèvera son triomphe.
Ce glissement de la mère vers l'autosuffisance était-il obligé ? Libre, elle aurait pu évoluer autrement. Sous l'Ancien Régime, dans le beau monde, la liberté des femmes les por-tait à s'enorgueillir de l'amant. L enfant n était que le fruit non désiré des amours. A présent, il semblerait que l'orgueil se déplace sur l'enfant, l'homme réduit au rôle de donneur. L'histoire des comportements, en France notamment, montre qu'avec la hiérarchie sociale a toujours varié le rapport des femmes aux règles du mariage et de la famille, et qu'en s'émancipant socialement, elles se sont aussi émancipées de la morale ordinaire. L'idéologie y a joué son rôle, la politique également.
Sous la Révolution la maternité était une vertu. Du sein maternel coulait le lait de la République. A côté de l'époux, toute femme ayant des fils devait apparaître comme la mère des Gracques. Le patriotisme c'était la famille. Mais avec Thermidor tout s'écroule. Plus de rigueur. La femme se libère. Elle s'arroge le droit d'initiative. Amoureuse, elle aborde l'élu, lui offre son cœur et son corps. Les chasseresses en maraude portent des rubans de couleur qui indiquent leur disponibilité et leur visée. Cela s'appelait être curieuse d'un homme.
Il apparaît aujourd'hui que la curiosité est en baisse. Si les NMCHG font école, elle sera bientôt en voie d'extinction. Nous sommes peu de chose. "Qu'est-ce que l'homme pour que tu t'en souviennes ?" Une photographie déjà jaune sur l'album des ancêtres. On imagine les exclamations plus tard: "Tiens, comme c'est étrange, ils ont cru que le couple n'était plus nécessaire pouravoir et élever un enfant !"
En attendant, nous voici promis, nous autres, à un masculin bien singulier. Hier, Françoise Archat, scénariste de son état, publiait dans un quotidien un article à la gloire de son sexe: "En matière d'hommes neufs, écrivait-elle, la femme est, de nos jours, ce qui se fait de mieux."
article paru en 1995
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Jean-Jacques Goldman chantait Elle A Fait Un Bébé Toute Seule en 1987 (disque CBS Epic)
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