ACCUEIL | LE BROL | LA TRAGIQUE HISTOIRE DE LA FEE MELUSINE |
Il était une fois un roi d’Albanie qui s’appelait Elinas. Et, comme il avait perdu son épouse, il promenait son chagrin dans les grands bois. Un jour, il rencontra près d’une fontaine une ' jeune femme d'une grande beauté, qui se nommait Pressine. Elle mit à leur hymen une condition : le roi renoncera à la voir à la naissance de ses enfants. Elinas jura et le mariage eut lieu. La reine mit au monde trois jumelles : Mélusine, Méilor et Palatine. Le roi ne tint pas sa promesse, et Pressine quitta le château avec ses trois filles. Mélusine, croyant venger sa mère, entraîna ses sœurs à la révolte contre le roi, qu’elles enfermèrent dans une montagne, ce qui leur valut la malédiction maternelle.
Maudite par sa mère, Mélusine était condamnée à devenir serpent jusqu’à la ceinture tous les samedis. Mais, si un chevalier l’épousait sans vouloir s’enquérir d’elle le jour fatal, sa peine ne durerait que le temps d’une vie humaine. Si son époux trahissait sa promesse, la malédiction durerait éternellement.
Mélusine habitait la fontaine des fées, au pied du rocher de Lusignan, lorsqu’elle vit venir à elle un beau chevalier. C’était Raimondin, le neveu du comte de Poitiers, les mains encore rouges du sang de son oncle, qu’il avait tué au cours d’une chasse au sanglier. Mélusine lui apparut dans tout l’éclat de sa jeune beauté, lui promettant richesse et puissance s’il consentait à l’épouser. Mais qu’il ne cherche pas à la voir le samedi. Raimondin promit ce que voulait Mélusine. Les noces furent célébrées sous des tentes que la belle mariée fit surgir comme par enchantement. Et ce fut aussi par enchantement que s’éleva, en quelques jours, le palais à grosses tours, hauts murs et puissants donjons. Mélusine et Raimondin y furent heureux pendant dix ans. Chaque année leur naissait un robuste garçon. Chacun d’eux, pourtant, portait une tare étrange. Guy avait la figure plus large que longue, Odon avait une oreille toute petite et l’autre immense, Urian avait un œil plus bas que l’autre, Antoine portait une griffe de lion sur la joue...
Les mystérieuses absences de Mélusine chaque samedi intriguèrent le voisinage. Jaloux du bonheur de Raimondin, le comte de Forest vint glisser dans son cœur un cruel soupçon : si Mélusine s’absentait ainsi, n’était-ce pas pour le tromper ? Torturé, oubliant sa promesse, il gagna la chambre où sa femme se retirait, dans les souterrains du château. De la pointe de son épée, il fit un trou dans la porte, y mit un œil... Mélusine se baignait dans une grande cuve de marbre. Jusqu’à la ceinture, elle était telle que Raimondin l’admirait chaque jour, mais, hélas ! le reste du corps avait la forme d’une grosse queue de serpent qui battait l’eau furieusement et la faisait sauter jusqu’au plafond. Saisi de remords et de frayeur, Raimondin s’enfuit en sanglotant. Lorsque, passé minuit, Mélusine l’eût rejoint, il ne put s’empêcher de lui avouer sa malheureuse curiosité. Alors, elle se lamenta et pleura longuement en se souvenant de la malédiction de sa mère et pensa à quitter Lusignan.
Dans son désespoir, Mélusine maudit Raimondin, puis, prise d’une tendre pitié, elle lui fit ses adieux en termes touchants :
Adieu mon ami gracieux
Adieu mon joyau précieux
Adieu mon gracieux époux.
Et Raimondin de lui répondre :
Adieu madame aux beaux crins blonds.
Puis, Mélusine se métamorphosa : sa peau se couvrit d’écailles, ses bras prirent forme d’ailes et son corps s’allongea comme une queue de serpent, qui mesurait bien huit pieds. Raimondin la vit s’envoler. Trois fois, elles tourbillonna autour de la forteresse en poussant des cris affreux. Elle disparut enfin au lointain du ciel. On dit qu’elle se cache dans les montagnes du Dauphiné. On dit aussi qu’on l’entend chaque fois que la mort frappe un seigneur de Lusignan. On dit encore qu’elle a jeté un sort sur les récoltes lorsqu’elles sont mauvaises. On dit, enfin, qu’elle revint souvent la nuit à Lusignan pour allaiter son dernier-né qui avait trois yeux et dont on ignore le nom.
" Les Très Riches Heures du duc de Berry"
(au fond, l'ancien Château de Lusignan)
ACCUEIL | LE BROL | LA TRAGIQUE HISTOIRE DE LA FEE MELUSINE |
bachybouzouk.free.fr