ACCUEIL | LE BROL | LAÏCITE : MACHINE DE GUERRE

 

 

 

 

 

 

 

La fille aînée de l'Eglise fait la mauvaise tête. Une ribambelle d'associations, trèsintroduites dans les médias, critique le voyage du pape en France et s'oppose àce que les pouvoirs publics dépensent tant soit peu d'argent pour le recevoir.Cette procession antipape marche sous la bannière de la laïcité, c'est-à-dire, enFrance républicaine, celle des bien-pensants.

 

A première vue, ces gens-là semblent ignorer l'Histoire. Chacun se souvient en effet que l'Unité italienne ne se fit pas sans casser quelques œufs. La question la plus difficile fut celle de Rome capitale, puisque la ville était au pape, tout ce qui lui restait de ses Etats temporels. Chacun sait aussi que laFrance était depuis Pépin-le-Bref (avec des éclipses) la protectrice du Saint-Siège: les volontaires français pontificaux ne quittèrent, invaincus, le champ de bataille romain que pour aller se faire tuer par les Prussiens, en 1870. On se souvient de même que les souverains pontifes, pliant devant l'annexion, refusèrent longtemps de renoncer à leurs droits. Il fallut attendre Mussolini et les accords de Latran pour apaiser la querelle. Depuis lors, le Vatican est un Etat souverain universellement reconnu, et le nonce a pris, dans les pays catholiques, le pas sur tous les autres ambassadeurs. Il est donc tout à fait naturel que les autorités françaises accueillent en Jean-Paul II un chef d'Etat ami. J'écris ami parce que le Vatican mène ordinairement, en Méditerranée orientale entre autres, une diplomatie synergique à celle de la France.

 

Alors, que signifie cette levée de boucliers?

Pour la comprendre, il faut revenir sur ce que l'on nomme, en France, laïcité, et ce n'est pas pleinement évident en Suisse, pays de concordat où l'on paie l'impôt ecclésiastique, mais où l'Etat s'occupe paisiblement de l'enseignement presque entier, la plupart des "boîtes" privées n'étant pas confessionnelles. La laïcité est un mot fourre-tout. Elle peut désigner un partage: rends à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. Elle peut, chez les nostalgiques de la IIIe République, renfermer un rêve: trois couleurs pour un drapeau, deux écoles pour une République et le bon Dieu par là-dessus. Mais la plupart du temps, elle signifie la guerre, une guerre civile inexpiable, avec ou sans dentelles, toujours pleine d'étranges contradictions.

Historiquement, la laïcité apparaît à la fin du XIXe siècle comme un paravent à l'action violente des minorités républicaines en vue de liquider la France traditionnelle, monarchiste et catholique. Gambetta va répéter le mot: "Le cléricalisme voilà l'ennemi", d'autres s'en prendront plus carrément au catholicisme dont le ministre Viviani se félicitera d'avoir "éteint les étoiles": le mot de laïcité, lui, fait plus propre sur soi, il permet de faire passer les choses en douceur. L'historien constate que le camp laïc n'était pas pressé d'obtenir la rupture du concordat, il a porté ses efforts sur l'enseignement (tous les ministres de l'Instruction publique sont, avant 1914, des républicains sûrs, généralement francs-maçons). Pourquoi? Parce que fabriquer les jeunes têtes lui semblait le meilleur moyen d'éradiquer l'obscurantisme. Et l'apparence d'équilibre entre les convictions ne servait que pour la galerie. La neutralité religieuse et philosophique n'a jamais été qu'une concession momentanée, partielle, biaisée, des laïcs. Clemenceau l'avouait tout de go: "l'école neutre, c'est l'école nulle".

La laïcité est donc, depuis un siècle, en France, une machine de guerre révolutionnaire au service de la République. Le drame - la contradiction si l'on préfère un vocabulaire moins sentimental - est qu'aujourd'hui révolutionnaires et républicains sont séparés. Cela a prorvoqué des couacs et des débats sans fin au Parti socialiste lors de l'affaire dite "des foulards", quand de jeunes musulmanes ont refusé de se défaire des "signes ostentatoires" de leur religion pour entrer en classe, comme la loi française leur en fait obligation. Un Chevènement, un Philippe Séguin "demeurent attachés à la République française; mais, dans la nébuleuse de groupuscules qui intriguent contre le pape, si on prend la peine de l'examiner de près, on retrouve les mêmes individus, les mêmes financements, la même idéologie que dans le mouvement de soutien aux clandestins que l'occupation de l'église Saint-Bernard à Paris vient de rendre célèbre. Ils viennent d'y montrer le mépris le plus total pour la loi et pour le concept même de la République française. De même, ceux qui épluchent si minutieusement telle dépense (inférieure à un million de FF) envisagée par la ville de Reims pour la commémoration du baptême de Clovis, encouragent-ils l'Etat, la région, toutes les collectivités locales à subventionner des associations cultuelles musulmanes ou des manifestations éminemment ambiguës, du type fête des potes. Bref, ils n'invoquent les principes républicains, la tradition républicaine, que lorsque ça les arrange, pour intimider leurs adversaires. Ils entendent faire de la République leur chose privée, et la laïcité n'est pour eux qu'un boniment, un instrument de guerre et de domination.

 

Les négationnistes

Hier, elle a servi à chasser les congrégations religieuses, à ficher les officiers coupables d'aller à la messe, à forcer la porte des églises pour dresser l'inventaire des calices, à mettre les Français au pas. Aujourd'hui, on comprend, grâce à ce long détour, "l'affaire Clovis" dont L'Evénement du Jeudi fait sa couverture. En visitant Auray, Avrillé, Saint-Martin-de-Tours et Reims, le pape signifie que la France a un long passé chrétien, et que la Révolution en a partiellement brouillé le fil. Les antipapes, eux, sous couleur de réviser tel ou tel point de détail de l'histoire de Clovis (sa conversion, la date de Tolbiac, le nombre de baptisés à Reims, les intentions du Roi), nient en bloc deux choses: la composante chrétienne de la France, et la constitution très ancienne de la nation, nation en germe dans le sacre de Reims. Pour eux, toute référence antérieure à la Révolution française est une hérésie, la nation n'étant à leurs yeux qu'un expédient transitoire avant l'avènement d'une humanité sans frontières. Leur campagne contre Jean-Paul II ne repose donc pas sur un vertueux souci des droits du citoyen: c'est une opération politique orientée contre ceux-ci.

 

 

Par Martin Peltier -  article paru dans un journal suisse en 1996

 

Durant la Révolution, les prêtres réfractaires (ayant refusé de prêter serment au régime républicain) sont contraints à la clandestinité. Beaucoup d'entre eux périrent sur l'échafaud.  

 

 

 

 

 

___________________________________________

 

 

Jean Paul II à Tours - septembre 1996

 

 

Jean Paul II à Reims - septembre 1996

 

 

Le pape Jean Paul II a achevé hier (22 septembre 1996) à Reims sa visite pastorale de quatre jours en France. Le souverain pontife s'est envolé hier soir pour Rome. Dans son homélie, prononcée hier à Reims devant au moins 200.000 fidèles, Jean-Paul II n'est pas entré dans la polémique qui a fait rage en France â propos du baptême de Clovis. Il n'a pas voulu suivre les traditionnalistes qui, affirment que le baptême de Clovis était celui de la France.

 

___________________________________________

 

 

Ils étaient cinq mille selon la police, 15.000 selon les organisateurs, à défiler hier après-midi dans une ambiance ouvertement anticléricale entre la place de la République et la place de la Bastille. Les manifestants entendaient défendre la laïcité et protester contre la commémoration du baptême de Clovis ainsi que contre la venue du pape en France, voyage financé en partie par des fonds publics.

Les opposants ont défilé dans le calme de la place de la République à la place de la Batille. Beaucoup de femmes et de jeunes figuraient dans les rangs peu disciplinés des protestataires. Des pancartes à l'humour parfois féroce raillaient les prises de position papales sur les questions morales.

Un collectif de 74 organisations avait appelé à manifester. Laïques du Comité national d'action laïque (CNAL) et du Réseau Voltaire, Verts, militants de partis d'extrême gauche côtoyaient ainsi anarchistes, homosexuels, militants des droits de l'homme ou défenseurs de l'avortement mais aussi chrétiens opposés à la ligne "conservatrice" du Vatican. "Nous ne pouvions accepter l'idée pernicieuse que l'acte d'un chef de guerre soit l'acte fondateur de la nation et que des dizaines de millions de francs soient dépensés pour célébrer l'anniversaire d'un événement tendant à l'identification chrétienne de la nation", expliquaient dans un communiqué les 74 organisations qui appelaient à défiler.

Mais les manifestants qui défilaient à Paris s'intéressaient plus au pape et à ses positions qu'à Clovis. "Clovis on s'en fout", tonnait une affiche sur laquelle une Marianne lançait à une caricature de Jean-Paul II: "Comment puis-je être la fille aînée de l'Eglise, tu es puceau!". "A Paris comme à Alger,l'intégrisme ne passera pas", ou encore "Deux mille ans ça suffit, le pape hors de nos vies, hors de nos lits", scandaient les manifestants tandis que les camions-sono diffusaient "La Carmagnole".

Les militants d'organisations homosexuelles laissaient flotter au-dessus du cortège leur drapeau arc-en-ciel. "La capote c'est la vie, le pape l'interdit", reprenaient en chœur les manifestants de l'association Act-Up, ponctuant leurs slogans de coups de sifflets et de cornes de brume. Quelques représentants de la branche progressiste de l'Eglise étaient également au rendez-vous, tels les membres du mouvement Golias, réunis sous une banderole réclamant "plus de démocratie dans l'Eglise".

D'autres défilés se sont déroulés dans plusieurs villes de province. A Valmy, les francs-maçons ont manifesté en fêtant le 204e anniversaire de la proclamationde la République en France, le 22septembre 1792.

 

article paru le lundi 23 septembre 1996

 

 

___________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  ACCUEIL | LE BROL | LAÏCITE : MACHINE DE GUERRE

 

 

bachybouzouk.free.fr