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En lisant cette sélection publié en 1952 dans le journal Tintin, vous aurez une idée du contenu de ce livre. Vous verrez les animaux d'un "nouvel œil".

 

 

 

L’ANE
Le lapin devenu grand.

 

L’ARAIGNEE
Une petite main noire et poilue crispée sur des cheveux. Toute la nuit, au nom de la lune, elle appose ses scellés.

 

LA BELETTE
Pauvre, mais propre, distinguée, elle passe et repasse, par petits bonds, sur la route, et va, d’un fossé à l’autre, donner de trou en trou, ses leçons au cachet.

 

LE CHAT
Le mien ne mange pas de souris ; il n’aime pas çà. Il n’en attrape une que pour jouer avec. Quand il a bien joué, il lui fait grâce de la vie, et il va rêver ailleurs, l’innocent assis dans la boucle de sa queue, la tête bien fermée comme un poing. Mais à cause des griffes, la souris est morte.

 

LE CHEVAL
Il n’est pas beau, mon cheval. Il a trop de nœuds et de salières, les côtes plates, une queue de rat et des incisives d’Anglaise. Mais il m’attendrit. Je n’en reviens pas qu’il reste à mon service et se laisse, sans révolte, tourner et retourner. Chaque fois que je l’attelle, je m’attends qu’il me dise : "non", d’un signe brusque, et détale. Point.il baisse et lève sa grosse tête comme pour remettre un chapeau d’aplomb, recule avec docilité entre les brancards.

 

LE CHIEN 
On ne peut mettre Pointu dehors par ce temps, et l’aigre sifflet du vent sous la porte l’oblige même à quitter le paillasson. Il cherche mieux et glisse sa bonne tête entre nos sièges. Mais nous nous penchons serrés, coude à coude, sur le feu, et je donne une claque à Pointu. Mon père le repousse du pied. Maman lui dit des injures. Ma sœur lui offre un verre vide. Pointu éternue et va voir à la cuisine si nous y sommes. Puis il revient, force notre cercle, au risque d’être étranglé par les genoux, et le voilà dans un coin de la cheminée.

 

LE LEZARD
Fils spontané de la pierre fendue où je m’appuie, il me grimpe sur l’épaule. Il a cru que je continuais le mur parce que je reste immobile et que j’ai un paletot couleur de muraille. Ca flatte tout de même.

 

LE PAON
Il va sûrement se marier aujourd’hui. Ce devait être pour hier. En habit de gala, il était prêt. Il n’attendait que sa fiancée. Elle n’est pas venue. Elle ne peut tarder. Glorieux, il se promène avec une allure de prince indien et porte sur lui les riches présents d’usage. L’amour avive l’éclat de ses couleurs et son aigrette tremble comme une lyre. La fiancée n’arrive pas. Il monte en haut du toit et regarde du côté du soleil. Il jette son cri diabolique :" Léon ! Léon !" C’est ainsi qu’il appelle sa fiancée.

 

LE PAPILLON
Ce billet doux plié en deux cherche une adresse de fleur.

 

LA PINTADE
C’est la bossue de ma cour. Elle ne rêve que plaies à cause de sa bosse. Les poules ne lui disent rien : brusquement, elle se précipite et les harcèle. Puis elle baisse sa tête, penche le corps, et, de toute la vitesse de ses pattes maigres, elle court frapper, de son bec dur, juste au centre de la roue d’une dinde. Cette poseuse l’agaçait. Ainsi, la tête bleuie, ses barbillons à vif, cocardière, elle rage du matin au soir. Elle se bat sans motif, peut-être parce qu’elle s’imagine toujours qu’on se moque de sa taille, de son crâne chauve et de sa queue basse. Et elle ne cesse de jeter un cri discordant qui perce l’air comme une pointe.

 

LA POULE
Pattes jointes, elle saute du poulailler, dès qu’on lui ouvre la porte. C’est une poule commune, modestement parée et qui ne pond jamais d’œufs d’or. Eblouie de lumière, elle fait quelques pas , indécise, dans la cour. Elle voit d’abord le tas de cendres où, chaque matin, elle continue à s’ébattre. Elle s’y roule, s’y trempe, et d’une agitation d’ailes, les plus gonflées, elle secoue ses puces de nuit. Puis elle va boire au plat creux que la dernière averse a rempli. Elle ne boit que de l’eau. Elle boit par petits coups et dresse le col, en équilibre sur le bord du plat. Ensuite, elle cherche sa nourriture éparse. Les fines herbes sont à elle, et les insectes et les graines perdues. Elle pique, elle pique, infatigable. De temps en temps, elle s’arrête. Droite sous son bonnet phrygien, l’œil vif, le jabot avantageux, elle écoute de l’une et de l’autre oreille. Et, sûre qu’il n’y a rien de neuf, elle se remet en quête. Elle lève haut ses pattes raides, comme ceux qui ont la goutte. Elle écarte les doigts et les pose avec précaution, sans bruit. On dirait qu’elle marche pieds nus.

 

LE VER LUISANT
Que se passe-t-il ? Neuf heures du soir et il y a encore de la lumière chez lui.

 

 

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Jules Renard (de son vrai nom Pierre-Jules Renard) est né en 1864 et mort en 1910. Son œuvre la plus connue est Poil de Carotte.

 

 

 

 

 

 

 

 

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