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hippies hippy

 

 

Une plage de Californie. Un groupe de jeunes gens fait le serment de bâtir un monde nouveau, totalement libre et paisible, sur un socle d'amour, de gentillesse et de fleurs. A leur tête, un homme courageux. Il tente d'apporter un souffle pur et bienfaiteur parmi le chaos, les ruines et le sang. Son nom : Timothy Leary. Ancien professeur de philosophie à l'Université de Harvard (Cambridge, Etats-Unis). Ses idées révolutionnaires le rendirent indésirable et il abandonna son poste. Lui, c'est le « shazam », le pape du mouvement qu'il vient de créer. Ses disciples sont les « hippies » de San-Francisco. Apôtres modernes, ils parcourront le monde pour y semer une philosophie nouvelle. Pour entrer au sein de ce mouvement, le jeune homme ou la jeune fille devra abandonner ses études, son emploi, ses parents, ses amis, ses opinions politiques. En un mot : divorcera avec la société afin d'être libre de tout. Le groupe se sépara et les promoteurs s'efforcèrent de convertir le plus d'adeptes possible. Ce mouvement fit boule de neige et, quelques mois plus tard, 25.000 hippies participaient au premier rassemblement organisé sur un terrain de polo du Golden Gâte Park à San-Francisco. Cela se passait le 14 janvier 1967.

 

 

 

 

RÉVÉLATEUR DE CONSCIENCE
Avide de sensations, la jeunesse américaine adopta bien vite ces personnages originaux et contribua au développement du mouvement en apportant sa vie au service d'une cause que chacun savait bonne. L'individu désireux d'adhérer à cette société doit jurer :
• de garder sa liberté et de n'appartenir qu'à lui-même ;
• d'abandonner le monde extérieur et d'inviter tous les non-initiés à le suivre sur ce chemin fleuri qui doit l'amener à l'honnêteté, à l'amour et à la joie de vivre ;
• de révéler sa conscience, de laver son cerveau de toute la boue qu'il contient, de renaître à la vie.
C'est ici qu'intervient la drogue, plus particulièrement le LSD, puissant révélateur.Selon les hippies, une dose de cette drogue suffit à ouvrir de nouveaux horizons. Ils en absorbent chaque fois qu'ils célèbrent leur rituel, c'est-à-dire plusieurs fois par jour pendant un certain temps. Le LSD étant difficile à obtenir et par conséquent très onéreux, le  hippie se tourne vers d'autres drogues, tels le hachisch, la marijuana, voire de simples stimulants.


LA TUNIQUE INDIENNE
La chevelure du « hippie » est abondante et ses vêtements très riches en couleurs. Des pantalons bariolés, criards, amples, et une tunique pareille à celles que portent les habitants des Indes ou les Peaux-Rouges sont leur principal habillement. Mais encore une fois, chacun est libre de porter ce qui lui plaît. Seuls les colliers de fleurs ainsi que les clochettes ou les bracelets de plomb sont indispensables. Imitant les guerriers sioux, certains « hippies » arborent fièrement des tatouages « psychedelic » sur la figure pour partir sur les sentiers de la paix. Parmi ces tatouages, les mots « amour » et « fleurs » se retrouvent fréquemment.« Psychedelic » est le mot clé de ce mouvement. Sa signification est la suivante : sensation de désir créateur sublime, affinement des perceptions ou, encore, totale prise de conscience de soi-même. Par dérivation, « psychedelic » désigne également les drogues qui permettent de parvenir à cet état de félicité.

 

 

 

 

SORTIR DE SON MÉGOT
Le hippie qui veut sortir de son mégot doit se bourrer d'acide afin de planer le temps d'un voyage révélateur. » Autrement dit, celui qui désire purifier son cerveau consommera de la drogue pour atteindre un état second qui va le guider dans la vie. Ces termes insolites ne sont valables que pour le « hippie » français, quand bien même certains mots désignant la drogue sont d'origine américaine, tels le Bhang, le Khif, le Dick, le Boo, le Pot et bien d'autres encore. Un hippie peut « se révéler » autant qu'il le désire. Pourtant, certains abandonnent le LSD et toute autre drogue après quelque temps. Les  autres se retrouvent dans un jardin public, sur une plage ou chez l'un d'eux pour célébrer le culte. Ce dernier comprend des passations de pouvoirs magiques, des phrases rituelles telles que : «  Je suis hippie, je suis hippie hippie hippie hippie hourrah ! » et, bien entendu, des séances de « révélation de conscience ». Pour consommer les drogues, les hippies possèdent de petites pipes nommées « toppers » qui permettent de fumer le hachisch jusqu'à la dernière bouffée en faisant un minimum de déchets. Notons que le « hippie » ne se soûle pas, étant généralement abstinant.Selon lui, l'état d'ébriété ne convient pas à la méditation. Il boit donc du thé ou des eaux minérales.


INVITATION AU VOYAGE
Au langage insolite s'ajoute l'art insolite. Le mouvement compte de nombreux artistes parmi lesquels des peintres, des sculpteurs, des chanteurs dont les œuvres exaltent toujours l'amour, les fleurs et la drogue. Parmi les plus connus, citons Scott McKenzie qui chanta San-Francisco sur toutes les ondes; Timothy Leary, le« prophète », qui touche à la photographie, à la guitare, à la cithare, à la poésie et même au chant grégorien; Jean-Paul Aufray, le frère du célèbre Hugues, qui, de New-York, nous envoie, par-delà l'océan Atlantique, l’Invitation au voyage » de Baudelaire, habillée par une musique incohérente dont les accords aigus ne sont pas sans rappeler à la fois le rêve, le cauchemar, le bien-être et le sifflement strident de certains oiseaux exotiques. De plus en plus, des orchestres se forment pour chanter le « hippiedom », nom donné à ce phénomène social.

 

LE CHEMIN DU NÉPAL
En fait, dans la majorité des cas, le « hippie » n'a pour but que de joindre au plus vite son frère de l'Orient pour étudier la question d'un possible et rapide rapprochement des peuples et des idées. Au Népal, on trouve de la drogue à profusion et pour presque rien. Dans ce pays ou aux Indes, les « gurus »- maîtres à penserde la philosophie hindoue - lui enseigneront les rudiments de base du dépouillement terrestre de même que les paroles du Hari Krishna, version hippie du Pater Noster. Travaillant ici et là, juste pour manger et acquérir la  drogue, le hippie parcourra  ainsi des milliers de kilomètres qui le conduiront à travers le monde, prônant l'amour de son prochain, la beauté des fleurs et la sensibilité des paroles réconfortantes. Jamais il ne se révoltera contre quelqu'un, mais s'efforcera, sans agressivité, de lui montrer la bonne voie. Quand, sous l'emprise de la drogue, un autre jeune aura connu la « lumière », il sera convaincu que seul le mouvement fondé par le « shazam » a sa raison d'être et il lui sera impossible de songer à un retour dans le passé, autrement dit dans la société.

 

 

LE CHRIST ET LES BEATLES
Dans la mythologie hippie prennent place tous les personnages importants des religions auprès desquels nous trouvons les Beatles. A la question : « Etes-vous avec ou contre le Christ ? », un des leurs a répondu : « Ni avec, ni contre. Il occupe dans notre philosophie la même place que Bouddah ou Krislma. Nous avons nos dieux et nos diables. Nous distinguons les bons des mauvais. Les fauteurs de guerre, tout comme nous, ouvriront les yeux sur leur imbécile obstination et se révéleront. »En fait, leur philosophie repose sur les principes religieux qui nous entourent, effleurant chacun sans pourtant s'en inspirer totalement. Le mouvement, quoi qu'on en pense, est presque essentiellement masculin. La femme est en nombre inférieur et se désintéresse plus des idées hippies.

 

REVALORISER L'AMOUR
Selon l’avis des hippies, l'amour a été lamentablement bafoué. Ils se sont fixé pour tâche de revaloriser cet amour, de le porter au sommet, de ne plus faire que des enfants de la paix et de la joie. L'amour, vu par un Hippie, doit être libre, sans aucune jalousie, sans aucun mensonge, sans haine et sans déchirement. L'homme qui trouve une fille plaisante l'invitera à le suivre sur les sentiers de l'amour puis lui rendra sa liberté. Quant aux enfants, ils trouvent une place dans les centres communautaires. Leur éducation est assurée par les responsables ou les parents adoptifs. Cela n'est pas sans rappeler la vie des autochtones tahitiens. L'amour libre, totalement libre, sous-entend aussi l'homosexualité. Sans pratiquer le vice ou le sadisme, le hippie recherche une autre « vérité » ou la « supranature », comme il le dit si bien lui-même. Et toujours cette même gentillesse, cette même joie de vivre, ces mêmes fleurs autour de son cou, qui font presque oublier la drogue et le reste. Interrogé sur ses ambitions quant à l'avenir, un Libanais a répondu qu'il est bien qu'un jeune soit hippie un certain temps, pour mieux entrer dans la vie et insuffler à ses prochains toutes ces belles idées. Lui, il voyagera jusqu'à trente ans avant de s'établir dans son pays et s'y faire une situation. On le voit, le Libanais n'a pas tout à fait les mêmes idées que l'Américain, l'Anglais ou le Français. Cette légère divergence d'opinion commence déjà à opérer une dissolution.


LE ROC S'EFFRITE
Aux Etats-Unis, nombre de sociologues se sont penchés sur ce problème hippie. Certains ont vécu quelque temps parmi eux afin d'étudier les principes de base de leur philosophie. Une à une les communautés se dissolvent, se désagrègent, ne pouvant s'adapter malgré leur parallélisme hors de la société. Les hippies américains sont devenus plus une attraction touristique qu'une menace ou une lumière pour le monde. En France, le mouvement, s'il est restreint quant à son effectif, connaît en revanche une vogue assez importante. Les Parisiens craignent malgré tout ce phénomène, sceptiques quant à la santé de leur jeunesse. Mais la police s'en mêle, puisque, tout dernièrement, elle a mis la main sur une livraison de 5000 doses de LSD importée d'Angleterre. Lorsque l'on sait qu'une seule dose se vend trente francs, on comprend que, la plaisanterie étant très coûteuse, les Français se calmeront pour quelque temps. Détail amusant : pour mettre de l'ambiance lors d'une soirée, les Parisiens peuvent louer un hippie !...

 

 

 

POUR LA VIE
Malgré tout, certains ont conservé une parcelle d'optimisme et se marient selon le rituel hippie. Le 30 octobre dernier, une cérémonie inhabituelle se déroulait au bois de Boulogne. Danièle et George, âgés respectivement de 22 et 25 ont étaient unis par le « Boo-Hoo » (prêtre) de service.  Le mariage est une cérémonie placée sous le signe de l'amour et des fleurs. Comme chez nous. Pourtant une pelouse tient lieu de chapelle. L'alliance est remplacée par un collier de fleurs que le prêtre passe au cou de chacun des mariés. Une bande de drap blanc large d'un mètre délimite le lieu du rituel. Ce drap forme un cercle d'une dizaine de mètres de diamètre à l'intérieur duquel prennent place, assis en tailleur sur des nattes bariolées, les invités, le prêtre et les époux. Ces derniers font le vœu de remonter à la source de la rivière qui coule en eux, puis, l'ayant atteinte, en redescendre. Ces pensées sont jolies mais la philosophie manque de poids, de solidité. Les  Jeunes mariés abondamment fleuris s’en retournent à leur drogue et à leurs rêves insensés. La cérémonie a duré quelque deux heures pendant lesquelles, selon un rituel bien établi, les chants succédaient aux tintements des clochettes.


LES TRAVESTIS
Parallèlement au mouvement hippie, d'aucuns ont cru bon d'exploiter le phénomène pour en soutirer quelque argent. Des magasins hippies s'ouvrent à New-York, à Londres ou à Paris. On peut y acheter des tuniques, des pipes, des bracelets de plomb ou des clochettes. Des chanteurs à la mode font graver des disques hippies.
Nous pensons plus particulièrement à France Gall ou à Dutronc qui, n'en pensant pas un traître mot, déclare, dans sa dernière chanson : « Je suis hippie, je suis hippie, c'est ma nouvelle philosophie ! » Tout dernièrement, Pappy, peintre montmartrois, a lancé au monde ses opinions fleuries en chantant les louange du « shazam ». Quant à Johnny Hallyday, il déambule dans les rues de la capitale au volant d'un de ses puissants bolides, une fleur dans les cheveux et des tuniques bariolées en guise de veston. Nous avons même vu Brigitte Bardot s'étaler sur une page d'un important magazine féminin, déguisée en hippie. Pendant ce temps, sur une plage de Californie, des hommes espèrent encore changer la face du monde. Pour eux, l'important c'est l’amour...

 

Article de Jean-Robert Probst publié dans un quotidien suisse (janvier 1968)

 

 

 

 

 

 

 

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