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lLa goutte est un mal connu de longue date, Hippocrate la mentionnait il y a 2400 ans. L'historique de cette maladie vient de s'étendre considérablement vers le passé: on en a trouvé des traces chez un dinosaure. Ce n'est pas une surprise, ce mal douloureux ayant été déjà vu chez des reptiles et des oiseaux.
La goutte naît d'un excès, dans le sang, d'acide urique, ce qui entraîne le dépôt de cristaux d'urate de sodium dans les articulations, notamment celles des extrémités. D'où les vives douleurs, et des dommages osseux. C'est ce type de lésions qui a permis à des chercheurs de l'Arthritis center of Northeast Ohio d'affirmer que la goutte a affecté tyrannosaurus rex soi-même. C'est à la fois ironique et logique que ce soit un puissant parmi les dinosaures qui ait été frappé de cette pénible infirmité.
Chez notre espèce, l'apparition du mal est favorisée par la consommation d'abondance de viande rouge et de vins fins, longtemps le privilège des classes dirigeantes. Aussi, tout au long de l'histoire la goutte a-t-elle été associée aux sphères du pouvoir, et aussi à son exercice perturbé: d'aucuns affirment par exemple que, dans la seconde moitié du XVIIIe, l'humeur du Premier Ministre britannique William Pitt, massacrante pour cause de goutte, a bien contribué à éveiller la Guerre d'indépendance. Si le tyrannosaure ne peut être suspecté d'avoir tâté de la dive bouteille, par contre sa consommation de steaks l'a exposé à la goutte. Chez les animaux, déshydratation ou dysfonctionnement des reins peut entraîner le mal, mais des facteurs génétiques pourraient être impliqués - c'est étudié chez l'homme. En tous les cas, la goutte ne sera pas la nouvelle théorie qui pourra expliquer la disparition des dinosaures...
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Jean de La Fontaine (1621 - 1695) en fit une fable...
LA GOUTTE ET L'ARAIGNÉE
Quand l'Enfer eut produit la Goutte et l'Araignée :
Mes filles, leur dit-il, vous pouvez vous vanter
D'être pour l'humaine lignée
Egalement à redouter.
Or avisons aux lieux qu'il vous faut habiter.
Voyez-vous ces cases étrètes,
Et ces palais si grands, si beaux, si bien dorés ?
Je me suis proposé d'en faire vos retraites.
Tenez donc ; voici deux bûchettes :
Accommodez-vous, ou tirez.
Il n'est rien, dit l'Aragne, aux cases qui me plaise.
L'autre, tout au rebours, voyant les palais pleins
De ces gens nommés Médecins,
Ne crut pas y pouvoir demeurer à son aise.
Elle prend l'autre lot, y plante le piquet,
S'étend à son plaisir sur l'orteil d'un pauvre homme,
Disant : Je ne crois pas qu'en ce poste je chomme,
Ni que d'en déloger et faire mon paquet
Jamais Hippocrate me somme.
L'Aragne cependant se campe en un lambris,
Comme si de ces lieux elle eût fait bail à vie ;
Travaille à demeurer ; voilà sa toile ourdie ;
Voilà des moucherons de pris.
Une servante vient balayer tout l'ouvrage.
Autre toile tissue ; autre coup de balai :
Le pauvre Bestion tous les jours déménage.
Enfin après un vain essai,
Il va trouver la Goutte. Elle était en campagne,
Plus malheureuse mille fois
Que la plus malheureuse Aragne.
Son hôte la menait tantôt fendre du bois,
Tantôt fouir, houer.
Goutte bien tracassée
Est, dit-on, à demi pansée.
Oh ! je ne saurais plus, dit-elle, y résister :
Changeons, ma sœur l'Aragne. Et l'autre d'écouter.
Elle la prend au mot, se glisse en la cabane :
Point de coup de balai qui l'oblige à changer.
La Goutte d'autre part, va tout droit se loger
Chez un Prélat qu'elle condamne
A jamais du lit ne bouger.
Cataplasmes, Dieu sait. Les gens n'ont point de honte
De faire aller le mal toujours de pis en pis.
L'une et l'autre trouva de la sorte son conte ;
Et fit très sagement de changer de logis.
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