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Martine Aubry, Frédérique Bredin, Elisabeth Guigou et François Mitterrand
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Elles ne s'étaient pas donné le mot... Et pourtant, elles viennent chacune de commettre un livre dans lequel elles retracent leur parcours politique: Elisabeth Guigou, Frédérique Bredin et Martine Aubry, toutes députées ou désormais ministres socialistes. Pas faciles les parcours! Soumis à toutes sortes de croche-pieds machistes. Et pourtant, les trois femmes ne souhaitent rien tant que de voir l'arrivée sous l'hémicycle de l'Assemblée nationale un nombre enfin significatif de "députées". Leurs écrits tombaient à pic pour préparer les législatives de 1998 et ouvrir des vocations de politiciennes. Hélas, l'anticipation inattendue de ces élections a tout gâché. Prises de court, les différentes formations politiques n'ont pas eu le temps d'ouvrir leurs rangs à des femmes venues d'un autre cercle. La parité est donc repoussée à un jour meilleur.
L'attente, ça suffit!
Christine Fauré, socio-logue, directeur de recherches au CNRS à Paris, et auteur de l' "Encyclopédie politique et historique desfemmes", n'avait plus envie d'attendre. Selon elle, il y a urgence. Urgence pour les institutions. Urgence pour la société civile qui s'impatiente. "Trente ans après la maîtrise de la fécondité, qui abouleversé la place des f emmes dans la société, en contribuant à étendre l'idée de responsabilité individuelle à tous les domaines de l'existence, les Françaises en sont toujours du point de vue de leur représentation en politique au 65e rang mondial, ça suffit!". Christine Fauré a donc sorti les armes, redoutables du savoir et de la connaissance pour démontrer, une bonne fois pour toute, que les femmes appartiennent à la condition humaine. Par conséquent, l'entrée des femmes en politique ne devrait pas poser problème. "Les femmes écrivent, vivent, aiment comme tous les humains, sans autres caractéristiques que des variations individuelles", plaide-t-elle. "Et si dans leur vie, on retrouve quelques particularités, c'est le résultat d'une situation de domination, d'une division du travail imposé qu'elles intériorisent, réfléchissent et parfois détournent. Même dans les situations réputées sans espoir, elles ont pu agir, faire preuve d'une adaptation tactique, qui a pu déboucher sur des mouvements de révolte déclarée, je pense notamment aux femmes esclaves". Pour ne pas refaire "l'histoire du costume des femmes, ni parler de l 'histoire des femmes à partir de leur image ou des lieux qu'elles sont sensées occuper, ou de ces suppléments d'âme appelés paroles de femmes", l'impertinente Christine Fauré et une prestigieuse équipe de scientifiques (anthropologues, ethnologues, historiens, philosophes, sociologues) ont donc essayé d'apprécier la participation féminine à tous les grands événements de l'histoire: Révolutions anglaise, américaine, française, troubles du XVIIIe siècle au Pays-Bas, Guerre d'indépendance de la Grèce, Commune de Paris, Révolution russe, Révolution allemande. Cette permanence de la participation des femmes à l'histoire a permis de réaliser une Encyclopédie de 884 pages! Tout de même! "Les femmes ont toujours été présentes. Elles ont exprimé des opinions politiques articulées, elles ont écrit des textes, elles ont porté des témoignages, elles ont accompli des actes héroïques durant la guerre", affirme Christine Fauré.
Historiens responsables?
Malheureusement, leur rôle n'a pas été reconnu légitime par les historiens. Occupés à étudier les particularismes d'une prétendue nature féminine, ils ont escamoté la production de leurs discours ou de leurs opinions politiques. "Durant la Révolution française, ils nous les dépeignent comme des femmes gesticulantes, plutôt qu'agissantes. Elles sont des sans-culottes poissardes et non pas de ces femmes qui ont créé un peu partout en France des Clubs de citoyennes républicaines révolutionnaires. Les archives départementales sont pleines de textes émanant de ces femmes, et pourtant ils n 'ont jamais été étudiés". Cet "oubli" des historiens a participé à l'élaboration d'un discours que l'on entend souvent. A savoir qu'entre les femmes et la politique, le problème est culturel. Autrement dit irrémédiable. Or, en l'absence de travaux scientifiques pour le démontrer, les femmes l'ont intégré. En voici deux exemples: "Peut-être que les femmes n'ont pas envie de faire de la politique", suggère une journaliste de "DS" (mensuel féminin français) à l'écrivain Benoîte Groult, qu'elle interviewe sur les femmes et la politique... Comme si le fait que toutes les femmes n'aient pas envie de faire de la politique était le signe d'une caractéristique féminine! Tous les hommes n'en ont pas envie non plus! Autre illustration de l'intégration de ce discours dominant par les femmes: cette croyance que leur arrivée massive dans les parlements changerait la face des sociétés. Et pourquoi donc? "Parce que, lit-on dans un récent numéro de Elle, les femmes sont en prise avec la réalité quotidienne». Contrairement à leurs homologues masculins, les femmes politiques n'oublient jamais, même en plein débat qu'elles doivent aller récupérer leurs enfants à l'école ou préparer le souper! Si tel est le cas, c'est que les pauvres ont encore beaucoup à faire pour le partage des tâches. éPourquoi faut-il rabattre l'activité d'un individu sur une distinction sexuelle?",tempête Christine Fauré. «Il n'y a aucune raison de penser qu'il existe un déterminisme biologique". L'autre effet de la carence des femmes "agissantes" dans l'histoire est qu'elles ont du mal à s'imposer en politique pour ce qu'elles sont individuellement. En France, 40% des femmes maires sont les veuves ou les filles de maires. Est-ce que l'Encyclopédie, aussi convaincante soit-elle, suffira à faire évoluer les mentalités? "Les démocraties européennes sont à mon avis trop anciennes, trop rigides pour concrétiser la parité. Il faut des mesures incitatives fortes. Moi, je crois beaucoup à la jeunesse des organisations internationales pour inciter les Etats à modifier leurs structures"»"
article de Véronique Châtel paru dans un quotidien en 1997
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Manifestation en faveur du droit de vote féminin, en 1908 à Paris. Les Françaises voteront pour la première fois le 20 avril 1945.
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