ACCUEIL | LE BROL | AU SECOURS DE L'ENFANCE MEURTRIE |
Pour parler de l'excision, j'ai choisi cet article de presse. Cette mutilation est toujours pratiquée de nos jours.
Appel de l'association Sentinelles paru dans un quotidien suisse (1983) :
"Le père de la petite Malienne décédée des suites d'une excision est inculpé", disent les journaux. QUI prend parti pour ELLES ? Qui se constitue partie civile contre le monstre nommé Coutume ? Quel droit international de l'enfant qualifie de crimes contre l'humanité l'excision du clitoris et l'infibulation infligées à des millions d'enfants ? Qui condamne qui? Que font l'ONU, sa division des Droits de l'homme et de l'enfant, l'Unicef, l'Unesco, toute la bande ? Que font les gouvernements, la communauté internationale, l'opinion publique ?
Tel fut le cri des travailleurs maliens en France aux réactions de la mort de la petite Bobo, sexuellement mutilée, selon la coutume. Vivante Bobo devenue morte. Et autour d'elle, dans l'univers, des millions de Bobo irréparablement meurtries. Et des milliers de Bobo mortes. Chaque jour, chaque année, depuis des siècles, pour des siècles.
En 1977 (il y a six ans), nous avons fait exploser le tabou des mutilations sexuelles féminines que l'Organisation mondiale de la santé (ONU) protégeait honteusement depuis plus de vingt ans, dans son respect servile des "conceptions sociales et culturelles" (c'est son jargon) auxquelles la courtoisie collégiale - entre gros poissons - interdit de s'en prendre. "La partie est gagnée", pensions-nous. Et elle l'est. Tout de suite dans certains lieux, plus tard ailleurs, dans cent ans autre part. Ou mille. Mais si l'on cesse de parler des petites, de leur martyre ou de leur mort, de l'attentat suprême que l'on commet sur elles, la partie est perdue.
Que quelques vagues...
"Tiers monde" ou pas (qu'est-ce que le "tiers" monde, dans un monde UN, sur une terre UNE ?) même s'il est convenu de ne lui faire nulle peine même légère, et de le traiter en éternel convalescent plutôt qu'en égal à qui parler en frère, nous avons le devoir d'épouvante et de hurlement à la défense de ces enfants.
S'il s'agissait de leur arracher les yeux (surtout ceux des garçons), il y a longtemps que cela aurait cessé. Parmi les mitrailleuses qui lui servent de tambour et les bombes de timbale, le "concert des nations" aurait joué sa musique. Mais arracher le sexe des filles, ou lecoudre sauvagement, à rouvrir à la verge, au doigt, au couteau, au bout de verre ou au bout de bois, lorsque vient le moment d'"aimer", cela a été toléré et reste tolérable.
Les ligues des droits de l'enfant et de ceux de la femme, les mouvements féminins, les mouvements féministes, tout cemonde-là s'est limité à faire des vagues pendant quelques semaines, le temps de la sensation, puis s'est rendormi. Sans une lutte incessante, une information minutieuse partout, de préférence à des "ordres" qui ne sont d'ailleurs pasdonnés, tout se tait, tout s'oublie. Mais, pour une fois, on sait. Cela s'est passé près de Paris. Le père et la famille ont voulu l'excision de Bobo, une matrone importée l'a exécutée. Bobo s'est vidée de son sang, et elle est morte.
A l'assaut des Etats coupables
D'ordinaire, on ne sait pas. Aussi faut-il, cette fois-ci, que le monde entier - pays coutumiers en tête - sache que Bobo est morte. Que, jusqu'à nous, cela se répète de hameau en village, de ville en ville, de peuple à peuple. Jusqu'au fond des savanes, des brousses et des forêts. "L'initiation rituelle" de Bobo (ces mots sont l'un des visages du monstre) fut de souffrir, saigner, mourir. S'il n'y pas une agitation fantastique de notre part à tous, rébellion violente contre tous les pouvoirs qui couvrent ces atrocités, si nous ne prenons pas notre plume individuelle, notre colère, notre force et nos larmes, à l'assaut des Etats coupables et conglomérés dans les palais de marbre et de Champagne de l'Organisation des nations unies, il n'y a rien à attendre. Le temps, en effet, ne travaille par pour nous : il apaise et endort. Voilà, Bobo. Te voici tout petit cadavre dans un cimetière de banlieue. Ton papa pleure ou se met en colère ("Qu'est-ce que j'ai fait, à la fin ? Tout le monde le fait. C'est un accident."), maman a peur, et tu es une petite Bobo qui n'est plus rien dutout. Sauf que ta petite âme sanglote autour de nous. Pour les mêmes déraisons... C'était en 1982.
Et comme ceci ne suffisait pas, nous apprenons que dans la même année, en France, ce n'est pas UNE petite Bobo qui est morte saignée, mais QUATRE. Sans compter les centaines de milliers d'enfants ainsi mutilées dans une trentaine de pays d'Afrique et du MoyenOrient, ni les dizaines ou centaines de petites filles connues ou inconnues, hospitalisées en Europe où leurs parents ont émigré, dont la "déontologie" (ce qui signifie : les loups ne se mangent pasentre eux), "l'éthique" médicale ou sociale occulte les souffrances ou la mort. Et comme ceci ne suffit pas, le dimanche 3 avril 1983, cette année, maintenant, une autre petite fille malienne, Mantessa, âgée de six semaines, est morte à son tour, pour les mêmes déraisons, dans la banlieue parisienne. Qu'a dit son père :
- Nous sommes fidèles à une tradition. On va chercher une fois de plus à nous attaquer.
Appel à l'opinion publique.
Mais comme ceci commence à suffire, nous venons de lancer un appel à "l'opinion publique", autrement dit : la très modeste humanité qui nous entoure, lit les journaux, écoute la radio, contemple la télévision. En voici le texte : "Si la mort de la petite Mantessa vous trouve sensibles, intervenez personnellement auprès de nous, afin de nous aider dans nos démarches auprès du gouvernement de la République du Mali, responsable de l'information à donner à la population malienne sur les effroyables effets des mutilations féminines que la coutume impose à des millions d'enfants.
...
C'est la raison de l'appel que nous avons lancé le 11 avril et que vous venez de lire. Mais, savez-vous combien de personnes y ont alors répondu et ont pris contact avec nous? UNE.
Alors tu peux mourir, Mantessa. Tu peux mourir, Bobo. Vous pouvez toutes mourir. Vous pouvez sangloter, vos jambes ligotées pour que vous bougiez moins, vous pouvez demeurer à jamais mutilées dans votre âme et votre corps de fille, arrachées ou cousues, à Lausanne on s'en fout. En Suisse, on s'en fout. En France, on s'en fout. Et même, une fois épuisé le spectacle sanglant des nouvelles du jour, les champions des droits de l'homme et les mouvements de femmes s'en foutent, eux aussi. Mais vous, c'est autre chose. Je l'espère. Et si vous n'êtes pas engloutis dans vous-mêmes à l'usage exclusif de vous-mêmes, vous n'êtes pas obligé de vous taire.
___________________
A la date de ma publication, voici le lien de l'association fondée en 1980 par Edmond Kaiser : www.sentinelles.org
__________________________________________
Cette photo extraite d'un article publié dans un hebdomadaire de 1951 avait pour légende :
"Vision de cauchemar : jour de sortie des jeunes filles excisées au pays des Krahn" (Liberia)
__________________________________________
Si les dirigeants politiques de la planète se promenaient ensemble dans un village du monde en développement, ils ne remarqueraient que 2% des cas de malnutrition des enfants alentour, écrit l'Unicef dans le commentaire de ce document. Mais que verraient-ils des mutilations sexuelles ? Et surtout que font-ils contre ces monstruostés ?
ACCUEIL | LE BROL | AU SECOURS DE L'ENFANCE MEURTRIE |
bachybouzouk.free.fr