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La page dessinée, dans laquelle chaque image est une illustration du texte, a vu le jour chez nous, en France. Cet ancêtre de la bande dessinée n’est autre, en effet que l’image d’Epinal qui enchanta plus d’une génération et qui pendant plus d’un siècle se répandit à travers le monde.
HISTOIRES, FABLES ET… PELERINAGES
L’imagerie est depuis de nombreuses années l’industrie principale de la petite ville d’Epinal, laquelle, bien avant Nancy, Pont-à-Mousson et Chartres, se spécialise dans l’impression de ce genre d’illustrés. C’est en 1789 que Jean-Charles Pellerin, alors âgé de trente-trois ans, arriva à Epinal. Considérant que le public était avide de nouvelles, il décida de lui en donner en abondance, présentées en images afin de mieux frapper l’imagination des lecteurs. Il ouvrit un modeste atelier dans lequel quelques artisans creusèrent au burin des planches en bois de poirier. Ces planches furent, par la suite, remplacées par des pierres lithographiques. Les thèmes traités étaient fort simples : les contes les plus connus des enfants, les saints célèbres du calendrier et des pèlerinages, les fables et les grands faits de l’Histoire. En 130 années, les événements se précipitèrent et 4 générations de Pellerin se succédèrent à la direction de l’entreprise, toutes poursuivant avec ardeur et enthousiasme l’œuvre du prédécesseur. Ces 4 générations connurent un nombre égal de révolutions, 10 régimes politiques différents et près de 6 guerres à l’étranger. Les uniformes militaires, qui étaient, et qui le sont encore, très goûtées du public, changeaient fréquemment. Sans cesse, il fallait créer de nouvelles planches, imprimer de nouvelles images que les colporteurs allaient ensuite proposer de village en village et de maison en maison.
UNE PRODUCTION ARTISANALE
Les Pellerin furent des commerçants habiles et leur renommée franchit les frontières et fit connaitre, au-delà des mers, la charmante petite préfecture des Vosges. Au début, sous la direction de Jean-Charles, les ouvriers creusaient le bois avec un clou affûté. Les épreuves étaient tirées sur une presse à vis, en bois, semblable au pressoir des vignerons. Les encres étaient broyées dans des mortiers et le papier venait des moulins d’Arches et de Docelles. Les couleurs étaient appliquées à la brosse à travers des pochoirs découpés dans d’épais cartons. Il fallait employer autant de cartons que de couleurs. Un matin, Jean-Charles Pellerin apprit qu’un de ses concurrents de Strasbourg venait de mettre au point un nouveau procédé : la stéréotypie. Il prit aussitôt la diligence et demanda à jeter un coup d’œil sur les plans de la machine. On le lui refusa. Il glissa 500 francs à un ouvrier pour traverser seulement l’atelier. De retour à Epinal, il transforma de fonde en comble son imprimerie.
LA HAINE DU KAISER
En 1816, la Restauration réprima avec sévérité la diffusion de toute image se rapportant à la Révolution et à l’Empire. Les aigles ornant les shakos (1) et les gibernes (2) furent grattés. Un matin, la troupe cerna l’atelier, tous le bois anciens furent saisis et brûlés tandis que le directeur était condamné à six mois de prison. Par la suite, un ouvrier fort habile, Antoine Georgin, réussit à recréer toutes les images interdites qui furent rééditées. Les images Pellerin devaient devenir le plus ardent propagateur de la légende napoléonienne. Lorsqu’en 1870, les troupes bavaroises entrèrent dans Epinal, elles se rendirent aussitôt chez Pellerin et détruisirent l’imprimerie de fond en comble. Les hostilités terminées, les artistes immortalisèrent les faits d’armes des troupes françaises et des francs-tireurs et ridiculisèrent les soldats et officiers allemands. Le Kaiser Guillaume II avait voué aux images d’Epinal une haine féroce.
- Si un jour, mes troupes entrent dans cette ville, il ne restera pas une seule pierre debout de l’imprimerie Pellerin, dit-il.
Aujourd’hui, les journaux pour la jeunesse font à ces images désuètes, mais charmantes, une redoutable concurrence.
Extrait de l’article de George Fronval paru en 1964 dans J2 Jeunes.
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Allez, je vous aide :
1 – coiffure militaire tronconique
2 – boîte à cartouches des soldats
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LE TOUR DU MONDE DE L'IMAGERIE POPULAIRE
C'est à partir des environs de 1780 que l'imagerie commence à trouver ses formules originales dans le style populaire. Ces nouvelles sortes d'images sont gravées sur bois et coloriées au pochoir par des artistes populaires dont l'originalité est certaine, mais totalement inconsciente, car ils empruntaient leur inspiration n'importe où et n'hésitaient guère à se piller les uns les autres. Le musée de l'imagerie, installé à Epinal, résume les problèmes, en réalité complexes, posés par l'imagerie, ses confins, son évolution. Il revenait à Epinal l'honneur de symboliser l'imagerie en raison de l'essor que les ateliers de cette ville ont su lui donner, mais les ateliers du Mans, d'Orléans, de Chartres, de Paris, de Toulouse, de Cambrai, de Beauvais, de Rennes, de Nantes, de Caen, de Lille, de Nancy, de Belfort, de Montbéliard, ont eu, à différentes époques, une production de tout premier plan. C'est vers 1840 que l'imagerie xylographique perd son caractère artisanal et cède la place à la stéréotypie et à la lithographie.
La taille douce
A Paris, au XVIIe siècle, les éditeurs de feuilles volantes avaient commencé de délaisser la gravure sur bois pour la gravure en taille douce, sur cuivre, coloriée au pinceau. Cette imagerie dite « demi-fine », éditée le plus souvent rue Saint-Jacques, est typique du folklore urbain ; elle a inspiré de nombreux imagiers xylographiques provinciaux ou étrangers.
L'imagerie catalane, coloriée avec des bois comme les estampes japonaises (un bois par couleur), est d'une originalité et d'une valeur artistique très grandes, surtout dans la première moitié du XIXe siècle : images religieuses, historiques (guerres napoléoniennes), ou décoratives (chasse, tauromachie, fleurs). Les «aucas », images divisées en multiples rectangles historiés, commentés par des légendes, riches en enseignements folkloriques, sont d'un style plus conventionnel et banal. Pour l'Italie, le centre imagier principal a été Bassano Veneto. Au XVIIe, au XVIIIe et au début du XIXe siècle, quelques chefs-d'œuvre populaires originaux se détachent d'une énorme production aussi adroite que banale. Il en est de même pour le grand centre imagier de la Belgique flamande, Turnhout, dont quelques feuilles, comme Saint Nicolas, Saint Hubert, Sainte Brigitte ou le chemin de fer de l'imagier Brepols valent une mention toute spéciale.
Image d'Epinal : La bergère et son chat - Image de Turnhout : Saint Nicolas
L'imagerie russe d'une exceptionnelle richesse
L'imagerie polonaise, si elle possède peu de sujets profanes, est très riche en œuvres religieuses vraiment naïves. L'imagerie allemande (même lithographiée) est fort rare. Elle n'existe à peu près pas en Angleterre, quelques manières noires de Londres, du début du XIXe siècle, mises à part. En revanche, l'imagerie russe est d'une exceptionnelle richesse et sans analogie avec les styles polonais. Toutes les techniques de la gravure, importées par Pierre le Grand, sont rapidement devenues slaves. A Moscou, par exemple, les bois du XVIIIe siècle mis en couleurs au pinceau sont d'une étonnante saveur décorative.
article en 1965
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